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23/05/2007 | FRANCE | N°290728

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 23 mai 2007, 290728


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 27 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 juillet 2001 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable de l'accident ayant entraîné le décès de son fils Olivier lors d'une c

ompétition de karting le 21 mars 1993 à Saint-Laurent-de-Mure ;

2°) réglan...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 27 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 juillet 2001 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable de l'accident ayant entraîné le décès de son fils Olivier lors d'une compétition de karting le 21 mars 1993 à Saint-Laurent-de-Mure ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 5 juillet 2001 du tribunal administratif de Lyon et de faire droit à la demande présentée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 556-1366 du 18 octobre 1955 ;

Vu l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 1er décembre 1959 portant application du décret du 18 octobre 1955 ;

Vu l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 17 février 1961 relatif à la réglementation des épreuves et manifestations organisées dans les lieux non ouverts à la circulation ;

Vu le règlement national des pistes et des circuits de karting approuvé le 4 septembre 1974 par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. Pierre A,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Olivier A, fils du requérant, M. Pierre A, est décédé le 23 mars 1993 à la suite d'un accident survenu alors qu'il participait à une compétition de karting, organisée par la Ligue Rhônes-Alpes de karting, en vue d'une qualification pour le championnat de France, sur un circuit sis à Saint-Laurent-de-Mure (Rhône) ;

Considérant que M. Pierre A a recherché la responsabilité de l'Etat, en raison du décès de son fils, tant pour avoir homologué le circuit alors qu'il ne comportait pas tous les dispositifs de sécurité imposés par la réglementation en vigueur et avoir autorisé l'épreuve, que pour ne pas avoir veillé au respect par les organisateurs de la compétition des prescriptions relatives à la mise en place des moyens de secours ; que le tribunal administratif de Lyon puis la cour administrative d'appel de Lyon ont rejeté la requête de l'intéressé ;

Considérant que, pour demander l'annulation de l'arrêt attaqué, M. Pierre A soutient que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas répondu au moyen tiré de ce que les arrêtés du préfet du Rhône des 20 octobre 1992 et 15 mars 1993 homologuant le circuit de Saint-Laurent-de-Mure et autorisant la manifestation étaient illégaux au regard de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 17 février 1961 relatif à la réglementation des épreuves et manifestations organisées dans les lieux non ouverts à la circulation, dans la mesure où ce circuit et cette compétition auraient dû être respectivement homologué et autorisé selon les modalités prévues pour les circuits et les épreuves de première catégorie compte tenu de la vitesse atteinte par les engins de kart sur ce circuit ; qu'en ne se prononçant pas sur l'erreur de classement ainsi invoquée, sans avoir recherché si elle était susceptible d'avoir une incidence sur les circonstances de l'accident et la cause du décès, la cour a entaché sa décision d'une omission de statuer ; que, par suite, M. Pierre A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le décès de M. Olivier A est consécutif à l'enfoncement de sa cage thoracique par son véhicule dont il a été éjecté par suite d'un heurt avec celui d'un concurrent qu'il tentait de dépasser et qui, projeté à plusieurs mètres de hauteur, est violemment retombé sur lui ; que, si M. Pierre A fait valoir que le circuit de karting sur lequel s'est produit l'accident aurait dû être classé en première catégorie en application des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 17 février 1961, compte tenu des caractéristiques du parcours et de la vitesse susceptible d'être atteinte par les véhicules, ce classement n'aurait eu d'incidence que sur les modalités procédurales de l'homologation et sur la durée de celle-ci ; qu'il s'ensuit que l'illégalité alléguée de ce classement est, en tout état de cause, sans effet sur les circonstances de l'accident mortel dont a été victime M. Olivier A ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si l'article 10 du règlement national des pistes et circuits de karting du 4 septembre 1974 prescrit de matérialiser les limites des circuits par des matériaux robustes mais suffisamment légers pour qu'ils ne présentent pas un danger pour les pilotes, cette exigence ne s'impose pas, aux termes même de cet article, si le circuit dispose d'une zone de sécurité totalement dégagée d'au moins dix mètres de largeur ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des photographies produites au dossier, que tel est le cas du circuit de Saint-Laurent-de-Mure ; qu'en outre, si ledit article prévoit une protection supplémentaire pour les parties de parcours constituées par deux lignes droites empruntées en sens inverse par les concurrents, il résulte de l'instruction que l'accident s'est produit à la sortie d'un virage dont la configuration ne relève pas de cette exigence particulière ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 du règlement national du 4 septembre 1974 : « Les installations doivent comporter obligatoirement un poste de secours disposant d'un véhicule adapté au transport d'un blessé vers un établissement hospitalier avec lequel un accord préalable est intervenu » ; que, dans son arrêté du 15 mars 1993 autorisant la compétition litigieuse, le préfet du Rhône s'est conformé à ces prescriptions en subordonnant le déroulement de l'épreuve à la mise en place, sur le circuit, d'un service médical constitué d'un médecin, d'une ambulance et d'une équipe de la Croix-Rouge française ; que les organisateurs ont donné le départ de la course au cours de laquelle est survenu l'accident mortel de M. Olivier A alors que le médecin et l'ambulance avaient quitté les lieux pour conduire à l'hôpital un conducteur de kart blessé quelques instants auparavant ; que, s'il appartenait aux organisateurs de l'épreuve, agissant sous l'égide de la Ligue Rhônes-Alpes de karting, de surveiller le déroulement de la course, en revanche, compte tenu de la nature de l'épreuve ainsi que des éléments d'information dont ils disposaient, les services de l'Etat ne sauraient être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant commis une faute en n'intervenant pas pendant le déroulement de l'épreuve ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Pierre A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à l'indemniser des conséquences dommageables du décès de son fils Olivier ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. Pierre A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 29 décembre 2005 est annulé .

Article 2 : La requête présentée par M. Pierre A devant la cour administrative d'appel de Lyon et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 290728
Date de la décision : 23/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 mai. 2007, n° 290728
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:290728.20070523
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