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06/06/2007 | FRANCE | N°270955

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 06 juin 2007, 270955


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 6 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt rendu le 26 mai 2004 par la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Caen a déchargé M. Jean-Paul A des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, pour les années 1992 à 1994,

dans la catégorie des bénéfices agricoles, au titre des gains procur...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 6 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt rendu le 26 mai 2004 par la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Caen a déchargé M. Jean-Paul A des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, pour les années 1992 à 1994, dans la catégorie des bénéfices agricoles, au titre des gains procurés par l'engagement dans des courses de certains de ses chevaux, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) statuant au fond, de remettre à la charge de M. A les suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été réclamés au titre des gains procurés par l'engagement dans des courses de certains de ses chevaux, ainsi que les pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Emmanuelle Cortot, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui exerce la profession d'avocat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour les années 1991 à 1993 ; que parallèlement à ce contrôle, l'administration fiscale a diligenté, pour les années 1991 à 1993, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. A, et pour l'année 1994, un contrôle sur pièces, à l'issue desquels elle a estimé que les revenus que l'intéressé avait retirés, sous la forme de produits de ventes et de gains de courses, de plusieurs chevaux dont il était propriétaire, étaient imposables au titre de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles ; que M. A n'ayant déposé, dans les délais qui lui étaient impartis pour ce faire après l'envoi d'une première mise en demeure, aucune déclaration relative aux bénéfices agricoles pour les années 1992 à 1994, l'administration a procédé à l'évaluation d'office de ces bénéfices en application de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ; que la seconde mise en demeure par laquelle elle avait demandé à M. A de produire les déclarations en cause pour les années 1992 et 1993 étant demeurée sans réponse après l'expiration d'un délai de trente jours à compter de sa notification, elle a assorti les suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de l'intéressé au titre de ces deux années, dans la catégorie des bénéfices agricoles, de la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable ; que par ailleurs, ayant constaté que M. A avait omis de déposer les déclarations de chiffre d'affaires qu'il était tenu de présenter pour les années 1991 à 1993, l'administration a remis en cause le droit de l'intéressé à bénéficier de l'abattement de 20 % prévu par l'article 158 du code général des impôts, alors en vigueur, pour les contribuables qui adhèrent à un centre de gestion agréé ; qu'elle a donc mis à la charge de M. A les suppléments d'impôt sur le revenu, au titre de la catégorie des bénéfices non commerciaux, résultant de la perte de cet abattement ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt rendu le 26 mai 2004 par la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Caen a déchargé M. A des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, pour les années 1992 à 1994, au titre des gains procurés par l'engagement dans des courses de certains de ses chevaux, ainsi que des pénalités dont ces suppléments ont été assortis pour les années 1992 et 1993 ; que M. A se pourvoit, par la voie du recours incident, contre le même arrêt en tant, d'une part, qu'il a annulé le jugement susmentionné par lequel le tribunal administratif de Caen l'a déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge, pour les années 1992 à 1994, au titre des produits retirés de la vente de certains de ses chevaux, ainsi que des pénalités correspondantes, et d'autre part, qu'il a rejeté les conclusions de l'appel incident qu'il avait formé contre le même jugement aux fins d'obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge, pour les mêmes années, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours ;

Considérant qu'aux termes de l'article 63 du code général des impôts : Sont considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole pour l'application de l'impôt sur le revenu, les revenus que l'exploitation de biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, colons partiaires, soit aux propriétaires exploitants eux-mêmes... ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. A a la disposition de plusieurs hectares de terres appartenant à la S.C.I. Villons les Buissons et la S.C.I. J.P.L., dont il est l'un des associés ; qu'il dispose de plusieurs boxes et d'installations diverses qu'il utilise pour élever les poulains qui naissent, sur ces terres, des poulinières dont il est propriétaire ; que, par ailleurs, il s'assure, moyennant une indemnité forfaitaire annuelle, les services d'un salarié ; que dans ces conditions, M. A, qui a la jouissance d'une exploitation agricole au sein de laquelle il élève des chevaux, doit être regardé comme exerçant une activité d'exploitation de biens ruraux ; qu'il en résulte, d'une part, que les revenus qu'il tire de la vente des chevaux qu'il élève et dont il est propriétaire ont le caractère de bénéfices agricoles, et d'autre part, que les gains que lui procure l'engagement dans des courses des mêmes chevaux, qu'il n'entraîne pas, doivent être regardés comme l'accessoire de ces revenus et, à ce titre, également qualifiés de bénéfices agricoles ; qu'ainsi, en estimant que les gains procurés à M. A par l'engagement dans des courses des chevaux qu'il élève et dont il est propriétaire ne pouvaient être regardés comme des bénéfices agricoles, la cour a commis une erreur de qualification juridique des faits ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que M. A soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu pour les années 1992 à 1994, dans la catégorie des bénéfices agricoles, à raison des gains de courses perçus par l'intéressé, et des pénalités correspondantes ;

