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18/06/2007 | FRANCE | N°284415

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 18 juin 2007, 284415


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Benoît A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 20 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté comme irrecevable son appel dirigé contre le jugement en date du 16 octobre 2003 du tribunal administratif de Besançon rejetant sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet du Doubs en date du 5 mars 2002 ayant

rejeté sa demande de création d'une officine de pharmacie à Oye-et-Pallet...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Benoît A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 20 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté comme irrecevable son appel dirigé contre le jugement en date du 16 octobre 2003 du tribunal administratif de Besançon rejetant sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet du Doubs en date du 5 mars 2002 ayant rejeté sa demande de création d'une officine de pharmacie à Oye-et-Pallet et de l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2000 déterminant les communes de moins de 2 500 habitants desservies par chaque officine du département ;

2°) statuant au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999, notamment son article 65 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine de Salins, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge./ L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que M. A a présenté, dans le délai de recours devant la cour administrative d'appel de Nancy, un mémoire d'appel qui comporte des moyens et ne se borne pas à reproduire la demande formulée devant les juges de première instance ; que, par suite, en rejetant cette requête d'appel comme irrecevable, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit en conséquence être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que M. A a demandé à plusieurs reprises depuis 1997 à être autorisé à créer une pharmacie dans la commune de Oye-et-Pallet dans le Doubs ; que, par jugement en date du 21 juin 2001, le tribunal administratif de Besançon a annulé le refus opposé par une décision du préfet du Doubs en date du 9 octobre 1999 ; que M. A ayant confirmé sa demande, le préfet du Doubs a à nouveau rejeté celle-ci par décision en date du 5 mars 2002 au motif que les communes qu'il revendiquait avaient été pour la plupart rattachées à des officines existantes par son arrêté du 17 novembre 2000 et ne pouvaient dès lors plus être prises en compte pour la délivrance d'une nouvelle licence ;

Considérant, en premier lieu, que, pour annuler l'arrêté du 9 octobre 1999 par son jugement en date du 21 juin 2001, le tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'article 65 de la loi du 27 juillet 1999 et qui prévoyait notamment que « Dans les communes d'une population inférieure à 5 000 habitants, il ne peut être délivré qu'une licence par tranche entière de 2 000 habitants recensés dans les limites de la commune./ Une création d'officine peut, toutefois, être accordée dans une commune dépourvue d'officine et d'une population inférieure à 2 000 habitants lorsque les besoins de la population résidente et saisonnière sont insuffisamment couverts au regard de la carte départementale des officines de pharmacie » ; que le II de l'article 65 de la loi du 27 juillet 1999 a remplacé ces dispositions par les dispositions suivantes, désormais codifiées à l'article L. 5125-11 du code de la santé publique : « Dans les communes de moins de 2 500 habitants dépourvues d'officine et dont la population n'a pas été ou n'est plus prise en compte pour une création d'officine dans une autre commune, une création peut être accordée dans une zone géographique constituée d'un ensemble de communes contiguës, si la totalité de la population de cette zone est au moins égale à 2 500 habitants » ; qu'en application du premier alinéa du IV de l'article 65 de la loi du 27 juillet 1999, ces dispositions sont entrées en vigueur à compter de la publication des arrêtés préfectoraux qui déterminent, pour chaque officine du département existant dans une commune de moins de 2 500 habitants à la date de publication de la loi, la ou les communes desservies par cette officine, soit, dans le département du Doubs, le 15 décembre 2000 ; que les modifications ainsi apportées aux dispositions définissant les conditions dans lesquelles la création d'une pharmacie peut être autorisée dans une commune de moins de 2 500 habitants - qui ont notamment porté de 2 000 à 2 500 habitants le seuil minimum de population qu'une telle officine doit desservir pour pouvoir être autorisée - et qui sont entrées en vigueur entre la décision initiale du 9 octobre 1999 et la décision en litige en date du 5 mars 2002 - font obstacle à ce que M. A puisse utilement se prévaloir de l'autorité de la chose jugée qui s'attache tant au dispositif du jugement en date du 21 juin 2001 qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et soutenir que l'autorisation sollicitée devait lui être délivrée pour assurer l'exécution de ce jugement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa du IV de l'article 65 de la loi du 27 juillet 1999 : « Par dérogation aux dispositions des articles L. 570, L. 571, L. 572 et L. 573 du même code, aucune création, ni aucun transfert ne peuvent être accordés, à l'exception (...) des créations ou transferts sollicités à la suite ou dans le cadre d'une décision de justice, pendant la période comprise (...) entre la date de publication de la présente loi et la date de publication des arrêtés préfectoraux mentionnés au V pour les communes de moins de 2 500 habitants » ; que ces dispositions permettaient, dans la mesure nécessaire à l'exécution d'une décision de justice, de déroger à la période de gel des autorisations qu'elles instauraient à compter de la date de publication de la loi, mais uniquement jusqu'à la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions issues de cette loi, lesquelles sont alors devenues pleinement applicables, y compris aux demandes présentées antérieurement et à celles visant à l'exécution d'une décision de justice ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 5 mars 2002 méconnaîtrait les dispositions du deuxième alinéa du IV de l'article 65 de la loi du 27 juillet 1999 ne peut qu'être écarté, dès lors que la publication des arrêtés préfectoraux a rendu applicables les nouvelles dispositions de la loi à toutes les demandes en cours ou postérieures ; que cette applicabilité résultant des termes mêmes de la loi, M. A ne peut utilement ni soutenir que le refus qui lui a été opposé sur le fondement de ces nouvelles dispositions porterait une atteinte illégale aux droits acquis qu'il tirerait du jugement en date du 21 juin 2001 ni, en tout état de cause, à sa confiance légitime ni invoquer l'illégalité de la circulaire d'application de ces dispositions ;

Considérant, enfin, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que, dans un mémoire en défense produit devant le tribunal et communiqué au requérant, le préfet a fait valoir qu'il n'aurait pu, en tout état de cause, faire droit à la demande de M. A dès lors que la population revendiquée était inférieure à 2 500 habitants ; qu'il ressort des pièces du dossier que la population totale des communes de « Oye-et-Pallet » (579 habitants), lieu d'implantation prévu de l'officine, La Planée (200 habitants), les Grangettes ((182), Malpas (147), Montperreux (605), Saint-Point-Lac (190) et « Vaux-et-Chantegrue » (503) s'établissait, aux dires mêmes de M. A, à 2 406 habitants à la date de la décision attaquée du 5 mars 2002 et n'atteignait dès lors pas le seuil de 2 500 habitants exigé par l'article L. 5125-11 du code de la santé publique ; qu'ainsi et en tout état de cause, le préfet du Doubs était tenu de la rejeter ; que la substitution de motif ainsi opérée n'a pas pour effet de priver M. A de garanties de procédure liées au motif substitué ; que, par suite, les autres moyens soulevés par M. A et tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 17 novembre 2000 doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 mars 2002 ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction de délivrance de l'autorisation ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 20 juin 2005 est annulé.

Article 2 : L'appel formé par M. A devant la cour administrative d'appel de Nancy et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Benoît A et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 284415
Date de la décision : 18/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2007, n° 284415
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: Mme Catherine de Salins
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:284415.20070618
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