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27/06/2007 | FRANCE | N°263937

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 27 juin 2007, 263937


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 26 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Cécile H, demeurant ... ; Mme H demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 novembre 2003 par lequel la Cour des comptes, statuant à titre définitif, l'a déclarée comptable de fait des deniers de l'État à raison des opérations effectuées par l'Association d'études et de recherches de l'éducation surveillée (AERES) du 1er janvier 1994 au 25 juin 2002, conjointement et solidairement avec deux au

tres directeurs successifs de la protection judiciaire de la jeunesse, à ce...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 26 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Cécile H, demeurant ... ; Mme H demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 novembre 2003 par lequel la Cour des comptes, statuant à titre définitif, l'a déclarée comptable de fait des deniers de l'État à raison des opérations effectuées par l'Association d'études et de recherches de l'éducation surveillée (AERES) du 1er janvier 1994 au 25 juin 2002, conjointement et solidairement avec deux autres directeurs successifs de la protection judiciaire de la jeunesse, à ce titre présidents de l'AERES, avec trois directeurs généraux successifs du centre national de formation et d'études (CNFE), à ce titre secrétaires du bureau de l'AERES et avec deux secrétaires généraux successifs du CNFE, à ce titre trésoriers de l'AERES ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, chargé des fonctions de Maître des Requêtes, rapporteur,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme H,

les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la Cour des comptes a déclaré Mme H comptable de fait des deniers de l'Etat à raison des opérations effectuées par l'association d'études et de recherches de l'éducation surveillée du 23 novembre 1995 au 21 janvier 1998, période au cours de laquelle elle assumait la présidence de cette association en sa qualité de directeur de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice, conjointement et solidairement avec les autres membres du bureau de l'association ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité et des droits de la défense :

Considérant que si la requérante fait valoir que la Cour des comptes a pris parti, de manière publique, dans son rapport annuel au Président de la République pour l'année 1991, sur les faits qui ont donné lieu à la déclaration de gestion de fait litigieuse et ainsi méconnu le principe d'impartialité et des droits de la défense, il ressort des pièces du dossier que ce rapport ne contient aucune mention relative à l'Association d'études et de recherches de l'éducation surveillée ; que dès lors ce moyen doit être écarté ;

Sur les moyens tirés de la publicité de l'audience :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice » ; que le juge des comptes, lorsqu'il prononce la gestion de fait, tranche des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil ; que les stipulations précitées sont par suite applicables à la procédure contestée ; que, toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que la déclaration de gestion de fait litigieuse a été rendue en audience publique n'est pas de nature à méconnaître les règles du procès équitable et notamment le principe selon lequel, dans un débat juridictionnel, aucune des parties ne doit être défavorisée par rapport aux autres, garanti par les règles générales de la procédure administrative contentieuse et rappelé par les stipulations citées ci-dessus de la convention européenne ; qu'au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme H ait demandé que l'audience soit tenue à huis clos ;

Considérant, d'autre part, que l'article R. 141-9 du code des juridictions financières dispose que : « Sont publiques les séances de jugement au cours desquelles la Cour statue à titre définitif sur une gestion de fait ou sur une amende. Il en est de même pour les séances au cours desquelles la Cour statue définitivement en appel sur un jugement d'une chambre régionale ou territoriale des comptes intervenu en matière de gestion de fait ou d'amende » ; que si la Cour, par l'arrêt attaqué, a déclaré la requérante comptable de fait des deniers de l'État conjointement et solidairement avec les autres membres du bureau de l'Association d'études et de recherches de l'éducation surveillée, dès lors que les pièces du dossier ne lui permettaient pas, à ce stade de la procédure, de répartir entre les intéressés la responsabilité exclusive de chacune des opérations, elle n'en a pas moins, par cette déclaration, statué à titre définitif sur une gestion de fait ; qu'ainsi, Mme H n'est pas, en tout état de cause, fondée à soutenir que la tenue d'une audience publique aurait méconnu cette disposition ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure :

Considérant que l'article L. 112-2 du code des juridictions financières dispose : « Le procureur général exerce le ministère public près la Cour des comptes » et que l'article R. 112-8 du même code précise : « Le procureur général exerce le ministère public par voie de réquisitions ou de conclusions » ; que si, dans les cas où le procureur général près la Cour des comptes doit être regardé comme ayant la qualité de partie au litige sur les comptes soumis à la Cour, ses réquisitions doivent être communiquées au comptable afin que celui-ci soit mis en mesure de discuter l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la juridiction, il en va autrement, eu égard à la nature des activités juridictionnelles de la Cour, à la procédure suivie devant elle et au rôle qu'y joue le procureur général, des conclusions, ayant la nature d'un avis, qu'il donne sur les rapports qui lui sont communiqués ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'absence de communication des conclusions écrites du procureur général aurait méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure, garanti par les règles générales de la procédure administrative contentieuse et rappelé par le paragraphe 1 de l'article 6 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les moyens tirés du caractère solidaire et conjoint de la déclaration de gestion de fait :

Considérant que l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, précise la date des opérations au titre desquelles la requérante a été déclarée comptable de fait des deniers de l'État, conjointement et solidairement avec les autres membres du bureau de l'association d'études et de recherches de l'éducation surveillée ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité et d'individualisation des sanctions ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision, qui ne présente pas le caractère d'une sanction, par laquelle la Cour des comptes déclare une gestion de fait ; qu'enfin, la Cour, à qui il revenait d'apprécier souverainement si les circonstances de l'affaire permettaient de fixer la part de responsabilité dans les opérations litigieuses qui incombait à chacune des personnes mises en cause, a pu, sans méconnaître les droits de la défense, déclarer conjointement et solidairement comptable de fait des deniers de l'État, en l'état de l'instruction, la requérante et les autres membres du bureau de l'association, à qui il appartiendra de faire valoir, à l'occasion de la production de leur compte de gestion, la responsabilité incombant à chacun dans les opérations au titre desquelles la déclaration de gestion de fait a été prononcée ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que la Cour des comptes n'aurait jamais, à l'occasion de ses contrôles antérieurs de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, fait mention d'un risque sérieux de gestion de fait, est sans incidence sur la légalité de l'arrêt attaqué ;

Considérant, d'autre part, que la Cour des comptes ne peut légalement fonder les décisions qu'elle rend, dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle, à l'occasion du prononcé de la déclaration de gestion de fait, que sur les éléments matériels soumis à son contrôle, à l'exclusion notamment de toute appréciation du comportement des personnes déclarées comptables de fait ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de ce qu'elle aurait mis en oeuvre toutes les diligences nécessaires pour mettre la gestion de l'association d'études et de recherches de l'éducation surveillée en conformité avec les règles de la comptabilité publique, pour soutenir que la Cour aurait dénaturé les faits de l'espèce en la déclarant comptable de fait des deniers de l'Etat à raison des opérations effectuées par cette association ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme H n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué et que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme H est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Cécile H, au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2007, n° 263937
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Rémi Decout-Paolini
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 27/06/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 263937
Numéro NOR : CETATEXT000020374617 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-06-27;263937 ?
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