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23/04/2007 | FRANCE | N°283311

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 23 avril 2007, 283311


Vu la requête, enregistrée le 1er août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le COLLECTIF DES ACCIDENTES DU TRAVAIL, HANDICAPES ET RETRAITES, POUR L'EGALITE DES DROITS (CATRED), dont le siège est 20, boulevard Voltaire à Paris (75011) et le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011) ; le CATRED et le GISTI demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions de l'article 1er du décret n° 2005-724 du 29 juin 2005 relatif à l'allocation aux adultes ha

ndicapés et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie...

Vu la requête, enregistrée le 1er août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le COLLECTIF DES ACCIDENTES DU TRAVAIL, HANDICAPES ET RETRAITES, POUR L'EGALITE DES DROITS (CATRED), dont le siège est 20, boulevard Voltaire à Paris (75011) et le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011) ; le CATRED et le GISTI demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions de l'article 1er du décret n° 2005-724 du 29 juin 2005 relatif à l'allocation aux adultes handicapés et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : décrets en Conseil d'Etat) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les protocoles additionnels à cette convention ;

Vu la convention de l'organisation internationale du travail n° C 118 du 28 juin 1962 ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Michel Delpech, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale relatif à l'allocation aux adultes handicapés, dans sa rédaction alors applicable : « Toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés. Les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour » ; qu'aux termes de l'article R. 821-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'article premier du décret du 29 juin 2005 dont les dispositions sont attaquées : « Est considérée comme résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon la personne handicapée qui y réside de façon permanente. Est également réputée y résider la personne handicapée qui accomplit hors de ces territoires :/- soit un ou plusieurs séjours dont la durée n'excède pas trois mois au cours de l'année civile. En cas de séjour de plus de trois mois hors de ces territoires, soit de date à date, soit sur une année civile, l'allocation aux adultes handicapés n'est versée, dans les conditions précisées à l'article L. 552-1, que pour les seuls mois civils complets de présence sur ces territoires ;/- soit un séjour de plus longue durée lorsqu'il est justifié, dans les conditions prévues au 2º de l'article R. 512-1, que le séjour est nécessaire pour lui permettre soit de poursuivre ses études, soit d'apprendre une langue étrangère, soit de parfaire sa formation professionnelle » ;

Considérant, en premier lieu, que si le droit à l'allocation d'une prestation sociale constitue, pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de cet article à l'encontre du décret attaqué lequel fixe une condition de résidence à l'octroi de l'allocation aux adultes handicapés et ne porte, dès lors, pas atteinte aux biens des personnes susceptibles de bénéficier de cette allocation ; qu'ils ne peuvent davantage invoquer à l'encontre de dispositions relatives à la condition de résidence des bénéficiaires de l'allocation sur le territoire métropolitain ou dans les départements ou collectivité mentionnés à l'article R. 821-1 précité les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en revanche, les dispositions du décret attaqué ne pourraient légalement être incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées avec l'article 1er du premier protocole additionnel et l'article 8 de cette même convention, lesquelles prohibent les différences de traitement entre des personnes placées dans des situations analogues, lorsqu'elles ne sont pas assorties de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire ne poursuivent pas un objectif d'utilité publique et qu'elles ne sont pas fondées sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; qu'en l'espèce, la condition posée par l'article R. 821-1 précité prévoyant qu'en cas de séjour de plus de trois mois hors du territoire métropolitain et des départements d'outre-mer ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, l'allocation aux adultes handicapés n'est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur ces territoires, destinée à subordonner le bénéfice de cette prestation sociale non-contributive à des séjours suffisamment stables sur le territoire national, tout en garantissant l'exercice de la solidarité nationale, poursuit un objectif d'utilité publique et se fonde sur un critère objectif et rationnel en rapport avec les buts poursuivis ; que, dès lors, cette condition ne saurait être regardée comme constituant une discrimination prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni comme portant atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale et au droit au respect des biens ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la disposition litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 4 de la convention de l'organisation internationale du travail n° C 118 ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si la liberté d'aller et venir reconnue par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et confirmée par l'article 2-2 du protocole n° 4 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas limitée au territoire national mais comporte également le droit de le quitter, le décret attaqué qui soumet le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés à une condition de résidence à caractère permanent incluant la possibilité de séjours hors du territoire national accomplis dans les conditions qu'il fixe, ne porte pas, par lui-même, atteinte à cette liberté ;

Considérant, enfin, que le décret attaqué, en fixant les conditions d'octroi de l'allocation aux adultes handicapés, n'a pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet, de porter atteinte au principe constitutionnel de la dignité humaine ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des dispositions attaquées du décret du 29 juin 2005 ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle émane du COLLECTIF DES ACCIDENTES DU TRAVAIL, HANDICAPES ET RETRAITES POUR L'EGALITE DES DROITS (CATRED), les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du COLLECTIF DES ACCIDENTES DU TRAVAIL, HANDICAPES ET RETRAITES, POUR L'EGALITE DES DROITS et du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au COLLECTIF DES ACCIDENTES DU TRAVAIL, HANDICAPES ET RETRAITES, POUR L'EGALITE DES DROITS (CATRED), au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), au Premier ministre et au ministre de la santé et des solidarités.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 avr. 2007, n° 283311
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Michel Delpech
Rapporteur public ?: M. Devys

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 23/04/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 283311
Numéro NOR : CETATEXT000018005989 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-04-23;283311 ?
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