Sur le pourvoi incident de M. A :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. A a la jouissance d'une exploitation agricole sur laquelle il élève des chevaux ; que par suite, en jugeant qu'alors même qu'il ne consacrerait qu'une faible partie de son temps à la conduite de l'exploitation agricole en cause, les revenus retirés de la vente des chevaux qu'il élève devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices agricoles, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, applicable à la date des faits : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter un acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100. / (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : / 40 p. 100 lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ; / 80 p. 100 lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première (...) ; que ces dispositions ont été modifiées par l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2006, en vertu duquel elles disposent désormais : 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ;

Considérant qu'il résulte du principe de nécessité des peines issu de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que les dispositions précitées de l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005, qui suppriment l'infraction consistant à ne pas déposer de déclaration dans les trente jours suivant l'envoi d'une seconde mise en demeure et, par suite, sont plus douces que celles en vigueur avant leur intervention, doivent s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; que pour déterminer la loi applicable à la pénalité contestée devant lui, le juge de l'impôt doit, comme juge de plein contentieux, se placer à la date à laquelle il statue ; qu'à la date à laquelle la cour administrative d'appel de Nantes a statué, soit le 26 mai 2004, les dispositions précitées de l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 n'étaient pas entrées en vigueur ; qu'ainsi, en ne faisant pas application de ces dispositions, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 4 bis de l'article 158 du code général des impôts, alors en vigueur : Les adhérents des centres de gestion et associations agréés (...) bénéficient d'un abattement de 20 % sur leurs bénéfices déclarés (...). / L'abattement n'est pas appliqué lorsque la déclaration professionnelle, la déclaration d'ensemble des revenus ou les déclarations de chiffre d'affaires n'ont pas été souscrites dans les délais et qu'il s'agit de la deuxième infraction successive concernant la même catégorie de déclaration ; qu'il résulte de ces dispositions que l'abattement pour adhésion à un centre de gestion agréé est perdu dès lors que le contribuable omet successivement de déposer deux déclarations de chiffre d'affaires dans les délais qui lui sont impartis à cette fin ; qu'il suit de là qu'en jugeant que M. A avait été à bon droit privé par l'administration de cet abattement, alors même qu'après avoir omis, successivement, de déposer, au cours de l'année 1993, plusieurs déclarations de chiffre d'affaires dans les délais qui lui étaient impartis à cette fin, il avait finalement présenté spontanément une déclaration globale de revenus rectificative au titre de cette même année, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ... par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; qu'aux termes de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales : A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre ; que, par ailleurs, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. / Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, devant la cour, M. A soutenait que l'appel formé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE était irrecevable dès lors que le recours que ce dernier avait présenté aux fins d'obtenir l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen n'avait été enregistré au greffe de la cour que le 24 novembre 2000, soit après l'expiration du délai de deux mois qui, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, courait à compter de la notification à l'administration des impôts, le 27 juillet 2000, dudit jugement ; que M. A faisait valoir que, contrairement à ce que soutenait le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, la fin de non-recevoir qu'il opposait ne pouvait être écartée sur le fondement des dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales, dès lors que ces dispositions sont incompatibles avec le principe de l'égalité des armes garanti par les stipulations précitées de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour écarter la fin de non-recevoir opposée par M. A à l'appel du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, la cour s'est fondée sur le motif que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'étaient pas applicables au présent litige ; qu'étaient toutefois spécifiquement contestées, dans l'instance opposant l'administration à M. A devant les juges d'appel, les pénalités de 80 % mises à la charge de l'intéressé au titre des années 1992 et 1993 sur le fondement du 3 de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, qui, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation d'un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les prononcer à l'autorité administrative, des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là qu'en estimant que les stipulations du §1 de cet article ne pouvaient être utilement invoquées par M. A en vue de contester la recevabilité de l'appel du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, la cour a commis une erreur de droit ;

