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27/04/2007 | FRANCE | N°304402

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 avril 2007, 304402


Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, représentée par son maire ; M. Yvan A, demeurant ... ; Mme Christine B, demeurant ... ; Mme Claudine C, demeurant ... ; la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, M. Yvan A, Mme Christine B et Mme Claudine C demandent au juge des référés du Conseil d'Etat ;

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, les décisions n° 07/007, 07/008, 07/009, 07/010, 07/011, 07/012, 07/013 du 15 mars 2007 par lesquelles

le ministre de l'agriculture et de la pêche a autorisé la société ...

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, représentée par son maire ; M. Yvan A, demeurant ... ; Mme Christine B, demeurant ... ; Mme Claudine C, demeurant ... ; la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, M. Yvan A, Mme Christine B et Mme Claudine C demandent au juge des référés du Conseil d'Etat ;

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, les décisions n° 07/007, 07/008, 07/009, 07/010, 07/011, 07/012, 07/013 du 15 mars 2007 par lesquelles le ministre de l'agriculture et de la pêche a autorisé la société Monsanto agriculture France SAS à disséminer volontairement dans l'environnement du maïs génétiquement modifié en tant qu'elles portent sur deux sites situés sur le territoire de la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, dans le cadre d'un programme expérimental d'un an ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent à titre liminaire que la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU peut se prévaloir qu'un intérêt à agir suffisant pour demander la suspension des décisions attaquées dès lors que ces dernières auront des effets sur le territoire de la commune ; que la condition d'urgence est remplie en raison de l'atteinte grave et immédiate à plusieurs intérêts publics ; qu'en effet, en l'absence de précisions suffisantes relatives aux sites sur lesquels la dissémination des organismes génétiquement modifiés aura lieu, les décisions litigieuses ont porté une atteinte grave au principe de libre administration des collectivités territoriales et aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique ainsi qu'au principe d'effectivité du droit communautaire ; qu'en outre, la fiche d'information du public contenue dans le dossier de demande d'autorisation, établie sur le fondement de l'arrêté ministériel du 21 septembre 1994, applicable à la date des décisions attaquées, ne contient aucune information sur la localisation précise des sites d'expérimentation ; que par suite, l'annexe III B de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et l'article 6-2 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 ont été méconnus ; qu'en signant les décisions litigieuses seulement quatre jours avant la transposition de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 par les décrets n° 2007-357 et 2007-358 du 19 mars 2007, le ministre a délibérément contourné les exigences communautaires qui découlent de la directive précitée ; que l'urgence est en outre établie par le caractère patent de l'illégalité de la procédure de consultation du public ; qu'enfin, et dans la mesure où les requérants ne demandent l'annulation des décisions attaquées qu'en tant qu'elles concernent la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, il n'existe aucune circonstance particulière justifiant l'exécution des actes attaqués nonobstant leur illégalité ; que par ailleurs, il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ; que les informations de la fiche d'information du public relatives à la localisation des sites d'expérimentation sont insuffisantes au regard des exigences de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 et de l'arrêté ministériel du 21 septembre 1994 ; qu'ensuite, la procédure de consultation, qui n'a prévu qu'une simple consultation par Internet, est insuffisante ; qu'en outre, les décisions litigieuses ont autorisé l'expérimentation d'organismes génétiquement modifiés sur 19 sites alors que la commission du génie bio-moléculaire a donné un avis favorable sur 26 sites ; que les autorisations attaquées sont entachées d'erreur de droit, en ce qu'elles ont été délivrées sur le fondement d'une procédure irrégulière, dès lors que la commission du génie bio-moléculaire et le ministre ont statué sur un dossier incomplet, ne comportant pas de précisions suffisantes sur la localisation des opérations de dissémination envisagées ; que, les dispositions du décret n° 93-1177 du 18 octobre 1993 et de l'arrêté du 21 septembre 1994 portant sur le contenu du dossier de demande d'autorisation et sur la consultation publique sont incompatibles avec les objectifs de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 ; que par suite, les décisions attaquées sont dépourvues de base légale ; qu'enfin, si le juge des référés estime qu'il existe une difficulté sérieuse nécessaire au règlement du litige, il lui appartiendra de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle tendant à déterminer si les dispositions du décret n° 93-1177 du 18 octobre 1993 et de l'arrêté du 21 septembre 1994, applicables aux décisions contestées, étaient conformes à la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés, et dans l'affirmative, tendant à dire si un rejet