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30/05/2007 | FRANCE | N°293423

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 30 mai 2007, 293423


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mai et 15 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, dont le siège est 253 boulevard Péreire à Paris (75017) ; la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 19 janvier 2006 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 10 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la

note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2007, présentée pour l'Autorité des...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mai et 15 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, dont le siège est 253 boulevard Péreire à Paris (75017) ; la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 19 janvier 2006 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 10 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2007, présentée pour l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général du Conseil des marchés financiers ;

Vu le règlement n° 98-08 de la Commission des opérations de bourse homologué par l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 22 janvier 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIÉTÉ TRADITION SECURITIES AND FUTURES et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'Autorité des marchés financiers,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable : « Les prestataires de services d'investissement (...) sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations (...). / Elles obligent notamment à : (...) / 4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés » ; qu'aux termes de l'article 3-1-1 du règlement général du conseil des marchés financiers, alors applicable : « Les règles de bonne conduite édictées au présent titre établissent (...) les principes généraux de comportement et leurs règles essentielles d'application et de contrôle auxquels doivent se conformer le prestataire habilité et les personnes agissant pour son compte ou sous son autorité./ Les dirigeants du prestataire habilité veillent au respect des présentes dispositions et à la mise en oeuvre des ressources et des procédures adaptées./ Les activités mentionnées à l'article 2-1 sont exercées avec diligence, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l'intégrité du marché » ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement n° 98-08 de la Commission des opérations de bourse, alors applicable : « Le prospectus simplifié comporte l'indication du nom et de la fonction de la ou des personnes qui l'ont établi. Ces personnes attestent qu'à leur connaissance les données du prospectus sont conformes à la réalité et que celui-ci ne comporte pas d'omission de nature à en altérer la portée (...). Lorsque l'opération est réalisée avec l'intervention d'un intermédiaire, celui-ci atteste qu'il a accompli les diligences d'usage pour s'assurer de la sincérité du prospectus simplifié » ;

Considérant que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, après avoir estimé que la société MIA avait méconnu ces dispositions lors de sa participation à l'introduction en bourse de la société CST France en 2000, a prononcé à l'encontre de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, qui a absorbé la société MIA en 2004, une sanction pécuniaire de 10 000 euros ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : « ... La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction » ; qu'il résulte de l'instruction que la Commission des opérations de bourse a décidé, le 18 juin 2002, d'ouvrir une enquête sur l'information financière diffusée par la société CST France depuis le 21 avril 2000 ; que cette enquête a fait notamment apparaître que l'information financière diffusée à compter de cette date reposait sur les énonciations figurant dans le « prospectus simplifié » à l'élaboration duquel avait participé la société MIA, ainsi que sur l'étude financière qui lui avait été commandée et qui était jointe à ce prospectus ; que les manquements constatés à raison des actes effectués antérieurement au 21 avril 2000 et ayant un impact sur la qualité de l'information financière qui avait attiré l'attention de la Commission des opérations de bourse et motivé l'enquête ne sauraient, dès lors, être considérés comme prescrits à la date de la saisine de la commission des sanctions, le 22 mars 2005 ; que, par suite, le moyen tiré de la prescription des faits reprochés à cette société ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard tant à la mission de régulation des marchés dont est investie la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers qu'au fait qu'il n'est pas contesté qu'à la suite de l'opération de fusion-absorption intervenue le 31 décembre 2004, la société MIA a, conformément aux dispositions de l'article L. 236-3 du code de commerce, été absorbée intégralement par la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES sans être liquidée ni scindée, le principe de la personnalité des peines ne faisait pas obstacle à ce que la commission des sanctions prononçât une sanction pécuniaire à l'encontre de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES ; qu'il appartenait à celle-ci, lors de l'opération de fusion-absorption, de recueillir toute information utile sur la situation de la société MIA, sans qu'elle puisse utilement soutenir, pour contester la légalité de la décision attaquée, qu'en raison de la nature propre du droit boursier, l'Autorité des marchés financiers, avant de donner son accord à l'opération d'absorption, aurait dû l'avertir de l'existence d'une enquête portant sur la société, afin notamment qu'une provision appropriée fût constituée ;