Mais considérant qu'il résulte des stipulations précitées du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'un juste équilibre doit être ménagé entre les parties au procès, de telle sorte que chacune d'entre elles ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que si les dispositions précitées de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales ménagent au ministre chargé du budget un délai d'appel qui peut excéder celui dont le contribuable dispose, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, pour saisir la cour administrative d'appel territorialement compétente d'une requête tendant à l'annulation d'un jugement de tribunal administratif, même lorsque le tribunal en cause a statué sur des pénalités fiscales ayant le caractère d'accusations en matière pénale, le contribuable conserve néanmoins la faculté, y compris lorsque le ministre a saisi la cour après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, outre de présenter des observations en défense, de former un appel incident en vue de contester les pénalités qui étaient en litige devant le tribunal, quand bien même le ministre ne contesterait que les impositions dont ce tribunal aurait déchargé le contribuable ; que par ailleurs, le contribuable est en mesure d'écourter le délai ouvert à l'administration, en application de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales, en signifiant directement au ministre, seul compétent pour faire appel, le jugement dont il a lui-même reçu notification ; que dans ces conditions, les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales ne placent pas le contribuable dans une situation de net désavantage par rapport au ministre chargé du budget et laissent à chaque partie une possibilité raisonnable de contester les pénalités fiscales qui, ayant le caractère d'accusations en matière pénale, seraient en litige ; qu'ainsi, les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales doivent être regardées comme compatibles avec le principe de l'égalité des armes découlant des stipulations précitées de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce motif, qui répond à un moyen soulevé devant les juges du fond et ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a écarté la fin de non-recevoir opposée par M. A à l'appel du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler, dans la mesure de l'annulation prononcée au titre du recours formé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, l'affaire au fond ;

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par M. A :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir qu'il oppose à l'appel du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, dont M. A ne conteste pas qu'il a fait enregistrer son recours au greffe de la cour avant l'expiration du délai mentionné à l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales, ne peut qu'être écartée ;

En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur le revenu en litige :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les gains qui ont été perçus par M. A à raison de l'engagement dans des courses des chevaux qu'il élève et dont il est propriétaire ont le caractère de bénéfices agricoles ; qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen, par le jugement attaqué, s'est fondé sur le motif que ces gains n'avaient pas le caractère de bénéfices agricoles pour accorder à l'intéressé la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il avait été assujetti, au titre des années 1992 à 1994, à raison de ces gains, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Caen ;