de la requête fondé sur l'absence d'urgence serait constitutif d'une pratique judiciaire incompatible avec les exigences inhérentes à la nature du droit communautaire ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu la copie de la requête en annulation contre les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2007, présenté par la société Monsanto Agriculture France SAS, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros, ainsi que les dépens, soient mis à la charge des requérants ; elle soutient que l'urgence n'est pas constituée ; qu'il résulte d'une décision du juge des référés du Conseil d'Etat du 9 février 2007 qui porte sur des faits en tous points semblables à ceux de la présente espèce que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; que par ailleurs, il n'existe aucun doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ; que, s'agissant de la légalité externe, la commission du génie bio-moléculaire a été régulièrement informée de la localisation des sites de dissémination ; que de même, les informations précises relatives aux sites de dissémination ont été publiées sur le site Internet consacré à l'information sur les organismes génétiquement modifiés ; qu'en tout état de cause, l'obligation d'information du public sur les disséminations doit être conciliée avec d'autres intérêts comme le droit de propriété, qui est menacé en l'espèce par les risques de destruction des plans de maïs expérimentaux ; qu'en outre, les mesures d'information prévues par le droit interne sur la localisation et les conditions des disséminations sont conformes aux articles 9, 10 et 31 de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 ; que, s'agissant de la légalité interne, la société Monsanto Agriculture France SAS s'en remet aux conclusions du ministre de l'agriculture et de la pêche, et précise que les requérants ne peuvent se prévaloir de la méconnaissance par une décision administrative individuelle des dispositions d'une directive ; qu'en tout état de cause, les décisions attaquées ont été prises au terme d'une procédure allant au delà des exigences légales et réglementaires, pour se conformer aux dispositions de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 ; qu'enfin, la société Monsanto Agriculture France SAS s'en remet à la sagesse du juge des référés quant à l'opportunité d'une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 19 avril 2007, présenté par la Région Rhône-Alpes, qui fait siens les conclusions et moyens des requérants ; elle soutient en outre qu'elle a intérêt à agir, du fait de sa vocation à intervenir dans le domaine de la protection de l'environnement, du soutien qu'elle accorde à l'agriculture biologique et de sa vocation institutionnelle à garantir la diversité d'expression des citoyens dans la vie locale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'urgence n'est pas caractérisée ; qu'en effet, les requérants ne peuvent prétendre que l'information du public sur la localisation des sites d'expérimentation n'a pas été suffisante dès lors que la demande de la société Monsanto Agriculture France SAS mentionne explicitement la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU pour sa campagne d'expérimentation 2007 ; que de plus, la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU n'est pas fondée à soutenir que les décisions litigieuses méconnaissent le principe de libre administration des communes dans la mesure où, du fait de l'existence d'une police spéciale de la dissémination des organismes génétiquement modifiés confiée au ministre de l'agriculture et de la pêche, le maire n'est pas compétent en cette matière ; qu'aucun risque de trouble à l'ordre public n'est établi ; qu'en outre, le ministre de l'agriculture et de la pêche n'a nullement entendu contourner les obligations découlant de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 en procédant à la signature des décisions attaquées quatre jours avant la publication des décrets transposant la directive précitée, devant statuer sur les demandes de la société pétitionnaire indépendamment des obligations de transposition des directives communautaires objet des décrets en cause ; que par ailleurs, la technologie génétique autorisée présente un intérêt significatif pour les agriculteurs et pour la gestion durable de l'espace rural ; que les objectifs poursuivis par les essais en cause répondent donc aux objectifs fondamentaux assignés à la recherche agronomique par l'article L. 830-1 du code rural ; que par suite, il y a urgence à exécuter les décisions attaquées ; qu'il n'existe aucun doute sérieux quant à la légalité des décisions litigieuses ; que si la localisation précise des sites d'essai doit être indiquée dans le dossier technique présenté à la commission du génie bio-moléculaire, l'obligation d'information du public, qui vise uniquement à faire connaître les effets de la dissémination, n'implique pas la mention de la localisation exacte des sites dans la fiche d'information du public ; que du reste, et compte tenu des risques d'action violente contre les plantations concernées, l'absence d'informations précises sur la localisation des sites dans la fiche d'information du public permet de protéger les intérêts du responsable de la dissémination ; que, conformément à l'article 9 de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001, les informations relatives à la localisation des sites de