La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2007 | FRANCE | N°290861

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 07 mars 2007, 290861


Vu le recours, enregistré le 1er mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1 et 2 de l'ordonnance du 17 février 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, à la demande de M. Ibrahim A, a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du 1er février 2006 par laquelle le préfet du Rhône lui a fixé la Turquie comme pa

ys de destination, en application d'une interdiction judiciair...

Vu le recours, enregistré le 1er mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1 et 2 de l'ordonnance du 17 février 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, à la demande de M. Ibrahim A, a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du 1er février 2006 par laquelle le préfet du Rhône lui a fixé la Turquie comme pays de destination, en application d'une interdiction judiciaire du territoire, jusqu'à ce que la commission des recours des réfugiés ait statué sur son recours contre la décision du 28 mai 2004 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, et, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 750 euros à l'avocat de M. A, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ledit avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, que M. A, ressortissant turc, est entré irrégulièrement en France en septembre 2003 puis a déposé une demande d'asile le 2 mars 2004 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 mai 2004 ; que, par un arrêt du 15 novembre 2004, la cour d'appel d'Aix-en-Provence l'a reconnu coupable de violence sur mineur de 15 ans, d'agression sexuelle et d'entrée ou séjour irrégulier en France et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de six mois et à une interdiction du territoire national de cinq ans ; que, sur réquisition du procureur de la République près la cour d'appel d'Aix en Provence, le préfet du Rhône, par une décision du 26 janvier 2006, n'a pas renouvelé à M. A l'autorisation provisoire de séjour dont il bénéficiait en qualité de demandeur d'asile ; que par une décision du 1er février 2006, le préfet a notifié à l'intéressé la fixation de la Turquie comme pays de renvoi pour l'exécution de l'interdiction judiciaire du territoire national et son placement en rétention administrative ; que, saisi par M. A sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de suspension de la décision du 26 janvier 2006 mais a ordonné la suspension de la décision du 1er février 2006 ; que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE se pourvoit contre cette ordonnance en tant qu'elle ordonne la suspension de la décision du 1er février 2006 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : « L'étranger qui doit être reconduit à la frontière est éloigné :/ 1º A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié, ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile » ; que, toutefois, aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2º à 4º de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. » ; que le 3° de l'article L. 741-4 vise la situation dans laquelle la présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; qu'en application de ces dispositions, le préfet peut légalement, dans les cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 et pour l'exécution d'une interdiction du territoire prononcée par le juge judiciaire, prendre une mesure d'éloignement à l'égard de l'intéressé y compris à destination de son pays d'origine après une décision de rejet de l'office, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que celui-ci a saisi la commission des recours des réfugiés d'un recours à l'encontre de cette décision ;

Considérant que, dès lors, en estimant qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision dont la suspension était demandée le moyen tiré de l'erreur de droit, au regard des dispositions précitées de l'article L. 513-2, que le préfet aurait commise en fixant la Turquie comme pays de destination, alors que son recours contre la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides était encore pendant devant la commission des recours des réfugiés, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à demander l'annulation des articles 1 et 2 de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant que pour demander la suspension de la décision du préfet du Rhône du 1er février 2006 fixant la Turquie comme pays de destination de la mesure d'éloignement, M. A soutient que la décision du préfet est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur l'absence de risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet a enfreint les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que la demande tendant à la suspension de cette décision doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1 et 2 de l'ordonnance du 17 février 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant le juge des référés sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. Ibrahim A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01 ÉTRANGERS. RECONDUITE À LA FRONTIÈRE. LÉGALITÉ INTERNE. ÉTRANGERS NE POUVANT FAIRE L'OBJET D'UNE MESURE DE RECONDUITE À LA FRONTIÈRE. DEMANDEURS D'ASILE. - PROTECTION PARTICULIÈRE PRÉVUE PAR L'ARTICLE L. 513-2 DU CODE DE L'ENTRÉE ET DU SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE ET DU DROIT D'ASILE - EXCEPTION - ETRANGER PRÉSENTANT UNE MENACE POUR L'ORDRE PUBLIC (ART. L. 741-4, 2° À 4°, ET L. 742-6 DU MÊME CODE).

335-03-02-01-01 Dans les cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile (CESEDA), c'est-à-dire en cas de menace pour l'ordre public, le préfet peut prendre une mesure d'éloignement à l'égard du demandeur d'asile, y compris à destination de son pays d'origine, dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, sans être tenu d'attendre que la commission des recours des réfugiés statue sur le sort de l'intéressé.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 07 mar. 2007, n° 290861
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public ?: M. Aguila

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 07/03/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 290861
Numéro NOR : CETATEXT000020405901 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-03-07;290861 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award