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25/05/2007 | FRANCE | N°282049

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 25 mai 2007, 282049


Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA, anciennement dénommée Sicind Spa, dont le siège est Corso Ferrucci 112 A à Torino (10138), Italie ; la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 10 décembre 2002 du tribunal administratif de Paris prononçant la décha

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Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA, anciennement dénommée Sicind Spa, dont le siège est Corso Ferrucci 112 A à Torino (10138), Italie ; la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 10 décembre 2002 du tribunal administratif de Paris prononçant la décharge de la retenue à la source qui avait grevé les dividendes nets perçus par la société Sicind SPA au titre des années 1992 et 1993, a annulé l'article 2 de ce jugement et rétabli cette imposition ;

2°) de lui accorder la décharge de la retenue à la source en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres ;

Vu la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, Auditeur,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA ;

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sicind SPA a demandé à l'administration, en application de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne susvisée, d'une part, le paiement de la fraction d'avoir fiscal qu'il prévoit, à raison de bénéfices distribués en 1992 et 1993 par sa filiale française la société Ceac SA, détenue à plus de 25 %, d'autre part, la restitution de la retenue à la source appliquée à ces distributions sur le fondement de l'article 119 ter du code général des impôts ; que, l'administration ayant gardé le silence sur sa réclamation, la société a saisi le tribunal administratif de Paris qui, après avoir constaté que l'administration avait prononcé, en cours d'instance, un dégrèvement correspondant à une fraction de l'avoir fiscal, a déchargé la société du montant de la retenue à la source ayant grevé les distributions mais confirmé le bien-fondé de celle pratiquée par l'administration sur la fraction d'avoir fiscal attribuée ; que toutefois, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la cour administrative d'appel de Paris, par l'arrêt attaqué en date du 14 avril 2005, a remis à la charge de la société, devenue entre temps la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA, la retenue à la source pratiquée sur les distributions ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 119 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article (...) [v1]/ 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus (...) [v2]qu'elle remplit les conditions suivantes : / (...) [v3]e) N'avoir pas droit, au titre de ces dividendes, en application d'une convention fiscale, à un paiement du Trésor français dont le montant, égal à l'avoir fiscal ou à une fraction de celui-ci, est supérieur à la retenue à la source prévue par cette convention. (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-italienne susvisée : 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais (...) l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a. 5 % du montant brut des dividendes (...) / 3. / (...) b. Une société résidente d'Italie (...) qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un avoir fiscal s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet avoir fiscal diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2. ;

Considérant, enfin, qu'aux termes du 1 de l'article 5 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 susvisée, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : Les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source ; qu'aux termes du 2. de l'article 7 de cette même directive : La présente directive n'affecte pas l'application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'article 119 ter du code général des impôts et de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne précités que, sous réserve des autres conditions prévues par ces textes, une retenue à la source ne peut être pratiquée sur les bénéfices distribués par une filiale française à sa société mère italienne que si son montant est inférieur à celui de l'avantage que constitue, pour cette dernière, l'attribution d'une fraction de l'avoir fiscal attaché à ces distributions, en application de la législation fiscale nationale ; que dès lors, cette retenue à la source relève d'un ensemble de dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes, visant à atténuer la double imposition de ces derniers, au sens du paragraphe 2 de l'article 7 de la directive précitée, tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 25 septembre 2003 ; qu'en effet, selon cet arrêt, l'atténuation de la double imposition visée par ce paragraphe peut résulter tant de la combinaison d'un crédit d'impôt avec une retenue à la source que de la déductibilité d'une telle retenue à la source dans le pays du bénéficiaire ;

Considérant que la cour a donc pu, sans erreur de droit ni insuffisance de motif, juger qu'était sans incidence sur leur compatibilité avec la directive, la circonstance que les dispositions nationales et stipulations conventionnelles précitées ne permettaient pas à une société mère résidente d'Italie de déduire de l'impôt qu'elle y acquitte à raison des dividendes reçus de sa filiale française l'intégralité des retenues à la source prélevées par la France sur ces dividendes et n'assuraient donc pas la suppression totale de leur double imposition, dès lors qu'elle avait relevé que la combinaison de l'avoir fiscal et d'une retenue à la source de 5 % avait pour effet d'atténuer la double imposition qui aurait résulté de l'imposition de ces dividendes selon le régime de droit commun ;

Considérant, par ailleurs, que les moyens tirés de l'incompatibilité des articles 119 bis et 119 ter du code général des impôts avec les stipulations des articles 43 et 56 du traité instituant la Communauté européenne sont nouveaux en cassation et, par suite, irrecevables dès lors qu'ils ne sont pas d'ordre public ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FIAT PARTECIPAZIONI SPA et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 282049
Date de la décision : 25/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. COTISATIONS D'IRPP MISES À LA CHARGE DE PERSONNES MORALES OU DE TIERS. RETENUES À LA SOURCE. - RETENUE À LA SOURCE SUR LES BÉNÉFICES DISTRIBUÉS PAR UNE FILIALE FRANÇAISE À SA SOCIÉTÉ MÈRE ITALIENNE (ART. 119 TER DU CGI ET ART. 10 DE LA CONVENTION FISCALE FRANCO-ITALIENNE) - COMPATIBILITÉ AVEC LES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE 90/435/CEE CONCERNANT LE RÉGIME FISCAL COMMUN APPLICABLE AUX SOCIÉTÉS MÈRES ET FILIALES D'ETATS MEMBRES - CONDITIONS [RJ1].

19-04-01-02-06-01 Il résulte de la combinaison de l'article 119 ter du code général des impôts et de l'article 10 de la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune que, sous réserve des autres conditions prévues par ces textes, une retenue à la source ne peut être pratiquée sur les bénéfices distribués par une filiale française à sa société mère italienne que si son montant est inférieur à celui de l'avantage que constitue, pour cette dernière, l'attribution d'une fraction de l'avoir fiscal attaché à ces distributions, en application de la législation fiscale nationale. Dès lors, cette retenue à la source relève d'un ensemble de dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes, visant à atténuer la double imposition de ces derniers, au sens du paragraphe 2 de l'article 7 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 25 septembre 2003. En effet, selon cet arrêt, l'atténuation de la double imposition visée par ce paragraphe peut résulter tant de la combinaison d'un crédit d'impôt avec une retenue à la source que de la déductibilité d'une telle retenue dans le pays du bénéficiaire. Est sans incidence sur leur compatibilité avec la directive, la circonstance que les dispositions nationales et stipulations conventionnelles en question ne permettent pas à une société mère résidente d'Italie de déduire de l'impôt qu'elle y acquitte à raison des dividendes reçus de sa filiale française l'intégralité des retenues à la source prélevées par la France sur ces dividendes et n'assurent donc pas la suppression totale de leur double imposition, dès lors que la combinaison de l'avoir fiscal et d'une retenue à la source de 5 % a pour effet d'atténuer la double imposition qui aurait résulté de l'imposition de ces dividendes selon le régime de droit commun.


Références :

[RJ1]

Rappr. CJCE, 25 septembre 2003, Océ van der Grinten NV, aff. C-58/01, p. I-9809.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 2007, n° 282049
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: M. Olléon
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:282049.20070525
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