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11/05/2007 | FRANCE | N°289518

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 11 mai 2007, 289518


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier et 26 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège est 56 chemin Joseph Aiguier à Marseille Cedex 9 (13297) et le MEDECIN CONSEIL CHEF DE SERVICE PRES LA CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE ; la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE et le MEDECIN CONSEIL CHEF DE SERVICE PRES LA CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 oct

obre 2005 par laquelle la section des assurances sociales du Con...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier et 26 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège est 56 chemin Joseph Aiguier à Marseille Cedex 9 (13297) et le MEDECIN CONSEIL CHEF DE SERVICE PRES LA CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE ; la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE et le MEDECIN CONSEIL CHEF DE SERVICE PRES LA CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 octobre 2005 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a décidé que les faits reprochés à M. Thierry A et M. Alain B étaient amnistiés, et qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la plainte déposée à leur encontre par les requérants ;

2°) de mettre à la charge de MM. A et B la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE et du MEDECIN CONSEIL CHEF DE SERVICE PRES LA CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 5015-60 du code de la santé publique : « Lorsque l'intérêt de la santé du patient lui paraît l'exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement le prescripteur de son refus et le mentionner sur l'ordonnance » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de l'analyse des prescriptions d'un médecin généraliste des Bouches-du-Rhône, dans le cadre d'une enquête relative à un trafic de médicaments à destination du sud-est asiatique, une étude portant sur 25 ordonnances et facturations, présentées par 6 patients au remboursement entre le 1er mars et le 30 septembre 2001 a fait apparaître que, sur la base de ces prescriptions, l'officine de MM. A et B a délivré, pour un montant total facturé de 24 564,65 euros, des associations atypiques d'antibiotiques pendant des durées prolongées, des médicaments contre indiqués, des traitements pendant des durées excessives et/ou avec des posologies anormalement élevées ou hors indications thérapeutiques retenues par les autorisations de mise sur le marché desdites spécialités ;

Considérant qu'après avoir relevé que de telles prescriptions ne correspondaient à aucun schéma thérapeutique dûment éprouvé et conforme aux données actuelles de la science et qu'elles exposaient les patients concernés à un risque majoré d'antibiorésistance et d'effets indésirables et présentaient un caractère dangereux et que le caractère fautif de telles délivrances n'était pas effacé par la circonstance que les pharmaciens aient au préalable contacté le médecin prescripteur, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a jugé que cette faute, qui « consiste pour l'essentiel à avoir accordé une trop grande confiance à l'auteur des prescriptions litigieuses » ne pouvait être regardée comme contraire à l'honneur et à la probité et se trouvait en conséquence amnistiée par l'effet des dispositions de la loi du 6 août 2002 ;

Considérant que, compte tenu du nombre de délivrances en cause, du caractère anormal et répétitif des prescriptions émanant toutes du même médecin, du nombre des patients concernés, des quantités de médicaments en cause, des dangers auxquels leur délivrance exposait les patients, et du fait que le médecin prescripteur, contacté, s'était borné à confirmer de manière générale et impersonnelle le bien-fondé de ses prescriptions, les dispositions de l'article R. 5015-60 du code de la santé publique faisaient obligation aux pharmaciens de refuser de dispenser ces médicaments ; que dans ces conditions, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a inexactement qualifié les faits en ne les regardant pas comme contraires à l'honneur et à la probité ; que dès lors, la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE est fondée à demander l'annulation de la décision en date du 21 octobre 2005 ; qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L 761-1 et de mettre à la charge de MM. A et B la somme de 1 500 euros que demandent la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE et le médecin conseil chef de cette caisse ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens en date du 21 octobre 2005 est annulée.

Article 2 : Le jugement de l'affaire est renvoyé à la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Article 3 : MM. A et B verseront à la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE, au MEDECIN CONSEIL CHEF DE SERVICE PRES LA CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE, à M. Thierry Beglimini, àA M. Alain B et au ministre de la santé et des solidarités.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AMNISTIE - GRÂCE ET RÉHABILITATION - AMNISTIE - BÉNÉFICE DE L'AMNISTIE - AMNISTIE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES OU PROFESSIONNELLES - FAITS CONTRAIRES À LA PROBITÉ - AUX BONNES M¿URS OU À L'HONNEUR - FAITS CONTRAIRES À LA PROBITÉ ET À L'HONNEUR - EXISTENCE - OFFICINE PHARMACEUTIQUE - DÉLIVRANCE - POUR UN MONTANT FACTURÉ ÉLEVÉ - D'ASSOCIATIONS ATYPIQUES D'ANTIBIOTIQUES - DE MÉDICAMENTS CONTRE-INDIQUÉS - DE TRAITEMENTS PENDANT DES DURÉES EXCESSIVES AVEC DES POSOLOGIES ANORMALEMENT ÉLEVÉES [RJ1].

