La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2007 | FRANCE | N°291856

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 25 avril 2007, 291856


Vu 1°/, sous le n° 291856, la requête, enregistrée le 31 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD (SOLIDAIRES, UNITAIRES ET DÉMOCRATIQUES)-PTT, dont le siège est 25-27, rue des Envierges à Paris (75020), représentée par sa secrétaire générale, domiciliée en cette qualité audit siège ; la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la circulaire de La Poste en date du 3 février 2006 concernant la mise en oeuvre de la journée de solidarité à la Poste à compter de 2006, ensemb

le la décision n° 2590 du 15 décembre 2005 relative aux modalités de mise en oeuv...

Vu 1°/, sous le n° 291856, la requête, enregistrée le 31 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD (SOLIDAIRES, UNITAIRES ET DÉMOCRATIQUES)-PTT, dont le siège est 25-27, rue des Envierges à Paris (75020), représentée par sa secrétaire générale, domiciliée en cette qualité audit siège ; la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la circulaire de La Poste en date du 3 février 2006 concernant la mise en oeuvre de la journée de solidarité à la Poste à compter de 2006, ensemble la décision n° 2590 du 15 décembre 2005 relative aux modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité à La Poste à partir de 2006 ;

2°) d'enjoindre à La Poste de restituer une journée de repos exceptionnel au titre de l'année 2006 à chaque agent de La Poste, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la Poste le versement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°/, sous le n° 298942, la requête, enregistrée le 21 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD (SOLIDAIRES, UNITAIRES ET DÉMOCRATIQUES)-PTT, dont le siège est 25-27, rue des Envierges à Paris (75020), représentée par sa secrétaire générale, domiciliée en cette qualité audit siège ; la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le président de La Poste a rejeté la demande du 3 août 2006 de la fédération requérante tendant à l'abrogation de la décision n° 2950 du 15 décembre 2005 relative aux modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité à La Poste à partir de 2006 ;

2°) d'annuler la décision n° 2950 du 15 décembre 2005 ;

3°) d'enjoindre à La Poste de restituer une journée de repos exceptionnel au titre de l'année 2006 à chaque agent de La Poste, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 avril 2007, présentée pour La Poste ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le code du travail, notamment son article L. 212-16 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, modifiée ;

Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 ;

Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990, modifié ;

Vu le décret n° 98-1241 du 29 décembre 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Auditeur,

- les observations de Me Haas, avocat de La Poste,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 291856 et 298942 de la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT tendent respectivement à l'annulation de la décision n° 2590 du 15 décembre 2005 et de la circulaire du 3 février 2006 de La Poste concernant la mise en oeuvre de la journée de solidarité à La Poste à compter de 2006, et de la décision implicite par laquelle le président de La Poste a refusé d'abroger la décision du 15 décembre 2005 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que les juridictions administratives sont compétentes pour apprécier la légalité des décisions d'un établissement public industriel et commercial tel que La Poste relatives à l'organisation du service public ; que les décisions attaquées, prises par La Poste pour fixer les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité à ses agents, entrent dans cette catégorie ; que, par suite, la juridiction administrative est compétente pour en connaître ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par La Poste à la requête n° 291856 :

Considérant que, contrairement à ce que soutient La Poste, la secrétaire générale de la fédération requérante a été régulièrement mandatée, conformément à l'article 19 des statuts de cette fédération, pour introduire le présent recours ;

Considérant que les fonctionnaires et les associations ou syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs n'ont pas qualité pour attaquer les dispositions des circulaires ou instructions de leurs supérieurs hiérarchiques se rapportant à l'organisation ou à l'exécution du service, sauf dans la mesure où ces dispositions portent atteinte à leurs droits et prérogatives ou affectent leurs conditions d'emploi et de travail ; que les décisions attaquées, qui prévoient les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité à La Poste, ont des conséquences sur les conditions de travail des agents de La Poste dont la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT assure la défense des intérêts collectifs ; que, par suite, la fédération syndicale requérante justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre ces décisions ;

Considérant que la circulaire attaquée présente un caractère impératif ; que, par suite, elle constitue une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

Considérant qu'il suit de là que les fins de non recevoir opposées par La Poste doivent être écartées ;

