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14/05/2007 | FRANCE | N°301205

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 14 mai 2007, 301205


Vu, enregistrée le 5 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance du 24 janvier 2007, par laquelle le président du tribunal administratif de la Polynésie française transmet au Conseil d'Etat la requête présentée par M. Eugène A, demeurant ... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 13 novembre 2006, présentée par M. Eugène A ; M. A demande :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du président de l'assemblée de la Polynésie française du 26 octobre 2006 refusant de p

rocéder à la transmission de la loi du pays adoptée par cette assemblée après deuxi...

Vu, enregistrée le 5 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance du 24 janvier 2007, par laquelle le président du tribunal administratif de la Polynésie française transmet au Conseil d'Etat la requête présentée par M. Eugène A, demeurant ... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 13 novembre 2006, présentée par M. Eugène A ; M. A demande :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du président de l'assemblée de la Polynésie française du 26 octobre 2006 refusant de procéder à la transmission de la loi du pays adoptée par cette assemblée après deuxième lecture le 6 octobre 2006 ;

2°) d'enjoindre au président de l'assemblée de la Polynésie française de transmettre pour promulgation l'acte adopté le 6 octobre 2006, dans un délai d'un jour, sous astreinte de 100 000 F CFP par jour de retard ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la délibération n° 2005-59 APF du 13 mai 2005 de l'assemblée de la Polynésie française portant règlement intérieur ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Thiellay, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du président de la Polynésie française,

- les conclusions de Mlle Célia Vérot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 143 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée : « Les actes de l'assemblée de la Polynésie française et de la commission permanente sont transmis, par leur président ou leur vice-président, au plus tard le deuxième jour ouvrable suivant leur adoption, au président de la Polynésie française et au haut-commissaire. Les procès-verbaux des séances sont transmis au président de la Polynésie française dans un délai de huit jours. / (...) Pendant les huit jours qui suivent l'adoption d'un acte prévu à l'article 140 dénommé loi du pays, le haut-commissaire de la République et le conseil des ministres peuvent soumettre cet acte ou certaines de ses dispositions à une nouvelle lecture de l'assemblée. / Dans les cas prévus aux alinéas précédents, la nouvelle lecture ne peut être refusée ; elle ne peut intervenir moins de huit jours après la demande. (...) » ; que l'article 64 de la même loi organique dispose que « le président de la Polynésie française promulgue les actes prévus à l'article 140 dénommés lois du pays » ; qu'en application de l'article 167 de la même loi organique, « à défaut de publication au Journal officiel de la Polynésie française des actes ressortissant à la compétence de la Polynésie française dans un délai de quinze jours ou de promulgation des actes prévus à l'article 140 dénommés lois du pays, le haut-commissaire en assure respectivement sans délai la publication ou la promulgation » ; qu'enfin, la délibération du 13 mai 2005 de l'assemblée de la Polynésie française portant règlement intérieur de cette assemblée prévoit au 4. de l'article 32 que « lorsqu'une commission conclut par son rapport au rejet d'un projet ou d'une proposition de loi du pays, de délibération ou de résolution, ou ne présente pas de conclusions, le président appelle l'assemblée à se prononcer sur la question préalable d'avoir à débattre du projet ou de la proposition, avant l'ouverture de la discussion générale » ;

Sur les fins de non recevoir opposées par le président de l'assemblée de la Polynésie française et sur les conclusions à fin de non-lieu :

