La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2007 | FRANCE | N°299532

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 20 juin 2007, 299532


Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Sylvette A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 octobre 2006 par laquelle le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer rejetant sa demande tendant à l'intégration de l'indemnité de résidence à ses rémunérations, d'autre part, au paiement d

e la différence entre les rémunérations perçues depuis son entrée en fonc...

Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Sylvette A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 octobre 2006 par laquelle le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer rejetant sa demande tendant à l'intégration de l'indemnité de résidence à ses rémunérations, d'autre part, au paiement de la différence entre les rémunérations perçues depuis son entrée en fonction et celles qui auraient résulté de l'intégration de l'indemnité de résidence pour la même période, outre les intérêts de droit et les intérêts capitalisés, enfin à la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux ;

2°) statuant au fond, de lui adjuger l'entier bénéfice de ses écritures de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée ;

Vu la loi n° 2005-1720 de finances rectificative pour 2005, notamment son article 127 ;

Vu le décret n° 70-393 du 12 mai 1970 modifié ;

Vu le décret n° 73-966 du 16 octobre 1973 modifié ;

Vu le décret n° 74-652 du 19 juillet 1974 modifié ;

Vu le décret n° 82-1115 du 23 décembre 1982 modifié ;

Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié ;

Vu la décision du ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme du 14 mai 1973 portant règlement des personnels non titulaires du laboratoire central des ponts et chaussées et des centres d'études techniques de l'équipement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Barbat, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l'indemnité de résidence, régie successivement par les décrets des 12 mai 1970, 16 octobre 1973, 19 juillet 1974, 24 octobre 1985 et 30 juillet 1987, a été progressivement intégrée dans le traitement des personnels civils et militaires de l'Etat, dont la rémunération a été corrélativement majorée ; que, jusqu'à l'intervention du décret du 30 octobre 1987, l'indemnité de résidence était due aux agents contractuels de l'Etat, à l'exception de ceux rémunérés sur la base des salaires pratiqués dans le commerce et l'industrie ;

Considérant que, par une décision du 24 juin 2005, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a jugé que les agents contractuels ingénieurs et diplômés de l'enseignement supérieur du service d'études techniques des routes et autoroutes (SETRA) bénéficiaient d'un barème de rémunération qui était constamment mis à jour en fonction des variations des rémunérations de la fonction publique ; qu'il en a déduit que ces agents, alors même que leur rémunération était à l'origine fixée en référence à une convention collective, n'étaient pas au nombre des personnels rétribués sur la base des salaires pratiqués dans le commerce et l'industrie et avaient, par suite, droit à l'intégration au traitement de l'indemnité de résidence ;

Considérant qu'en relevant que l'indemnité de résidence avait été incorporée au traitement des agents en cause, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que ces agents, dont la situation au regard de l'indemnité de résidence est identique à celle des agents du SETRA, ont été, jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat mentionnée ci-dessus, exclus du bénéfice de l'intégration de cette indemnité à leur traitement, le vice-président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a dénaturé les faits de l'espèce ; qu'ainsi, Mme est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant que Mme , agent non titulaire régi par la décision du ministre de l'équipement du 14 mai 1973, demande que l'Etat soit condamné à lui verser, d'une part, les rappels de rémunération correspondant à la revalorisation de son traitement pour tenir compte des mesures d'intégration mentionnées ci-dessus, d'autre part, l'indemnité de résidence à laquelle elle estime avoir droit depuis son recrutement ;

Sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat, ... sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ;

Considérant que le fait générateur des créances dont se prévaut Mme est constitué par le service fait par elle ; que si sa réclamation en date du 12 juillet 2005 a eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale s'agissant des créances afférentes aux années 2001 et suivantes, les créances afférentes aux années antérieures étaient, en revanche, déjà prescrites à la date de présentation de sa réclamation ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale en ce qui concerne ces dernières créances doit être accueillie ; que, dès lors, les conclusions de Mme tendant à obtenir l'indemnité de résidence et son intégration au traitement, au titre de la période allant de la date de son recrutement au 31 décembre 2000, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de Mme tendant à l'intégration à son traitement de l'indemnité de résidence :

