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25/04/2007 | FRANCE | N°287486

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 25 avril 2007, 287486


Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE FREE, dont le siège est 8, rue de la Ville L'Evêque à Paris (75008) ; la SOCIETE FREE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les dispositions du VIII de l'article 4 du décret n° 2005-605 du 27 mai 2005 modifiant la deuxième partie (Décrets en Conseil d'Etat) du code des postes et des communications électroniques, ainsi que la décision du Premier ministre rejetant implicitement son recours gracieux en date du 26 juillet 2005 contre ces dispositions ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 ...

Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE FREE, dont le siège est 8, rue de la Ville L'Evêque à Paris (75008) ; la SOCIETE FREE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les dispositions du VIII de l'article 4 du décret n° 2005-605 du 27 mai 2005 modifiant la deuxième partie (Décrets en Conseil d'Etat) du code des postes et des communications électroniques, ainsi que la décision du Premier ministre rejetant implicitement son recours gracieux en date du 26 juillet 2005 contre ces dispositions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation »), notamment son article 13 ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques (directive « cadre »), notamment son article 8 ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;

Vu la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment son article L. 44 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;

Considérant que la SOCIETE FREE demande l'annulation des dispositions du VIII de l'article 4 du décret du 27 mai 2005 modifiant la deuxième partie (Décrets en Conseil d'Etat) du code des postes et des communications électroniques, qui introduisent dans le titre II de cette partie un nouveau chapitre II, intitulé « Numérotation et adressage », composé des articles R. 20-44-27 à R. 20-44-33 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (‘‘directive autorisation'') : « Les Etats membres peuvent permettre à l'autorité compétente de soumettre à une redevance les droits d'utilisation des radiofréquences ou des redevances ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés, afin de tenir compte de la nécessité d'assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les Etats membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l'usage auquel elles sont destinées et tiennent compte des objectifs fixés à l'article 8 de la directive 2002/21/CE... » ; qu'aux termes du 2 de l'article 8 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques (‘‘directive cadre'') : « .... Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment : /... d) en encourageant l'utilisation et la gestion efficaces... des ressources en numérotation » ; que les dispositions de cette directive ont été transposées en droit français par l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 2005, qui prévoit que : « L'autorité attribue, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, aux opérateurs qui le demandent, des préfixes et des numéros ou blocs de numéros, moyennant une redevance fixée par décret en Conseil d'Etat, destinée à couvrir les coûts de gestion du plan de numérotation téléphonique et le contrôle de son utilisation... », et par les dispositions des articles R. 20-44-27 à R. 20-44-33 du même code, qui fixent les bases de calcul de la redevance pour l'attribution des préfixes et numéros ou blocs de numéros ; que la circonstance que ces dispositions législatives et réglementaires ont procédé à la transposition de directives communautaires ne saurait dispenser le Gouvernement de respecter l'article 34 de la Constitution, qui prévoit que la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, cependant qu'en application de l'article 4 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, peut seule être établie et perçue sur la base d'un décret en Conseil d'Etat la rémunération de services rendus par l'Etat ;

Considérant que l'article R. 20-44-28, introduit dans le code des postes et communications électroniques par le décret attaqué, retient pour le calcul de la redevance une valeur « de base » qui ne peut être supérieure à 0,023 euros et qui est arrêtée par le ministre chargé des communications électroniques et le ministre chargé du budget, sur proposition de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ; que le montant de la redevance est égal à cette valeur de base pour un numéro à dix chiffres, à 2 millions de fois cette valeur pour les numéros à quatre et six chiffres et à 20 millions de fois cette valeur pour un numéro à un chiffre ; que l'article R. 20-44-30 introduit par le même décret prévoit que le montant des redevances ainsi calculées ne s'applique au prorata de la durée de l'utilisation de ces ressources en numérotation qu'à compter du 1er janvier 2006, cependant que l'article R. 20-44-31 énumère les cas d'attribution de numérotation faisant l'objet d'exonérations ; qu'il ressort des pièces du dossier que les modalités de calcul ainsi retenues visent à éviter que les opérateurs, notamment ceux qui se portent acquéreurs d'un format de numérotation à six chiffres en vue d'ouvrir un service de renseignements téléphoniques, ne bénéficient d'un « effet d'aubaine » contraire à l'objectif d'utilisation optimale des ressources, énoncé par l'article 8 de la directive 2002/21/CE ; que, par suite, ce droit mis à la charge des opérateurs n'est pas une redevance correspondant à un service rendu mais a la nature d'une taxe dont l'autorité réglementaire n'a pas compétence pour fixer les taux en vertu de l'article 34 de la Constitution ; que les dispositions attaquées sont, dès lors, entachées d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FREE est fondée à demander l'annulation des dispositions du VIII de l'article 4 du décret du 27 mai 2005 modifiant la deuxième partie (Décrets en Conseil d'Etat) du code des postes et des communications électroniques, ainsi que de la décision implicite du Premier ministre rejetant son recours gracieux contre ces dispositions ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE FREE et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les dispositions du VIII de l'article 4 du décret n° 2005-605 du 27 mai 2005 modifiant la deuxième partie (Décrets en Conseil d'Etat) du code des postes et des communications électroniques sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE FREE une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FREE, à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 287486
Date de la décision : 25/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 avr. 2007, n° 287486
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:287486.20070425
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