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19/06/2007 | FRANCE | N°305846

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 juin 2007, 305846


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Lakhdar A, demeurant ...; M. et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Alger (Algérie) refusant au jeune Abdesselem B la délivrance d'un visa d'entrée et de

long séjour en France ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrang...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Lakhdar A, demeurant ...; M. et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Alger (Algérie) refusant au jeune Abdesselem B la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de délivrer dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la présente ordonnance, un laissez-passer permettant l'entrée en France du jeune homme, éventuellement sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; subsidiairement, de réexaminer dans le même délai la situation de l'intéressé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 990 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que le Conseil d'Etat est compétent pour se prononcer sur leurs conclusions ; que leurs conclusions sont recevables ; qu'ils sont les bénéficiaires d'une « kafala » et que le juge français leur a délégué l'autorité parentale par jugement du 8 octobre 2004 et qu'ainsi ils ont qualité pour représenter l'enfant ; que la condition d'urgence est satisfaite puisque l'enfant ne bénéficie plus des soins qui lui ont été prodigués durant un précédent séjour et qu'il est séparé de sa famille qui réside en France ; que le refus de visa méconnaît l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ; que le refus de visa aux mineurs qui font l'objet de kafala est illégal ; que l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant est méconnu ; que l'interdiction faite au jeune Abdesselem B de vivre auprès de ses représentants légaux, de son frère et de sa soeur résidant en France, porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie familiale ; que dès lors que le refus ne peut s'expliquer qu'à raison de l'origine nationale de l'enfant et de ses représentants légaux, il viole l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le recours présenté par M. et Mme A à la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, le 7 mars 2007 ;

Vu, enregistré le 30 mai 2007, le mémoire présenté par M. et Mme A qui reprennent les mêmes conclusions et les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que le rejet implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est acquis ;

Vu, enregistré le 8 juin 2007, le mémoire présenté par le ministre des affaires étrangères ; le ministre des affaires étrangères conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, dès lors que le juge des référés ne saurait ordonner la délivrance d'une autorisation provisoire d'entrée en France sans prendre ainsi une mesure identique en tous points à celles que peut prendre seul le juge de l'annulation ; que ce n'est que quatorze mois après le retour de l'intéressé en Algérie que le visa de long séjour a été demandé ; que les représentants légaux n'ont pas contribué à l'entretien du jeune homme lourdement handicapé et n'en ont d'ailleurs pas les capacités ; qu'aucun élément n'est apporté pour démontrer que le jeune Abdesselem B ne pourrait être soigné dans son pays d'origine ; qu'il en résulte que la condition d'urgence exigée n'est pas satisfaite ; que contrairement à ce qui est soutenu, les stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, qui ne sont pas applicables au cas d'espèce, ne sont pas méconnues ; que faute d'avoir été accompagnée du paiement des frais administratifs requis, en application du droit communautaire, la demande de visa déposée ne peut être instruite ; que la discrimination invoquée n'est nullement établie et l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas méconnue ; que la demande au titre de l'article L. 761-1 n'apparaît pas justifiée ;

Vu, enregistré le 15 juin 2007, le mémoire en réplique présenté par M. et Mme A ; ils persistent dans les conclusions de leur requête et en outre, subsidiairement, demandent qu'il soit enjoint au ministre d'examiner dans les quinze jours la demande de visa sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; ils reprennent les mêmes moyens et soutiennent en outre que l'office du juge des référés ne s'oppose pas à ce qu'il délivre une autorisation provisoire d'entrer en France ; que l'urgence est satisfaite, dès lors qu'une demande de visa a été présentée dès le mois de mars 2006, après le délai nécessaire pour préparer son retour en France auprès de ses représentants légaux ; que le délai d'instruction du visa est anormalement long ; que l'accord franco-algérien range au nombre des membres de la famille les personnes bénéficiaires d'une « kafala » et qu'ainsi, le jeune Abdesselem B, confié à M. et Mme A par jugement du 30 janvier 2002, peut bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ; que le ministre ne justifie pas que le paiement des frais administratifs ait été réclamé aux requérants, alors que la loi du 12 avril 2000 impose à ses services de le faire ;

Vu, enregistré le 18 juin 2007, le nouveau mémoire présenté par le ministre des affaires étrangères et européennes ; le ministre reprend les conclusions de son mémoire en défense et les mêmes moyens ; il soutient en outre que la demande de visa n'a été déposée que le 31 mai 2006 ; que cette demande est relative à la délivrance d'un visa de court séjour ; que l'instruction de cette demande n'a pas été faite dans un délai excessif ; que l'article 7 bis de la convention franco-algérienne n'est pas applicable au cas d'espèce ;

Vu la copie de la requête, enregistrée sous le n° 303765, dirigée contre la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme A, d'autre part, le ministre des affaires étrangères et européennes ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 19 juin 2007 à 11h au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères et européennes ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut suspendre l'exécution d'une décision administrative, même de rejet, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;

Considérant que M. et Mme A, respectivement beau-frère français et soeur de l'intéressé, se sont vus confier, par un jugement du 30 janvier 2002 du tribunal de Sidi Ali (Algérie) la « kafala » du jeune Abdesselem B, ressortissant algérien né en 1991, et la délégation de l'autorité parentale par un jugement en date du 8 octobre 2004 du juge aux affaires familiales de Limoges ; qu'ils ont accueilli une première fois le jeune homme en France en 2004 et 2005 et l'ont fait bénéficier de soins rendus nécessaires par les handicaps importants dont il souffre ; que ce dernier est reparti en Algérie le 20 octobre 2005 et, après un premier refus opposé à une demande de visa de court séjour présentée le 31 mai 2006, a sollicité un visa de long séjour le 10 décembre 2006 ;

Considérant que si M. et Mme A se plaignent des délais excessifs d'examen de la demande et du refus qui a été opposé à celle-ci, il ressort de l'instruction, notamment des déclarations faites à l'audience, que la demande déposée le 10 décembre 2006 n'a pu être instruite par les services consulaires, en raison de ce que les frais administratifs, dont le paiement est requis pour la présentation de toute demande de visa, n'ont pas été acquittés par les proches du demandeur ; que si M. et Mme A soutiennent que la somme ne leur a pas été réclamée, il ne peut être sérieusement soutenu que la famille d'Abdesselem B aurait été tenue dans l'ignorance de ce que le paiement de frais était exigé, alors qu'elle avait déjà présenté des demandes similaires ; qu'il appartient ainsi aux proches du jeune B de permettre aux services consulaires, en acquittant les frais exigés, d'instruire la demande qu'ils ont déposé le 10 décembre 2006 ; que, dans ces conditions, le refus implicite opposé à cette demande doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme résultant de l'inaction des requérants et de leur famille ; qu'il ne saurait, par suite, être constitutif d'une situation d'urgence, au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dès lors, en l'état de l'instruction, de rejeter les conclusions à fin de suspension présentées par M. et Mme A, ainsi que leurs conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que lui demandent M. et Mme A, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Lakhdar A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme Lakhdar A et au ministre des affaires étrangères et européennes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 305846
Date de la décision : 19/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2007, n° 305846
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:305846.20070619
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