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21/05/2007 | FRANCE | N°278275

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 21 mai 2007, 278275


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 4 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 à 5 de l'arrêt du 18 janvier 2005, en tant que par lesdits articles, la cour administrative d'appel de Douai, réformant le jugement du 14 juin 2001 du tribunal administratif de Lille, a déchargé la société Arcadèle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1994 d

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Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 4 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 à 5 de l'arrêt du 18 janvier 2005, en tant que par lesdits articles, la cour administrative d'appel de Douai, réformant le jugement du 14 juin 2001 du tribunal administratif de Lille, a déchargé la société Arcadèle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1994 du fait de la réintégration dans son bénéfice imposable du montant d'une plus-value réalisée en 1993 diminué du montant de l'imposition de celle-ci au taux réduit ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, Auditeur,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Arcadèle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er avril 1990 au 31 mars 1993, ainsi que d'un contrôle sur pièces au titre de l'exercice clos en 1994 ; que, s'étant abstenue de déposer ses déclarations de résultats, elle a été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1993 et 1994, en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que l'administration a notamment procédé à la taxation d'une plus-value à long terme d'un montant de 2 050 000 F , réalisée au titre de l'exercice clos en 1993, à l'occasion de la cession du droit au bail d'un local commercial situé au Touquet ; qu'enfin, le montant de cette plus-value, diminué du montant de l'impôt dû au taux de 18%, a été rapporté aux résultats de l'exercice clos en 1994, pour défaut d'inscription de la plus-value à un compte de réserve spéciale ;

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande l'annulation des articles 2 à 5 de l'arrêt du 18 janvier 2005 par lesquels la cour administrative d'appel de Douai a déchargé la société Arcadèle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant, au titre de l'année 1994, de la réintégration ci-dessus mentionnée;

Considérant que la cour s'est bornée à relever que l'administration ne contestait pas que la plus-value litigieuse était restée investie dans l'entreprise et que la société Arcadèle n'avait pu prendre, avant l'établissement de son imposition au taux réduit, la décision de porter cette plus-value au compte de réserve spéciale, pour en déduire que l'administration ne pouvait réintégrer un prétendu prélèvement dans les résultats imposables de l'exercice clos en 1994 ; qu'elle a omis de répondre au moyen soulevé par le ministre, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la société avait volontairement dissimulé la plus-value qu'elle avait réalisée et que l'absence de déclaration des résultats par la société empêchait d'établir que la plus-value était restée investie dans l'entreprise ; que l'arrêt de la cour est ainsi entaché d'une insuffisance de motivation ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler les articles 2 à 5 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que si la société Arcadèle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière en ce que le redressement relatif à l'exercice clos en 1994 a été effectué sans que la comptabilité de cet exercice ait été régulièrement vérifiée, aucun avis de vérification ne lui ayant été envoyé, un tel moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté, dès lors que la société a été taxée d'office pour défaut de déclaration de ses résultats ;

Considérant que si la société Arcadèle soutient qu'il n'aurait pas été répondu aux observations qu'elle avait présentées le 4 novembre 1994 en réponse à la notification du 19 septembre 1994, ce moyen manque en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que, lorsqu'à la suite d'un contrôle, un redressement révèle le caractère imposable d'une plus-value nette à long terme réalisée par une société au cours d'un exercice et que celle-ci donne lieu à l'imposition au taux réduit au titre de cet exercice, la circonstance que la société n'a pas doté la réserve spéciale au cours de l'exercice suivant la réalisation de la plus-value ne peut, en principe, être regardée comme une décision de gestion assimilable à un prélèvement sur la réserve, à rapporter aux résultats imposables de cet exercice ; que, dans une telle hypothèse, la société n'est en effet en mesure de porter à ce compte de réserve le montant de la plus-value nette diminué du montant de son imposition au taux réduit qu'au cours de l'exercice suivant celui au cours duquel l'imposition au taux réduit a été établie et elle ne peut alors être réputée avoir pris avant la clôture de cet exercice une décision assimilable à un prélèvement sur cette réserve ; qu'il en va cependant différemment lorsque la plus-value a été volontairement dissimulée ou distribuée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Arcadèle n'a pas souscrit ses déclarations de résultats au titre des exercices clos en 1993 et 1994 ; qu'ainsi qu'il a été dit, l'administration a imposé au titre de l'exercice clos en 1993, au taux de 18%, une plus-value à long terme réalisée à l'occasion de la cession d'un droit au bail, et rapporté aux résultats de l'exercice clos en 1994 la même plus-value, diminuée de l'impôt au taux réduit établi au titre de l'exercice clos en 1993, au motif que la société n'avait pas doté la réserve spéciale dans les conditions prévues à l'article 209 quater du code général des impôts ; que la société Arcadèle, qui connaissait l'existence et le caractère imposable de la plus-value litigieuse avant les impositions d'office notifiées par l'administration, doit être regardée comme ayant volontairement dissimulé cette plus-value ; qu'elle ne saurait donc soutenir qu'elle n'était pas en mesure d'effectuer la dotation de la réserve spéciale au cours de l'exercice qui a suivi la réalisation de la plus-value ; qu'en conséquence la société Arcadèle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1994 et résultant de ce que le montant de la plus-value litigieuse, diminué du montant de son imposition au taux réduit, a été rapporté aux résultats de cet exercice ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Arcadèle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2 à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 18 janvier 2005 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées en appel par la société Arcadèle tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1994 et résultant de ce que le montant de la plus-value réalisée par elle au titre de l'exercice clos en 1993 diminué du montant de son imposition au taux réduit a été rapporté aux résultats de l'exercice clos en 1994 et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à Me Soinne, mandataire liquidateur de la société Arcadèle.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 278275
Date de la décision : 21/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. ÉVALUATION DE L'ACTIF. PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION. - RÉGIME DES PLUS-VALUES À LONG TERME - PLUS-VALUE RÉVÉLÉE PAR UN REDRESSEMENT - A) PRINCIPE - DOTATION DE LA RÉSERVE SPÉCIALE PRÉVUE AU 1 DE L'ART. 209 QUATER DU CGI AU COURS DE L'EXERCICE SUIVANT CELUI DE L'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPOSITION À TAUX RÉDUIT [RJ1] - B EXCEPTION - DISSIMULATION VOLONTAIRE OU DISTRIBUTION DE LA PLUS-VALUE.

19-04-02-01-03-03 a) Lorsqu'à la suite d'un contrôle, un redressement révèle le caractère imposable d'une plus-value nette à long terme réalisée par une société au cours d'un exercice et que celle-ci donne lieu à l'imposition au taux réduit au titre de cet exercice, la circonstance que la société n'a pas doté la réserve spéciale au cours de l'exercice suivant la réalisation de la plus-value ne peut, en principe, être regardée comme une décision de gestion assimilable à un prélèvement sur la réserve, à rapporter aux résultats imposables de cet exercice. Dans une telle hypothèse, la société n'est en effet en mesure de porter à ce compte de réserve le montant de la plus-value nette diminué du montant de son imposition au taux réduit qu'au cours de l'exercice suivant celui au cours duquel l'imposition au taux réduit a été établie et elle ne peut alors être réputée avoir pris avant la clôture de cet exercice une décision assimilable à un prélèvement sur cette réserve.,,b) Il en va cependant différemment lorsque la plus-value a été volontairement dissimulée ou distribuée.


Références :

[RJ1]

Cf. 9 avril 2004, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Caisse interfédérale de crédit mutuel de Bretagne, n° 255953, p. 168.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2007, n° 278275
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Glaser

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:278275.20070521
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