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14/05/2007 | FRANCE | N°278499

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 14 mai 2007, 278499


Vu le recours, enregistré le 11 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à la demande de M. A, a réformé le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 mai 2003 en tant que ledit jugement avait refusé de le décharger des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1996, 1997 et 1998 à

raison de la réintégration dans son revenu imposable de la va...

Vu le recours, enregistré le 11 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à la demande de M. A, a réformé le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 mai 2003 en tant que ledit jugement avait refusé de le décharger des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1996, 1997 et 1998 à raison de la réintégration dans son revenu imposable de la valeur locative du droit d'usage et d'habitation attribué à son ex-épouse sur un bien immobilier lui appartenant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. Gabriel A,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : « L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après (...) : 2° (...) rentes prévues à l'article 276 du code civil et pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, en cas de séparation de corps ou de divorce (...) » ; qu'aux termes de l'article 270 du code civil : « (...) l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » ; que selon les articles 274 à 275-1 du même code, la prestation compensatoire prend, lorsque la consistance des biens de l'époux débiteur le permet, la forme d'un capital selon l'une des modalités énumérées par l'article 275, au nombre desquelles figure, aux termes du 2 de cet article, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, l'« abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, mais pour l'usufruit seulement, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier » ; qu'enfin, l'article 276 dispose : « A défaut de capital ou si celui-ci n'est pas suffisant, la prestation compensatoire prend la forme d'une rente » ;

Considérant que la convention relative au divorce des époux A, homologuée par un jugement du tribunal de grande instance de Chartres en date du 8 janvier 1997, stipule que M. A doit verser à son ex-épouse une prestation compensatoire composée notamment de l'attribution viagère d'un droit d'usage et d'habitation tel que prévu par les articles 625 et suivants du code civil, portant sur un immeuble dont il est propriétaire ;

Considérant que l'obligation ainsi mise à la charge de M. A, qui consiste en l'attribution viagère d'un droit réel immobilier, doit être assimilée à un abandon de biens au sens des dispositions alors en vigueur du 2 de l'article 275 du code civil et s'analyse donc comme le versement d'un capital ; que, par suite, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit en jugeant que le droit d'usage et d'habitation attribué à Mme A devait être regardé comme une rente au sens de l'article 276 du code civil ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est dès lors fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'attribution d'un droit d'usage et d'habitation à Mme A devait être regardée comme un versement en capital pour l'application des dispositions précitées de l'article 156 du code général des impôts ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les revenus de M. A pour les années 1996, 1997 et 1998 la valeur de ce droit d'usage et d'habitation ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a refusé de le décharger des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge en conséquence de cette réintégration ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 20 décembre 2004 est annulé.

Article 2 : La requête de M. A devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée AU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. A.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 278499
Date de la décision : 14/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE. CHARGES DÉDUCTIBLES. - RENTES ET PENSIONS ALIMENTAIRES VERSÉES EN CAS DE SÉPARATION DE CORPS OU DE DIVORCE (2° DU II DE L'ART. 156 DU CGI) - NOTION - EXCLUSION - ATTRIBUTION VIAGÈRE D'UN DROIT D'USAGE ET D'HABITATION [RJ1].

19-04-01-02-03-04 En vertu du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, le revenu net est déterminé sous déduction des rentes prévues à l'article 276 du code civil et des pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, en cas de séparation de corps ou de divorce. Selon les articles 274 à 275-1 du code civil, la prestation compensatoire prévue à l'article 270 du même code prend, lorsque la consistance des biens de l'époux débiteur le permet, la forme d'un capital selon l'une des modalités énumérées par l'article 275, au nombre desquelles figure, aux termes du 2 de cet article, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, l'abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, mais pour l'usufruit seulement, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. L'attribution viagère, au titre de la prestation compensatoire, du droit d'usage et d'habitation d'un immeuble, dans les conditions prévues par les articles 625 et suivants du code civil, doit être assimilée à un abandon de biens au sens de ces dernières dispositions et s'analyse donc comme le versement d'un capital. Dès lors, elle n'ouvre pas droit à déduction en vertu du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts.


Références :

[RJ1]

Rappr., en cas d'attribution viagère d'un usufruit, CAA Paris 11 avril 2003, Soubrant, n° 02PA00049, inédite au recueil, RJF 10/03, n° 1075. Comp., en cas d'attribution d'un usufruit pour une durée limitée, CE 8 décembre 1986, Fougea, n° 56882, p. 276.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mai. 2007, n° 278499
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: Mlle Verot
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:278499.20070514
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