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06/04/2007 | FRANCE | N°269186

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 06 avril 2007, 269186


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE, dont le siège est Parc Cadera à Mérignac (33700) ; la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juin 2000 rejetant sa demande tend

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE, dont le siège est Parc Cadera à Mérignac (33700) ; la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juin 2000 rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juin 2000 et de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE a bénéficié, en tant que producteur de maïs, d'aides communautaires accordées au titre de la politique agricole commune en application du règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992 ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre 1995 et 1996 ; que l'administration fiscale a estimé qu'elle avait omis de comptabiliser dans ses résultats de l'exercice clos le 30 septembre 1996 une aide communautaire d'un montant de 1 134 515 F, accordée par une décision du 26 juin 1996 du directeur départemental de l'agriculture et versée le 16 octobre 1996 ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux a omis de répondre au moyen tiré de ce que la doctrine administrative permet de qualifier l'aide litigieuse de complément de prix ; qu'ainsi, la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée (...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans sa réponse aux observations de la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE, l'administration a écarté la doctrine invoquée par la société pour soutenir que l'aide litigieuse, constituant un complément de prix, était un produit rattachable à l'exercice au cours duquel intervient la vente des récoltes, et a exposé les raisons pour lesquelles la créance litigieuse devait être comptabilisée dans les écritures de l'exercice clos en 1996 ; qu'ainsi, cette réponse satisfait aux prescriptions de l'article L. 57 précité ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que selon l'article 2 du règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992 : « 2. Le paiement compensatoire est accordé pour la superficie consacrée aux cultures arables ou au gel de terres en conformité avec l'article 7 du présent règlement (...) / 5. Le paiement compensatoire est versé en vertu (...) d'un régime général ouvert à tous les producteurs (...). Les producteurs demandant le paiement compensatoire en vertu du régime général sont tenus de geler une partie des terres de leur exploitation moyennant une compensation » ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : « 1. Le paiement compensatoire pour les céréales est calculé dans le plan de régionalisation relatif à la région concernée » ; qu'aux termes de l'article 7 du même règlement : « 5. La compensation pour l'obligation de gel des terres est fixée au niveau du paiement compensatoire qui serait (...) versé pour les mêmes superficies cultivées en céréales » ; qu'il résulte de ces dispositions que les aides au gel des terres sont calculées en fonction de rendements moyens et sont indépendantes des caractéristiques propres à l'exploitation considérée et de la récolte de l'année ; qu'elles ne peuvent dès lors être regardées comme des compléments de prix dont le produit devrait, comme le prétend la société requérante, être rattaché à l'exercice au cours duquel la récolte est vendue ;

Considérant que, dès la décision de l'administration du 26 juin 1996 arrêtant l'aide à laquelle avait droit la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE, la société détenait une créance certaine dans son principe et son montant ; qu'en application du 2 de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'imposition des revenus de l'exploitation agricole par l'article 72 du même code, cette créance devait donc être comptabilisée dans les écritures de l'exercice clos le 30 septembre 1996, même si la société n'en a effectivement perçu le montant que le 16 octobre 1996 ;

Considérant, il est vrai, que la société requérante soutient, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que l'administration aurait admis que les aides litigieuses étaient des compléments de prix ; que toutefois, elle ne peut utilement se prévaloir d'une réponse ministérielle à M. A du 2 mars 1992 qui concerne un autre règlement communautaire que le règlement précité et a trait au régime applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que l'instruction 5 E-5-94 du 16 mai 1994, également invoquée, indique que les aides communautaires ont pour objet de compenser la perte de revenus des exploitants occasionnée par la réforme de la politique agricole commune, mais ne les qualifie pas de complément de prix ;

Considérant que la même instruction admet que la comptabilisation de l'aide soit reportée jusqu'à la date d'engagement par l'administration des crédits nécessaires, en mentionnant que cette date est connue des intéressés par la voie de leurs publications professionnelles ; que, si l'article 10 du règlement communautaire mentionné ci-dessus prévoit que les paiements compensatoires sont « versés entre le 16 octobre et le 31 décembre suivant la récolte », il ne résulte pas de telles dispositions, contrairement à ce que soutient la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE, requérante, que l'engagement des crédits nécessaires pour ces versements ne pourrait jamais intervenir avant le 16 octobre ; que la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE n'apporte aucun élément de nature à établir que la décision d'engagement des crédits nécessaires au versement de l'aide qui lui était attribuée serait intervenue postérieurement au 30 septembre 1996 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge de l'imposition litigieuse ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 26 avril 2004 est annulé.

Article 2 : La requête de la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et le surplus des conclusions du pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE (SCEA) DE PRILOUZE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 269186
Date de la décision : 06/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES AGRICOLES. - COMPTABILITÉ D'ENGAGEMENTS - AIDES COMMUNAUTAIRES AU GEL DES TERRES (RÈGLEMENT (CEE) N° 1765/92 DU 30 JUIN 1992) - A) NATURE - COMPLÉMENT DE PRIX - ABSENCE - B) CRÉANCE ACQUISE À LA DATE DE LA DÉCISION ARRÊTANT L'AIDE DANS SON PRINCIPE ET SON MONTANT ALORS MÊME QUE LA RÉCOLTE DE L'EXERCICE AU COURS DUQUEL CETTE DÉCISION A ÉTÉ PRISE N'EST PAS ENCORE VENDUE - COMPTABILISATION DANS LES COMPTES DE L'EXERCICE AU COURS DUQUEL LA DÉCISION ARRÊTANT L'AIDE A ÉTÉ PRISE.

19-04-02-04 a) Il résulte des dispositions des articles 2, 4 et 7 du règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992 que les aides communautaires au gel des terres, qui sont calculées en fonction de rendements moyens et sont indépendantes des caractéristiques propres à l'exploitation considérée et de la récolte de l'année, ne peuvent être regardées comme des compléments de prix dont le produit devrait être rattaché à l'exercice au cours duquel la récolte est vendue.... ...b) La créance correspondant à cette subvention est, par suite, acquise dès que la décision de l'accorder a été prise et son montant fixé, alors même que la récolte n'est pas encore vendue. Elle doit donc être comptabilisée dans les comptes de l'exercice au cours duquel la décision arrêtant l'aide dans son principe et son montant a été prise, en application du 2 de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'exploitation des revenus de l'exploitation agricole par l'article 72 du même code.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 2007, n° 269186
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: Mme Landais
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:269186.20070406
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