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que lorsque le contribuable se trouve en situation de taxation d'office, faute, comme en l'espèce, d'avoir souscrit une déclaration de revenus, et que l'obligation qu'il avait de souscrire la déclaration en cause n'a été révélée que par les investigations conduites par le vérificateur au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de l'intéressé, les irrégularités entachant cet examen affectent la régularité des impositions établies à l'issue de celui-ci ; que constitue une telle irrégularité le fait, pour le vérificateur, d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, marque l'achèvement de l'examen, sans avoir engagé, au cours de l'examen, un débat contradictoire sur les éléments qu'il envisage de retenir ; qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle dont M. A a fait l'objet, qui s'est déroulé du 1er août 1994 au 18 juillet 1995, l'intéressé a été mis en mesure de discuter les éléments qui devaient fonder les suppléments d'impôt sur le revenu ultérieurement mis à sa charge dans la catégorie des bénéfices agricoles, ce qu'il a d'ailleurs fait par une lettre en date du 26 novembre 1994 ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que, faute pour lui d'avoir pu engager un dialogue contradictoire avec l'administration avant que les notifications en date des 17 et 18 juillet 1995 lui aient été adressées, la procédure d'imposition ayant conduit à ce que soient mis à sa charge des suppléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles serait entachée d'une irrégularité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (...) ; qu'il résulte que l'instruction que M. A a été rendu destinataire de deux notifications en date des 17 et 18 juillet 1995 qui, si elles ne mentionnaient pas les modalités de détermination des bénéfices agricoles, renvoyaient, sur ce point, à des notifications de type 2120 qui ont été adressées à l'intéressé séparément à ces mêmes dates ; que ces notifications comportent l'ensemble des éléments servant de base au calcul des suppléments d'impôt sur le revenu en cause ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que les notifications en date des 17 et 18 juillet 1995 auraient méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales : La procédure de redressement contradictoire n'est pas applicable : ... / 4° Dans le cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition... ; que M. A, qui ne conteste pas avoir à bon droit fait l'objet d'impositions établies sur des bases évaluées ou taxées d'office, n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait irrégulièrement refusé d'accéder à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dont la consultation n'est prévue que dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire ;

Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles l'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 du même livre indique, pour chaque impôt ou taxe, le montant global des droits, des pénalités ou des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis, ne peuvent être utilement invoquées pour critiquer les avis d'imposition émis par l'administration fiscale en vue de recouvrer des suppléments d'impôt sur le revenu ; qu'ainsi, le moyen tiré par M. A de la méconnaissance des dispositions de l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales est inopérant et, par suite, ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ; que M. A ne justifie pas du montant des charges qu'il a portées dans les déclarations qu'il a finalement souscrites au titre des années 1992 à 1994 ; qu'il ne justifie pas davantage du montant du déficit qu'il prétend avoir enregistré, pour l'année 1991, dans la catégorie des bénéfices agricoles, et dont il soutient qu'il pourrait être reporté sur l'année 1992 ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à demander que les charges et le déficit qu'il allègue soient déduits des bénéfices agricoles à partir desquels ont été établis les suppléments d'impôt sur le revenu qui lui sont réclamés au titre des gains de courses qu'il a perçus au cours des années 1992 à 1994 ;

Considérant, en second lieu, que, dans une lettre en date du 23 décembre 1980 adressée au syndicat des copropriétaires de chevaux de course et de galop, l'administration fiscale a indiqué, d'une part, que les gains réalisés par les propriétaires qui confient leurs chevaux à un entraîneur sont imposables au titre des bénéfices non commerciaux sauf si les intéressés n'exercent aucune diligence en vue de s'aménager une source de revenus, et d'autre part, que ces règles valent pour les propriétaires éleveurs sans sol qui confient des chevaux à des exploitants agricoles dont l'élevage est la profession ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A a la jouissance de l'exploitation agricole sur laquelle il élève les chevaux dont il est propriétaire et qu'il engage dans des courses ; que dans ces conditions, il ne peut être regardé, ni comme un propriétaire n'exerçant aucune diligence en vue de s'aménager une source de revenus du fait de l'engagement de ses chevaux dans des courses, ni comme un éleveur sans sol ; qu'il suit de là M. A n'est pas fondé à se prévaloir, en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation de la loi fiscale contenue dans la lettre susmentionnée, dans les prévisions de laquelle il n'entre pas ;