Sur la légalité de la décision du 15 décembre 2005 et de la circulaire du 3 février 2006 :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 11 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom ainsi que des articles 12 et 15 du décret du 12 décembre 1990 portant statut de La Poste, le président du conseil d'administration de La Poste recrute et nomme aux emplois de ses services et gère le personnel, notamment les fonctionnaires de l'Etat placés sous son autorité ; qu'en définissant les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité à La Poste, le président du conseil d'administration n'a pas outrepassé la mission qu'il tient de la loi de gérer le personnel de l'établissement ; que, par suite, il était compétent pour prendre la décision et la circulaire attaquées ; que des délégations ont été régulièrement accordées, respectivement au directeur général, directeur des ressources humaines, et au directeur du développement social de la direction des ressources humaines, pour signer la décision du 15 décembre 2005 et la circulaire du 3 février 2006 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence des auteurs des décisions attaquées doit être écarté ;

Considérant que l'article L. 212-16 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, dispose : « Une journée de solidarité est instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées. Elle prend la forme d'une journée supplémentaire de travail non rémunérée pour les salariés (...). Une convention, un accord de branche ou une convention ou un accord d'entreprise détermine la date de la journée de solidarité. (...). Lorsque l'entreprise travaille en continu ou est ouverte tous les jours de l'année, l'accord collectif ou, à défaut, l'employeur, peut fixer, le cas échéant, une journée de solidarité différente pour chaque salarié. Par dérogation au deuxième alinéa, en l'absence de convention ou d'accord, la journée de solidarité est le lundi de Pentecôte. (...) » ; que l'article 6 de la même loi dispose : « Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, ... la journée de solidarité prévue à l'article L. 212-16 du code du travail est fixée dans les conditions suivantes : (...) dans la fonction publique d'Etat, cette journée prend la forme d'une journée fixée par arrêté du ministre compétent pris après avis du comité technique paritaire ministériel concerné. A défaut de décision intervenue avant le 31 décembre de l'année précédente, la journée de solidarité des personnels cités au premier alinéa est fixée au lundi de Pentecôte » ; qu'enfin, aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 : « Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi qu'à l'article 29-1 » et qu'aux termes de l'article 31 de la même loi : « (...) La Poste peut employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels, dans le cadre des orientations fixées par le contrat de plan (...) » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si le président de La Poste était compétent pour fixer par la voie d'une décision unilatérale les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité pour les fonctionnaires et agents contractuels de droit public de l'établissement, il ne pouvait, en revanche, fixer ces modalités que dans les conditions prévues par l'article L. 212-16 du code du travail en ce qui concerne les agents contractuels de droit privé ; que La Poste ne peut être regardée comme un établissement qui travaille en continu ou qui est ouvert tous les jours de l'année, au sens des dispositions de cet article ; que, par suite, l'employeur ne pouvait déterminer seul, pour les agents de droit privé de La Poste, la date d'une journée de solidarité autre que le lundi de Pentecôte et cette dernière ne pouvait être fixée que par une convention, un accord de branche ou une convention ou un accord d'entreprise ; qu'aucun accord collectif n'ayant été conclu pour déterminer la date de la journée de solidarité, celle-ci devait être fixée au lundi de Pentecôte ; que, par suite, la fédération syndicale requérante est fondée à demander l'annulation des décisions attaquées en tant seulement qu'elles fixent les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité pour les agents contractuels de droit privé de La Poste, ainsi que, par voie de conséquence, de la décision implicite par laquelle le président de La Poste a refusé d'abroger, dans cette mesure, la décision du 15 décembre 2005 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de son article L. 911-3 : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet » ;

Considérant que la présente décision, si elle annule la décision du 15 décembre 2005 et la circulaire du 3 février 2006 en tant qu'elles fixent les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité pour les agents contractuels de droit privé de La Poste, ainsi que la décision implicite par laquelle le président de La Poste a refusé d'abroger, dans cette mesure, la décision du 15 décembre 2005, n'implique toutefois pas nécessairement qu'il soit enjoint à La Poste de restituer une journée de repos exceptionnel au titre de l'année 2006 à chacun de ses agents ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à cette fin ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que La Poste demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la Poste une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision n° 2590 du 15 décembre 2005 relative aux modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité à La Poste à partir de 2006 et la circulaire du 3 février 2006 concernant la mise en oeuvre de la journée de solidarité à La Poste à compter de 2006 sont annulées en tant qu'elles s'appliquent aux agents contractuels de droit privé de La Poste.

Article 2 : La décision implicite par laquelle le président de La Poste a rejeté la demande du 3 août 2006 de la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT tendant à l'abrogation de la décision n° 2950 du 15 décembre 2005 relative aux modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité à La Poste à partir de 2006, en tant qu'elle s'applique aux agents contractuels de droit privé de La Poste, est annulée.

Article 3 : La Poste versera la somme de 1 000 euros à la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la FÉDÉRATION SYNDICALE SUD-PTT, à La Poste et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 291856
Date de la décision : 25/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 avr. 2007, n° 291856
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:291856.20070425
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award