dissémination sont publiées par le biais d'Internet ; que du reste, les registres publics prévus par le a) du point 3 de l'article 31 de la directive précitée n'impose pas l'inscription de la référence cadastrale de la parcelle sur laquelle se déroulent les essais ; qu'en tout état de cause, les registres publics concernent les essais effectivement implantés, qui ne peuvent être constatés qu'après l'autorisation de la dissémination ; qu'ensuite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dossiers techniques transmis à la commission du génie bio-moléculaire comprenaient la liste des communes proposées pour les essais ; que dès lors, la commission du génie bio-moléculaire s'est régulièrement prononcée sur les demandes d'autorisation de la société Monsanto Agriculture France SAS ; que par ailleurs, tant les dispositions des articles L. 533-1 à L. 533-7 du code de l'environnement, et du décret n° 93-1177 du 18 octobre 1993, que les mesures de consultation et d'information du public prévues, notamment par Internet, sont compatibles avec les objectifs de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 ; qu'en outre, les décisions attaquées prévoient des mesures appropriées de prévention, de suivi des essais et de traitement des effets et évènements indésirables ; que, s'agissant du moyen tiré de la violation par les décisions litigieuses de l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998, l'éventuelle incompatibilité entre les décisions attaquées et des stipulations conventionnelles n'est pas susceptible de faire naître un doute sérieux sur la légalité de ces décisions ; que du reste, les points 4 et 11 de l'article 6 ne sont pas d'effet direct ; que par suite, les stipulations de l'article 6 ne peuvent être invoquées contre les décisions attaquées ; qu'en tout état de cause, les décisions attaquées ne méconnaissent pas les stipulations de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 ; qu'enfin, la demande de question préjudicielle n'est pas justifiée ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 avril 2007, présenté par la société Monsanto Agriculture France SAS, qui maintient ses moyens et conclusions ; elle précise que ses conclusions tendant à mettre à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'étendent à la Région Rhône-Alpes ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 23 avril 2007, présenté par la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature section Isère (FRAPNA Isère), qui conclut à ce que son intervention soit déclarée recevable et à la suspension des décisions attaquées ; elle soutient que, compte tenu des stipulations de ses statuts et de ce que les expérimentations autorisées par les décisions litigieuses sont de nature à porter atteinte à l'environnement, elle dispose d'un intérêt à agir suffisant pour intervenir au soutien de la requête ; que l'urgence est constituée du fait de l'atteinte portée par les décisions attaquées à l'intérêt de la protection de l'environnement, en raison de l'absence d'évaluation sanitaire et environnementale, de l'absence de biovigilance, de l'absence de plan de traitement des déchets, de l'absence de plan d'intervention en cas d'urgence et de l'absence d'indication des dates et des lieux exacts des disséminations ; que par ailleurs, il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ; que les mesures d'information du public mises en oeuvre sont insuffisantes ; que la commission du génie bio-moléculaire, qui n'a pas été informée de la localisation exacte des sites d'expérimentation, a rendu un avis irrégulier ; que les décisions attaquées sont illégales, dès lors qu'elles ont été prises sur le fondement des dispositions de la loi du 13 juillet 1992 et de ses décrets d'application qui ne sont pas compatibles avec les dispositions de la directive n° 2001/18/CE du 12 mars 2001 ; que dans l'exercice de son pouvoir de police spéciale, le ministre de l'agriculture et de la pêche n'a pas pris en compte l'intérêt de la protection de l'environnement ; que les décisions litigieuses ont violé l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 ; qu'enfin, les décisions attaquées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 avril 2007, présenté par la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, M. Yvan A, Mme Christine B et Mme Claudine C qui maintiennent leurs moyens et leurs conclusions, et soutiennent en outre que la compétence du maire en matière de police spéciale est sans incidence sur l'urgence résultant de la nécessité de prévenir des troubles à l'ordre public dont le ministre reconnaît l'existence ; que la suspension partielle des décisions attaquées serait sans incidence sur la recherche ; que le ministre s'était publiquement engagé devant le sénat à rendre publique la localisation cadastrale des parcelles d'essais OGM ; que le défaut de localisation des parcelles empêche le juge d'exercer son contrôle sur l'appréciation opérée par l'administration ; que les trois habitants requérants ont, en raison de l'imprécision de la localisation des parcelles sur la commune, intérêt pour agir ; que les arrêts dont se prévaut la société pétitionnaire sont sans portée, concernant une suspension totale, dans une instance concernant une demande de suspension partielle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2001/18/CE du parlement européen et du conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement ;