Considérant, en troisième lieu, que si la décision attaquée mentionne, au demeurant pour répondre à un argument invoqué devant la commission des sanctions, un règlement professionnel qui n'était pas encore applicable à l'époque des faits, la sanction prononcée n'est aucunement fondée sur la méconnaissance des prescriptions édictées par ce texte ; qu'ainsi aucune erreur de droit ne peut être retenue de ce chef ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société MIA a été sollicitée par la société Europe, Finance et Industrie, elle-même chargée de réaliser l'introduction en bourse sur le marché libre de la société CST France, pour réaliser une évaluation financière de cette société ; qu'elle a repris à son compte des prévisions portant sur l'évolution du chiffre d'affaires et du résultat de la société dont elle n'aurait pu raisonnablement ignorer le caractère irréaliste si elle avait procédé aux diligences qui lui incombaient compte tenu des informations disponibles avant l'achèvement de cette étude, comme au moment de l'introduction en bourse ; qu'elle a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, de l'article 3-1-1 du règlement général du conseil des marchés financiers et de l'article 6 du règlement n° 98-08 de la Commission des opérations de bourse ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'Autorité des marchés financiers et de mettre à la charge de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES le versement à celle-ci de la somme de 3 000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES versera à l'Autorité des marchés financiers une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 293423
Date de la décision : 30/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - COMMISSION DES SANCTIONS - PRESCRIPTION DES FAITS (ART - L - 621-15 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER) - INTERRUPTION - EXISTENCE - OUVERTURE D'UNE ENQUÊTE SUR DES FAITS AUXQUELS SONT CONNEXES LES FAITS REPROCHÉS À LA SOCIÉTÉ POURSUIVIE [RJ1].

13-01-02-01 En vertu du deuxième alinéa du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction. En l'espèce, la Commission des opérations de bourse, à laquelle a succédé l'Autorité des marchés financiers, a décidé d'ouvrir une enquête sur l'information financière diffusée par une société. Cette enquête a notamment fait apparaître que l'information financière ainsi diffusée reposait sur les énonciations figurant dans un prospectus simplifié à l'élaboration duquel avait participé la société poursuivie, ainsi que sur l'étude financière qui lui avait été commandée et qui était jointe à ce prospectus. Les manquements commis par la société poursuivie à cette occasion ayant ainsi eu un impact sur la qualité de l'information financière qui avait attiré l'attention de la Commission des opérations de bourse et motivé l'enquête, l'ouverture de cette dernière doit, dans ces conditions, être regardée comme ayant interrompu la prescription à leur égard.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - LÉGALITÉ INTERNE - PRESCRIPTION DES FAITS - COMMISSION DES SANCTIONS DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (ART - L - 621-15 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER) - INTERRUPTION - EXISTENCE - OUVERTURE D'UNE ENQUÊTE SUR DES FAITS AUXQUELS SONT CONNEXES LES FAITS REPROCHÉS À LA SOCIÉTÉ POURSUIVIE [RJ1].

59-02-02-03 En vertu du deuxième alinéa du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction. En l'espèce, la Commission des opérations de bourse, à laquelle a succédé l'Autorité des marchés financiers, a décidé d'ouvrir une enquête sur l'information financière diffusée par une société. Cette enquête a notamment fait apparaître que l'information financière ainsi diffusée reposait sur les énonciations figurant dans un prospectus simplifié à l'élaboration duquel avait participé la société poursuivie, ainsi que sur l'étude financière qui lui avait été commandée et qui était jointe à ce prospectus. Les manquements commis par la société poursuivie à cette occasion ayant ainsi eu un impact sur la qualité de l'information financière qui avait attiré l'attention de la Commission des opérations de bourse et motivé l'enquête, l'ouverture de cette dernière doit, dans ces conditions, être regardée comme ayant interrompu la prescription à leur égard.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cass. crim. 16 décembre 1975, Bull. crim., n° 283 ;

10 décembre 1979, Bull. crim., n° 353 ;

29 novembre 1983, Bull. crim., n° 323 ;

18 février 1991, Bull. crim., n° 85 ;

6 juin 1996, Bull. crim., n° 243.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2007, n° 293423
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:293423.20070530
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