Considérant que, jusqu'à l'intervention du décret du 30 juillet 1987, l'indemnité de résidence était due aux agents contractuels de l'Etat, à l'exception de ceux rémunérés sur la base des salaires pratiqués dans le commerce et l'industrie ; qu'il résulte de l'instruction que les agents contractuels régi par la décision du ministre de l'équipement du 14 mai 1973 bénéficient d'un barème de rémunération qui est constamment mis à jour en fonction des variations des rémunérations de la fonction publique ; qu'ainsi, ces agents, alors même que leur rémunération a été, à l'origine, fixée en référence aux salaires prévus par la convention collective de l'industrie chimique de la région parisienne, ne sont pas au nombre des personnels rétribués sur la base des salaires pratiqués dans le commerce et l'industrie ;

Considérant qu'il suit de là que Mme avait droit, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 30 juillet 1987, au bénéfice de l'indemnité de résidence ; que, si la règle de prescription fait obstacle à ce que l'intéressée bénéficie, antérieurement au 1er janvier 2001, de l'indemnité de résidence et des majorations de traitements correspondantes, elle ne s'oppose toutefois pas à ce que, postérieurement à cette date, le montant de son traitement indiciaire soit déterminé en tenant compte des conséquences de l'intégration de l'indemnité de résidence aux rémunérations opérée par les décrets mentionnés ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à Mme la différence entre les rémunérations qu'elle a perçues entre janvier 2001 et décembre 2005 et celles qui auraient résulté, pour la même période, de l'intégration de l'indemnité de résidence à ses rémunérations opérée par les décrets mentionnés ci-dessus ;

Considérant que les éléments nécessaires à la liquidation de la somme due à Mme ne figurant pas au dossier, il y a lieu de renvoyer le demandeur devant l'administration aux fins de liquidation de cette créance ;

Sur les conclusions de Mme tendant au bénéfice de l'indemnité de résidence :

Considérant que, pour bénéficier de l'indemnité de résidence, le décret du 30 juillet 1987 a prévu, outre la condition de ne pas être rémunéré sur la base des salaires pratiqués dans le commerce et l'industrie, celle tirée de la nécessité pour les agents concernés d'occuper un emploi auquel est directement attaché un indice brut, net, nouveau ou majoré de la fonction publique ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la rémunération de Mme soit directement attachée à tel indice de la fonction publique ; qu'il suit de là que l'intéressée était, à compter de l'entrée en vigueur du décret du 30 juillet 1987, exclue du bénéfice de l'indemnité de résidence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui payer, pour la période non prescrite, la somme correspondant aux montants mensuels de l'indemnité de résidence ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme a droit aux intérêts sur les sommes qui lui sont attribuées par la présente décision, à compter du 12 juillet 2005, date de réception par l'administration de sa demande préalable ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que Mme a demandé la capitalisation des intérêts dès l'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Paris, le 2 novembre 2005 ; que la capitalisation des intérêts, si elle peut être demandée à tout moment devant le juge, ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation s'accomplit ensuite de nouveau à chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de capitalisation de Mme à compter du 12 juillet 2006 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que Mme demande qu'il soit enjoint au ministre de l'équipement de régulariser sa situation envers l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec), eu égard aux rappels de rémunération qui lui sont dus ; que la présente décision implique nécessairement, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le ministre procède à une telle régularisation ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de procéder à cette régularisation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros demandée par Mme au titre des frais exposés par elle, en première instance et en cassation, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 4 octobre 2006 du vice-président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme les sommes définies dans les motifs de la présente décision. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2005. Les intérêts échus à la date du 12 juillet 2006 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Il est fait injonction au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, de procéder, en fonction des compléments de rémunérations dus à Mme , à la régularisation de sa situation auprès de l'Ircantec.

Article 4 : L'Etat versera à Mme la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Sylvette , au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 20 jui. 2007, n° 299532
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur public ?: M. Keller
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 20/06/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 299532
Numéro NOR : CETATEXT000020374702 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-06-20;299532 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award