Vu la directive 2004/35/CE du parlement européen et du conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, M. Yvan A, Mme Christine B et Mme Claudine C, et d'autre part, le ministre de l'agriculture et de la pêche et la société Monsanto Agriculture France SAS ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 25 avril 2007 à 9 heures 30 à laquelle ont été entendus :

- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;

- le représentant des requérants ;

- les représentantes du ministre de l'agriculture et de la pêche ;

- le représentant de la société Monsanto Agriculture France SAS ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur les interventions :

Considérant d'une part qu'en vertu des dispositions de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, les associations agréées pour la défense de l'environnement ont intérêt pour agir à l'encontre des décisions administratives en rapport direct avec leur objet ; que l'association agréée « fédération Rhône-Alpes de protection de la nature section Isère » ayant un intérêt légalement reconnu à la suspension des décisions attaquées, son intervention est recevable ;

Considérant d'autre part qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, les régions concourent dans l'exercice de leurs compétences à la protection de l'environnement ; que la région Rhône Alpes, en se prévalant de la politique de développement économique de l'agriculture biologique à laquelle elle estime que les essais de cultures d'organismes génétiquement modifiées sont susceptibles de porter atteinte, allègue un intérêt suffisant à la suspension des décisions attaquées ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur la demande de suspension :

Considérant que par sept décisions du 15 mars 2007, le ministre de l'agriculture et de la pêche a autorisé pour une année la société Monsanto Agriculture France SAS à procéder à la dissémination volontaire de sept sortes de maïs génétiquement modifiés sur 19 sites dont deux sur le territoire de la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état actuel de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision » ;

Considérant que pour établir l'urgence qui s'attacherait à la suspension demandée, les requérants allèguent de ce que l'imprécision de la localisation des parcelles concernées par les autorisations ne permettraient pas au maire de prendre les mesures de surveillance nécessaire à la prévention des troubles à l'ordre public pouvant résulter de manifestations ou agissements hostiles aux essais de culture OGM ; qu'il résulte cependant de l'instruction d'une part qu'aucun risque ou menace particulier ne sont allégués et qu'une manifestation a eu lieu sans violence ni dommage sur le territoire de la commune, d'autre part que le ministère de l'agriculture a donné instruction aux préfectures concernées de renforcer les mesures de police générale et spéciales dans les communes concernées par les autorisations pour assurer le respect de leurs prescriptions et la prévention de tout désordre ; que ces circonstances ne peuvent dès lors être regardées comme constitutives d'une situation d'urgence ;

Considérant qu'il est également soutenu que l'illégalité des décisions attaquées serait telle que la violation tant du droit communautaire que du droit interne en résultant porterait une atteinte excessive aux intérêts publics s'attachant au respect des principes de libre administration des collectivités territoriales, d'effectivité du droit communautaire ou de « confiance légitime des collectivités territoriales envers l'Etat » ; que les illégalités alléguées comme constitutive de l'atteinte à ces intérêts reposent pour la plupart sur l'invocation d'une exception d'illégalité par méconnaissance du droit communautaire ou international, dont il ne relève pas de l'office du juge des référés de connaître ; que, contrairement à ce qui est allégué, il ne ressort pas de l'instruction qu'une décision juridictionnelle les ait accueillies ; que celle des illégalités alléguées, qui pourrait relever de son examen, consiste en un détournement de pouvoir, et ne saurait être regardée comme établie du seul fait que les décisions querellées sont intervenues peu avant des modifications de la réglementation au demeurant peu substantielles au regard de la procédure effectivement suivie ; qu'ainsi, en l'état du dossier, les requérants ne justifient pas d'une atteinte à un intérêt public qui créerait une situation d'urgence ;

Considérant enfin qu'aucun risque spécifique au type ou à la variété de plantes génétiquement modifiées objets des autorisations, et dont la prévention serait urgente en raison du caractère irréversible de la dissémination, n'est allégué par les requérants ; que la seule circonstance que la directive 2001/18 entoure leur culture de précautions particulières et que la directive 2004/35 inclue la dissémination des organismes génétiquement modifié parmi celles des activités susceptibles d'engager la responsabilité environnementale ne suffit à faire regarder par principe la dissémination des maïs objets des autorisations comme intrinsèquement dangereuse ;

Considérant en outre que tant l'existence d'un régime légal gouvernant leur dissémination que leur participation à l'objectif de recherche agronomique régi par l'article L. 830-1 du code rural établissent l'intérêt public s'attachant à l'exécution des décisions objet de la demande, dont la société Monsanto et le ministère de l'agriculture indiquent qu'elles ne sauraient être suspendues partiellement sans porter atteinte à l'intérêt scientifique des opérations autorisées, sans être sérieusement contredits par l'assimilation que font les requérants des conditions culturales et climatiques de sites autorisés par les mêmes décisions dans l'Ain à ceux de la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, en l'absence de toute précision permettant d'établir cette équivalence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner le sérieux des moyens articulés à l'encontre des décisions attaquées, la requête de la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU et autres doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacles à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, à M. Yvan A, à Mme Christine B et à Mme Claudine C la somme qu'ils demandent ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la société Monsanto fondée sur les mêmes dispositions ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions de la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature section Isère et de la région Rhône Alpes sont admises.

Article 2 : La requête de la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU et autres est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la COMMUNE DE BOURGOIN-JALLIEU, à M. Yvan A, à Mme Christine B, à Mme Claudine C, à la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature section Isère, à la région Rhône Alpes, à la société Monsanto Agriculture France SAS et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 304402
Date de la décision : 27/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2007, n° 304402
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Tuot
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:304402.20070427
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