La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2007 | FRANCE | N°276346

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 30 mai 2007, 276346


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier et 4 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Hélène A, demeurant à ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 10 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, confirmant le jugement du 21 juillet 1998 du tribunal administratif de Dijon, a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et du supplément de prélèvement social auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 198

9, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier et 4 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Hélène A, demeurant à ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 10 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, confirmant le jugement du 21 juillet 1998 du tribunal administratif de Dijon, a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et du supplément de prélèvement social auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1989, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Crépey, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du décès de M. A, viticulteur à Vosne-Romanée, le 25 juillet 1989, l'administration fiscale a procédé à une vérification de la comptabilité de l'exploitation pour la période courant du 1er septembre 1988 à la date du décès de l'intéressé ; que l'administration a estimé que le régime de sursis d'imposition de la plus-value du fonds de commerce prévu par l'article 41 du code général des impôts n'était pas applicable dès lors que l'indivision Noellat, qui avait repris l'exploitation, avait modifié, dans le bilan d'ouverture de son premier exercice d'activité, la valeur des stocks telle qu'elle figurait au dernier bilan dressé par l'ancien exploitant ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, confirmant le jugement du 21 juillet 1998 du tribunal administratif de Dijon, a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement social auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1989, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 69 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée : I. Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500 000 F mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel à compter de la première année suivant la période biennale considérée./ II. Un régime simplifié d'imposition d'après le bénéfice réel s'applique aux petits et moyens exploitants agricoles relevant de l'impôt sur le revenu : / a. Sur option, aux exploitants normalement placés sous le régime du forfait ou du régime transitoire ; / b. De plein droit, aux autres exploitants, y compris ceux dont le forfait a été dénoncé par l'administration, dont la moyenne des recettes, mesurée sur deux années consécutives n'excède pas 1 800 000 F./ III. En cas de dépassement de la limite mentionnée au II b, les intéressés sont soumis de plein droit au régime normal d'imposition d'après le bénéfice réel à compter de la première année suivant la période biennale considérée./Les deux catégories d'exploitants prévues au II peuvent opter pour le régime normal. /IV. Les options mentionnées au II-a et au III, deuxième alinéa, doivent être formulées avant le 1er mai de la première année à laquelle elles s'appliquent (...) ; qu'il résulte de ces dispositions qu'à défaut d'opter pour le régime d'imposition d'après le bénéfice réel, un exploitant agricole est imposé selon le régime du forfait au titre des deux premières années de son activité, nonobstant la circonstance que le précédent exploitant était imposé selon le régime du bénéfice réel ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 41 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition concernée : I. La plus-value du fonds de commerce (éléments corporels et incorporels), constatée à l'occasion du décès de l'exploitant ou de la cession ou de la cessation par ce dernier de son exploitation, n'est pas comprise dans le bénéfice imposable lorsque l'exploitation est continuée (...) par un ou plusieurs héritiers ou successibles en ligne directe ou par le conjoint survivant (...)./ L'application de cette disposition est subordonnée à l'obligation pour les nouveaux exploitants : / 1° De n'apporter aucune augmentation aux évaluations des éléments d'actif figurant au dernier bilan dressé par l'ancien exploitant (...) II. Les dispositions du I cessent de s'appliquer aux plus-values constatées à l'occasion de transmissions d'entreprises à titre onéreux ou d'apports en sociétés, réalisés à compter du 1er avril 1981./ A compter de la même date, elles sont applicables à toute transmission à titre gratuit d'entreprise individuelle ; que rien, dans ces dispositions, ne s'oppose à ce que le sursis qu'elles prévoient soit applicable lorsque le nouvel exploitant est imposé selon le régime du forfait ; que lorsque l'exploitation est reprise par un contribuable imposé selon le régime du bénéfice réel et que le précédent exploitant était lui-même imposé selon ce régime, le sursis d'imposition prévu par l'article 41 précité est subordonné à la condition que le nouvel exploitant maintienne dans le bilan d'ouverture afférent au premier exercice de son activité la valeur des éléments d'actif figurant au dernier bilan du précédent exploitant ; qu'en revanche, si le nouvel exploitant est imposé selon le régime du forfait agricole en application des dispositions de l'article 69 précité, le sursis d'imposition des plus-values s'applique sauf si le nouvel exploitant opte régulièrement pour le régime d'imposition selon le bénéfice réel et réévalue dans le bilan d'ouverture afférent au premier exercice de son activité la valeur de certains éléments d'actif figurant au dernier bilan de l'ancien exploitant ;

Considérant dès lors qu'en jugeant que le régime d'imposition auquel était soumis le nouvel exploitant était sans influence sur les conditions dans lesquelles le bénéfice du sursis d'imposition prévu par l'article 41 du code général des impôts pouvait être revendiqué et que, par suite, Mme A ne pouvait utilement se prévaloir de l'illégalité de l'imposition de l'indivision Noellat selon le bénéfice réel pour contester le refus de l'administration d'appliquer les dispositions de l'article 41, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; qu'en conséquence, l'arrêt en date du 10 novembre 2004 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'indivision Noellat, qui a poursuivi l'exploitation de M. A à la suite du décès de celui-ci, le 25 juillet 1989, a déposé le 10 octobre 1991, après deux mises en demeure, une première déclaration au titre de la période du 1er août 1989 au 31 juillet 1990, faisant apparaître au bilan d'ouverture un stock de vins pour un montant de 2 199 268 F correspondant à la valeur figurant au bilan de clôture du dernier exercice établi au nom de l'ancien exploitant ; que, le 19 février 1993, elle a souscrit une déclaration rectificative dans laquelle la valeur du stock de vin a été portée à 6 231 000 F ; que ces deux déclarations, auxquelles sont tenus les contribuables imposables selon le régime du bénéfice réel, ne peuvent tenir lieu d'option pour l'application de ce régime à défaut d'avoir été établies dans le délai prévu par l'article 69 précité ;

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 69 et 41 analysées ci-dessus qu'à défaut d'une option régulière pour le régime d'imposition selon le régime réel au titre de l'exercice clos en 1990, d'une part l'indivision Noellat devait être placée sous le régime du forfait, d'autre part le régime de sursis d'imposition prévu par l'article 41 était applicable ;

Considérant, dès lors, que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 juillet 1998, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement social auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1989 du fait de la remise en cause du sursis d'imposition de la plus-value constatée lors de la reprise de l'exploitation par l'indivision Noellat, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions présentées par Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de cet article, une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par Mme A devant la cour administrative d'appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 10 novembre 2004 est annulé.

Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu assignées à Mme A au titre de l'année 1989 sont réduites de 614 710 euros (4 032 232 F).

Article 3 : Mme A est déchargée des droits et pénalités, au titre de l'impôt sur le revenu et du prélèvement social de l'année 1989, correspondant à la réduction de base définie à l'article précédent.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 21 juillet 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à Mme A une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Hélène A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 mai. 2007, n° 276346
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Edouard Crépey
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/05/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 276346
Numéro NOR : CETATEXT000020374492 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-05-30;276346 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award