En ce qui concerne les pénalités dont ont été assortis les suppléments d'impôt sur le revenu en litige :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a assorti les suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. A à raison des gains de courses qu'il a perçus, pour les années 1992 et 1993, de la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, applicable à la date des faits ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions qui infligent une sanction doivent être motivées ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable ; qu'il résulte de l'instruction que la notification en date du 18 juillet 1995 adressée par l'administration fiscale à M. A mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de la pénalité prévue par l'article 1728 du code général des impôts pour les années 1992 et 1993 ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision d'infliger cette pénalité aurait été insuffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que M. A ne se serait pas livré à des manoeuvres frauduleuses est inopérant pour contester l'application des pénalités prévues par l'article 1728 du code général des impôts en cas de défaut de déclaration ; qu'il suit de là que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que le droit que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales reconnaissent au contribuable de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, de l'interprétation donnée par celle-ci d'un texte fiscal, a pour seul objet de lui permettre de contester le bien-fondé d'une imposition à l'établissement de laquelle l'administration a procédé en faisant usage de ses pouvoirs de contrôle et de reprise, et ne peut, en revanche, fonder une contestation du bien-fondé propre des intérêts de retard ou majorations dont a été assortie cette imposition ; qu'ainsi, M. A ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 13 N 1223 du 14 juin 1996 pour demander la décharge des pénalités qui lui ont été infligées en application de l'article 1728 du code général des impôts au titre des années 1992 et 1993 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte du principe de nécessité des peines issu de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que les dispositions précitées de l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 doivent s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; qu'il suit de là que M. A est fondé à demander qu'à la pénalité de 80 % dont l'administration fiscale a assorti les suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge à raison des gains de courses qu'il a perçus, pour les années 1992 et 1993, en application des dispositions précitées du 3 de l'article 1728 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, soit substituée la pénalité de 40 % désormais prévue par le b de cet article pour le cas où, comme en l'espèce, un contribuable s'est abstenu de déposer dans les trente jours suivant l'envoi d'une mise en demeure, les déclarations qui lui étaient demandées ;

Considérant, en cinquième lieu, que les stipulations précitées de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont applicables à la contestation des majorations d'imposition prévues par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 7 décembre 2005, qui ont le caractère d'accusations en matière pénale, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation d'un préjudice ; que les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, comme celles qui étaient antérieurement en vigueur, proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit, ni que celui-ci aurait exercé une activité occulte, ni qu'il aurait omis de déposer sa déclaration dans les trente jours suivant l'envoi d'une mise en demeure régulièrement notifiée, de ne laisser à sa charge que la majoration de 10 % et les intérêts de retard ; que les stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts fondant les pénalités auxquelles il a été assujetti au titre des années 1992 et 1993 devraient être écartées au motif que, faute de permettre au juge de l'impôt d'en moduler le taux, elles seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en sixième et dernier lieu, que l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'il suit de là que M. A ne peut utilement invoquer les dispositions susmentionnées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 pour critiquer la décision que l'administration a prise de lui demander le paiement de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de M. A tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels l'intéressé a été assujetti, à raison des gains de courses qu'il a perçus, au titre des années 1992 à 1994 et des pénalités au taux de 40 % prévues par le b de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction actuellement en vigueur ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 26 mai 2004 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE tendant à ce que soient remis à la charge de M. A les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels l'intéressé a été assujetti, pour les années 1992 à 1994, à raison des gains de courses qu'il avait perçus, ainsi que les pénalités correspondantes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 4 juillet 2000 est annulé en tant qu'il a déchargé M. A des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, pour les années 1992 à 1994, à raison des gains de courses qu'il a perçus, ainsi que des pénalités correspondantes pour la part résultée de l'application d'un taux excédant 40 %.

Article 3 : M. A est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu pour les années 1992 à 1994 à raison des gains de courses qu'il a perçus, ainsi que des pénalités correspondantes au taux de 40 %.

Article 4 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. Jean-Paul A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - REQUÊTES D'APPEL - DÉLAI - ART - R - 200-18 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES OUVRANT AU MINISTRE CHARGÉ DU BUDGET UN DÉLAI D'APPEL POUVANT EXCÉDER CELUI DONT DISPOSE LE CONTRIBUABLE - MÉCONNAISSANCE DE L'ART - 6 - PAR - 1 - DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES - ABSENCE [RJ1] - CONDITION - DISPOSITIONS NE PLAÇANT PAS LE CONTRIBUABLE EN SITUATION DE NET DÉSAVANTAGE [RJ2].

