Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 19 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Salah A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'enjoindre au ministre de produire l'avis de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
2°) d'annuler la décision du 21 juin 2005 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté leur recours présenté devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France à l'encontre de la décision du consul général de France à Alger refusant à Mlle Drifa A un visa de long séjour en qualité de visiteur étranger mineur et d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de délivrer à Mlle A le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard et subsidiairement d'enjoindre au ministre de statuer de nouveau sur la demande de visa dans un délai de quinze jours et sous la même astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires étrangères :
Considérant que Mlle Drifa A, née le 4 septembre 1992, ressortissante algérienne, a été confiée par une mesure de délégation de l'autorité parentale, dite « kafala », du tribunal de Zemmoura (Algérie), dont l'authenticité n'est pas contestée, à ses oncle et tante, M. et Mme A ; que par suite, et alors même qu'aucun jugement d'une juridiction française n'aurait prononcé l'exequatur de ce jugement de kafala, les requérants ont intérêt pour agir au nom de Mlle Drifa A ; que la fin de non-recevoir du ministre des affaires étrangères, tirée de l'absence d'intérêt à agir de M. et Mme A, doit dès lors être écartée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mlle Drifa A dispose d'attaches familiales proches en Algérie, les requérants, ressortissants français, mariés depuis dix-sept ans à la date de la décision attaquée et qui se sont vus confier leur nièce par l'acte de « kafala » précité, disposent des revenus nécessaires pour assurer son entretien et son éducation ; que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a émis une recommandation favorable à la délivrance du visa demandé, à l'encontre du refus du consul général de France à Alger ; qu'au vu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, le ministre des affaires étrangères, qui n'a pas produit le contenu de l'avis de la commission, a entaché sa décision de rejet d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il suit de là que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de la décision du 21 juin 2005 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'eu égard aux motifs de la présente décision, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de délivrer le visa demandé, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ni, compte tenu de la présente décision, de lui enjoindre de produire l'avis de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 21 juin 2005 du ministre des affaires étrangères rejetant le recours de M. et Mme A est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer à Mlle Drifa A un visa d'entrée et de long séjour en France dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A et au ministre des affaires étrangères.