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12/03/2007 | FRANCE | N°281585

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 12 mars 2007, 281585


Vu le recours, enregistré le 15 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt, en date du 6 avril 2005, par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a rejeté son appel dirigé contre le jugement, en date du 19 décembre 2001, par lequel le tribunal départemental des pensions de l'Hérault a reconnu l'imputabilité au service de l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale de M. Manuel A dont il a porté le taux d'indemnisation à 60 % ;
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Vu le recours, enregistré le 15 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt, en date du 6 avril 2005, par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a rejeté son appel dirigé contre le jugement, en date du 19 décembre 2001, par lequel le tribunal départemental des pensions de l'Hérault a reconnu l'imputabilité au service de l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale de M. Manuel A dont il a porté le taux d'indemnisation à 60 % ;

2°) statuant en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, d'annuler ledit jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault ;

3°) de rejeter la demande présentée par M. A devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code justice administrative ;

Vu la loi du 10 juillet 1991, notamment son article 37 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A est titulaire d'une pension, concédée à titre définitif depuis le 4 décembre 1990, au taux global de 85 %, pour cinq infirmités dont une hypoacousie bilatérale et des acouphènes, respectivement indemnisés aux taux de 12 et 10 % ; que, le 10 mai 1999, le MINISTRE DE LA DEFENSE a rejeté la demande de révision pour aggravation formée par ce dernier le 23 février 1998 en retenant, d'une part, l'absence d'aggravation des acouphènes et en estimant, d'autre part, que l'hypoacousie bilatérale constituait une infirmité nouvelle non imputable au service ; que le tribunal départemental des pensions de l'Hérault a confirmé le motif de rejet retenu par l'administration pour les acouphènes mais a reconnu une aggravation imputable au service de l'hypoacousie bilatérale dont il a fixé le taux à 60 % ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 6 avril 2005, en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'appel relatives à l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale reconnue par le tribunal départemental ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée (...). Toutefois l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé ; qu'ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension ; qu'en revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci , les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée ;

Considérant, d'une part, que la cour a regardé l'aggravation, représentant une perte supplémentaire d'acuité de 55 décibels à gauche et de 47 décibels à droite depuis l'évaluation effectuée en 1990, invoquée par M. A à l'appui de sa demande de révision du 2 février 1998 comme résultant exclusivement d'un vieillissement de l'oreille qui a seulement aggravé les séquelles des expositions au bruit subies par ce dernier en service, sans provoquer d'affection distincte ; qu'elle pouvait légalement déduire de cette constatation souveraine, dont le ministre ne soutient pas qu'elle soit entachée de dénaturation, que cette évolution physiologique ne constituait pas une cause distincte de perte de la capacité auditive, étrangère à l'infirmité déjà pensionnée et ouvrait droit à une révision du taux de la pension, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Considérant, d'autre part, que la cour qui, en se référant expressément aux conclusions de l'expert de Varenne, a mentionné une littérature médicale précise et a écarté l'existence d'une autre pathologie tant infectieuse que médicamenteuse, a, en l'espèce, justifié par une motivation suffisante, eu égard aux arguments de l'administration, la révision du taux de la pension qu'elle a accordée à M. A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué de la cour régionale des pensions de Montpellier en date du 6 avril 2005 ;

Sur les dispositions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2° de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans la présente espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 500 euros à la SCP Boré et Salve de Bruneton sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle pour laquelle elle a été désignée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE, à M. Manuel A et à la SCP Boré et Salve de Bruneton.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 281585
Date de la décision : 12/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

48-01-03-04-01 PENSIONS. PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE. CARACTÈRE DES PENSIONS CONCÉDÉES. RÉVISION DES PENSIONS CONCÉDÉES. RÉVISION POUR AGGRAVATION. - CONSÉQUENCES DU VIEILLISSEMENT - DROIT À RÉVISION DE LA PENSION - A) EXISTENCE - AGGRAVATION DE L'INFIRMITÉ PENSIONNÉE EN RAISON DU VIEILLISSEMENT [RJ1] - B) ABSENCE - AGGRAVATION DE L'INFIRMITÉ PENSIONNÉE DUE À L'INTERVENTION, LIÉE AU VIEILLISSEMENT, D'UNE INFIRMITÉ DISTINCTE [RJ2].

48-01-03-04-01 Il résulte des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. a) Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de pension. b) En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions de l'article L. 29 font obstacle à cette révision, l'aggravation devant alors être regardée comme étant due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée.


Références :

[RJ1]

Cf. CSCP, Ass. plénière, 4 juin 1969, Ministre des anciens combattants et victimes de guerre c/ Sieur Albucher, n° 20098, p. 284.,,

[RJ2]

Cf. CSCP, Ass. plénière, 4 juin 1969, Dame veuve Marbot, n° 19176, p. 285.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2007, n° 281585
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:281585.20070312
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