19-02-04-02 Il résulte des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) qu'un juste équilibre doit être ménagé entre les parties au procès, de telle sorte que chacune d'entre elles ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Si les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales (LPF) ménagent au ministre chargé du budget un délai d'appel qui peut excéder celui dont le contribuable dispose, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative (CJA), pour saisir la cour administrative d'appel territorialement compétente d'une requête tendant à l'annulation d'un jugement de tribunal administratif, même lorsque le tribunal en cause a statué sur des pénalités fiscales ayant le caractère d'accusations en matière pénale, le contribuable conserve néanmoins la faculté, y compris lorsque le ministre a saisi la cour après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du CJA, outre de présenter des observations en défense, de former un appel incident en vue de contester les pénalités qui étaient en litige devant le tribunal, quand bien même le ministre ne contesterait que les impositions dont ce tribunal aurait déchargé le contribuable. Par ailleurs, le contribuable est en mesure d'écourter le délai ouvert à l'administration, en application de l'article R.* 200-18 du LPF, en signifiant directement au ministre, seul compétent pour faire appel, le jugement dont il a lui-même reçu notification. Dans ces conditions, les dispositions de l'article R.* 200-18 du LPF ne placent pas le contribuable dans une situation de net désavantage par rapport au ministre chargé du budget et laissent à chaque partie une possibilité raisonnable de contester les pénalités fiscales qui, ayant le caractère d'accusations en matière pénale, seraient en litige. Ainsi, les dispositions de l'article R.* 200-18 du LPF doivent être regardées comme compatibles avec le principe de l'égalité des armes découlant des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6) - VIOLATION - ABSENCE [RJ1] - ART - R - 200-18 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES OUVRANT AU MINISTRE CHARGÉ DU BUDGET UN DÉLAI D'APPEL POUVANT EXCÉDER CELUI DONT DISPOSE LE CONTRIBUABLE - CONDITION - DISPOSITIONS NE PLAÇANT PAS LE CONTRIBUABLE EN SITUATION DE NET DÉSAVANTAGE [RJ2].

26-055-01-06-02 Il résulte des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) qu'un juste équilibre doit être ménagé entre les parties au procès, de telle sorte que chacune d'entre elles ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Si les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales (LPF) ménagent au ministre chargé du budget un délai d'appel qui peut excéder celui dont le contribuable dispose, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative (CJA), pour saisir la cour administrative d'appel territorialement compétente d'une requête tendant à l'annulation d'un jugement de tribunal administratif, même lorsque le tribunal en cause a statué sur des pénalités fiscales ayant le caractère d'accusations en matière pénale, le contribuable conserve néanmoins la faculté, y compris lorsque le ministre a saisi la cour après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du CJA, outre de présenter des observations en défense, de former un appel incident en vue de contester les pénalités qui étaient en litige devant le tribunal, quand bien même le ministre ne contesterait que les impositions dont ce tribunal aurait déchargé le contribuable. Par ailleurs, le contribuable est en mesure d'écourter le délai ouvert à l'administration, en application de l'article R.* 200-18 du LPF, en signifiant directement au ministre, seul compétent pour faire appel, le jugement dont il a lui-même reçu notification. Dans ces conditions, les dispositions de l'article R.* 200-18 du LPF ne placent pas le contribuable dans une situation de net désavantage par rapport au ministre chargé du budget et laissent à chaque partie une possibilité raisonnable de contester les pénalités fiscales qui, ayant le caractère d'accusations en matière pénale, seraient en litige. Ainsi, les dispositions de l'article R.* 200-18 du LPF doivent être regardées comme compatibles avec le principe de l'égalité des armes découlant des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH.


Références :

[RJ1]

Cf. 3 novembre 2006, Caisse fédérale de crédit mutuel Océan, n° 266338, aux Tables sur un autre point, RJF 1/07 n° 36 ;

rappr., sur la conformité au principe d'égalité, 2 juillet 1990, Epoux Mercier, n° 48892-57143, p. 201 et, sur la conformité à l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de New-York, 3 juin 1991, SA Etablissements Bernstein, n° 71610-72937, T. p. 673-827.,,

[RJ2]

Comp. CEDH, 3 octobre 2006, Ben Naceur c/ France, aff. 63879/00.


Publications
Proposition de citation: CE, 06 jui. 2007, n° 270955
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mlle Emmanuelle Cortot
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 06/06/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 270955
Numéro NOR : CETATEXT000018006422 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-06-06;270955 ?
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