Considérant que l'acte par lequel le président de l'assemblée de la Polynésie française décide de ne pas transmettre un acte de l'assemblée de cette collectivité constitue un acte susceptible de recours contentieux ; que M. A, représentant à l'assemblée de la Polynésie française, justifie d'un intérêt pour agir contre une telle décision ; que contrairement à ce que soutient le président de l'assemblée de la Polynésie française, la circonstance que le délai prévu à l'article 167 de la loi organique soit expiré ne rend pas caduque la décision contestée ; que la circonstance que le requérant a déposé une proposition de loi du pays identique à celle qui aurait été adoptée au mois de mai 2006 ne peut être regardée comme emportant son désistement de la présente requête ; qu'elle ne prive pas non plus la requête de son objet ; que les conclusions à fin de non-lieu présentées par le président de l'assemblée de la Polynésie française ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu intégral des débats, que l'assemblée de la Polynésie française a adopté, dans sa séance du 5 mai 2006, la proposition de « loi du pays » déposée par M. A en application de l'article 141 de la loi organique et relative à la modification de la délibération n° 91-22 AT du 18 janvier 1991 modifiée portant application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 et relative au statut juridique des syndicats ; que, le 11 mai 2006, le conseil des ministres a demandé, comme le troisième alinéa de l'article 143 de la loi organique lui en donne la possibilité, une nouvelle lecture de ce texte, afin de proposer à l'assemblée de la Polynésie française un projet d'amendement du texte adopté en première lecture ; que cette nouvelle lecture a eu lieu le 6 octobre suivant ; que l'adoption d'une question préalable prévue par les dispositions précitées du règlement intérieur de l'assemblée de Polynésie a, en principe, pour effet d'entraîner le rejet du projet ou de la proposition de loi du pays, du projet de délibération ou de résolution et de mettre un terme à son examen par l'assemblée ; que toutefois, dans les circonstances de l'espèce, lors de la séance du 6 octobre 2006, si l'assemblée de la Polynésie française a adopté, par 29 voix contre 2, une « question préalable », celle-ci a eu seulement pour effet de décider qu'il n'y avait pas lieu de délibérer sur le projet d'amendement déposé par le gouvernement sur le texte adopté le 5 mai précédent ; que, par un second vote, acquis par 29 voix contre 2, elle a adopté le principe du maintien du texte adopté le 5 mai précédent ; qu'ainsi, l'assemblée de la Polynésie française doit être regardée comme ayant manifesté l'intention d'adopter ladite proposition de loi du pays ; que, par suite, le président de ladite assemblée n'est pas fondé à soutenir que « l'acte » dénommé « loi du pays » issu de la proposition de texte déposée par M. A serait inexistant ; qu'ainsi, sans préjudice de la question de savoir si la procédure suivie a été régulière, notamment au regard des dispositions de l'article 32-6 du règlement intérieur, qui ne pourrait être examinée que dans le cadre d'un recours formé devant le Conseil d'Etat en application de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004, l'assemblée de la Polynésie française a adopté, à la date du 6 octobre 2006, la proposition de loi du pays déposée par M. A ;

Considérant que, lorsque l'assemblée de la Polynésie française adopte un acte dénommé « loi du pays », le président de cette assemblée a, en application de l'article 143 de la loi organique précitée, compétence liée pour procéder à sa transmission aux autorités mentionnées à cet article, et ce, quelles que soient les conditions dans lesquelles cet acte a été adopté ; que, par suite, la décision attaquée par laquelle le président de l'assemblée de la Polynésie française a refusé de transmettre la loi du pays adoptée le 6 octobre 2006 est illégale et doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que la présente décision implique nécessairement que le président de l'assemblée de la Polynésie française transmette au président de la Polynésie française et au haut-commissaire de la République la loi du pays précitée adoptée en deuxième lecture par cette assemblée le 6 octobre 2006 ; qu'il y a lieu d'enjoindre au président de l'assemblée de la Polynésie française de procéder à cette transmission dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente décision ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, d'assortir cette injonction d'astreinte ;

Sur les conclusions du président de l'assemblée de la Polynésie française tendant à supprimer certains passages figurant dans la requête de M. A :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les passages incriminés de la requête ne présentent pas un caractère injurieux ou outrageant qui justifierait que soit ordonnée leur suppression en application des dispositions de la loi du 29 juillet 1881; que par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du président de l'assemblée de la Polynésie française refusant de procéder à la transmission de la loi du pays adoptée par cette assemblée le 6 octobre 2006 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au président de l'assemblée de la Polynésie française de transmettre la loi du pays adoptée en deuxième lecture par cette assemblée le 6 octobre 2006 au président de la Polynésie française et au haut-commissaire de la République en Polynésie française dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions du président de l'assemblée de la Polynésie française tendant à ce que soient supprimés des passages du mémoire du requérant sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Eugène A, au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française, au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au ministre de l'outre-mer.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 301205
Date de la décision : 14/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-01-02-02 OUTRE-MER. DROIT APPLICABLE DANS LES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE. STATUT DES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE. POLYNÉSIE FRANÇAISE. - LOIS DU PAYS - PROCÉDURE D'ADOPTION - TRANSMISSION DES LOIS DU PAYS ADOPTÉES AU PRÉSIDENT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ET AU HAUT-COMMISSAIRE (ART. 153 DE LA LOI ORGANIQUE DU 27 FÉVRIER 2004) - COMPÉTENCE LIÉE DU PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE.

46-01-02-02 Lorsque l'assemblée de la Polynésie française adopte un acte dénommé loi du pays, le président de cette assemblée a, en application de l'article 143 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, compétence liée pour procéder à sa transmission aux autorités mentionnées à cet article, à savoir le président de la Polynésie française et le haut-commissaire, et ce quelles que soient les conditions dans lesquelles cet acte a été adopté.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mai. 2007, n° 301205
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe Thiellay
Rapporteur public ?: Mlle Verot
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:301205.20070514
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