07-01-01-02-02 Une étude portant sur 25 ordonnances et facturations, présentées par 6 patients au remboursement entre le 1er mars et le 30 septembre 2001 a fait apparaître que, sur la base de ces prescriptions, l'officine de deux pharmaciens a délivré, pour un montant total facturé de 24 564,65 euros, des associations atypiques d'antibiotiques pendant des durées prolongées, des médicaments contre-indiqués, des traitements pendant des durées excessives et/ou avec des posologies anormalement élevées ou hors indications thérapeutiques retenues par les autorisations de mise sur le marché de ces spécialités. Compte tenu du nombre de délivrances en cause, du caractère anormal et répétitif des prescriptions émanant toutes du même médecin, du nombre des patients concernés, des quantités de médicaments en cause, des dangers auxquels leur délivrance exposait les patients, et du fait que le médecin prescripteur, contacté, s'était borné à confirmer de manière générale et impersonnelle le bien-fondé de ses prescriptions, les dispositions de l'article R. 5015-60 du code de la santé publique faisaient obligation aux pharmaciens de refuser de dispenser ces médicaments. Dans ces conditions, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a inexactement qualifié les faits en ne les regardant pas comme contraires à l'honneur et à la probité et en considérant donc qu'ils étaient amnistiés.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PHARMACIENS - RÈGLES DIVERSES S'IMPOSANT AUX PHARMACIENS DANS L'EXERCICE DE LEUR PROFESSION - PRESCRIPTION PRÉSENTANT MANIFESTEMENT UN CARACTÈRE DANGEREUX (ART - R - 5015-60 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE) - DÉLIVRANCE - POUR UN MONTANT FACTURÉ ÉLEVÉ - D'ASSOCIATIONS ATYPIQUES D'ANTIBIOTIQUES - DE MÉDICAMENTS CONTRE-INDIQUÉS - DE TRAITEMENTS PENDANT DES DURÉES EXCESSIVES AVEC DES POSOLOGIES ANORMALEMENT ÉLEVÉES - FAITS CONTRAIRES À LA PROBITÉ ET À L'HONNEUR [RJ1].

55-03-04-03 Une étude portant sur 25 ordonnances et facturations, présentées par 6 patients au remboursement entre le 1er mars et le 30 septembre 2001 a fait apparaître que, sur la base de ces prescriptions, l'officine de deux pharmaciens a délivré, pour un montant total facturé de 24 564,65 euros, des associations atypiques d'antibiotiques pendant des durées prolongées, des médicaments contre-indiqués, des traitements pendant des durées excessives et/ou avec des posologies anormalement élevées ou hors indications thérapeutiques retenues par les autorisations de mise sur le marché de ces spécialités. Compte tenu du nombre de délivrances en cause, du caractère anormal et répétitif des prescriptions émanant toutes du même médecin, du nombre des patients concernés, des quantités de médicaments en cause, des dangers auxquels leur délivrance exposait les patients, et du fait que le médecin prescripteur, contacté, s'était borné à confirmer de manière générale et impersonnelle le bien-fondé de ses prescriptions, les dispositions de l'article R. 5015-60 du code de la santé publique faisaient obligation aux pharmaciens de refuser de dispenser ces médicaments. Dans ces conditions, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a inexactement qualifié les faits en ne les regardant pas comme contraires à l'honneur et à la probité et en considérant donc qu'ils étaient amnistiés.

SANTÉ PUBLIQUE - PHARMACIE - EXERCICE DE LA PROFESSION DE PHARMACIEN - PRESCRIPTION PRÉSENTANT MANIFESTEMENT UN CARACTÈRE DANGEREUX (ART - R - 5015-60 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE) - DÉLIVRANCE - POUR UN MONTANT FACTURÉ ÉLEVÉ - D'ASSOCIATIONS ATYPIQUES D'ANTIBIOTIQUES - DE MÉDICAMENTS CONTRE-INDIQUÉS - DE TRAITEMENTS PENDANT DES DURÉES EXCESSIVES AVEC DES POSOLOGIES ANORMALEMENT ÉLEVÉES - FAITS CONTRAIRES À LA PROBITÉ ET À L'HONNEUR [RJ1].

61-04-005 Une étude portant sur 25 ordonnances et facturations, présentées par 6 patients au remboursement entre le 1er mars et le 30 septembre 2001 a fait apparaître que, sur la base de ces prescriptions, l'officine de deux pharmaciens a délivré, pour un montant total facturé de 24 564,65 euros, des associations atypiques d'antibiotiques pendant des durées prolongées, des médicaments contre-indiqués, des traitements pendant des durées excessives et/ou avec des posologies anormalement élevées ou hors indications thérapeutiques retenues par les autorisations de mise sur le marché de ces spécialités. Compte tenu du nombre de délivrances en cause, du caractère anormal et répétitif des prescriptions émanant toutes du même médecin, du nombre des patients concernés, des quantités de médicaments en cause, des dangers auxquels leur délivrance exposait les patients, et du fait que le médecin prescripteur, contacté, s'était borné à confirmer de manière générale et impersonnelle le bien-fondé de ses prescriptions, les dispositions de l'article R. 5015-60 du code de la santé publique faisaient obligation aux pharmaciens de refuser de dispenser ces médicaments. Dans ces conditions, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a inexactement qualifié les faits en ne les regardant pas comme contraires à l'honneur et à la probité et en considérant donc qu'ils étaient amnistiés.


Références :

[RJ1]

Cf. sol. contr. 12 mai 2003, M. Des Moutis, n° 233175, T. p. 659.


Publications
Proposition de citation: CE, 11 mai. 2007, n° 289518
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : SCP BOUTET ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Date de la décision : 11/05/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 289518
Numéro NOR : CETATEXT000018006313 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-05-11;289518 ?
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