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09/07/2007 | FRANCE | N°305923

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 juillet 2007, 305923


Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON, ayant élu domicile chez la société d'avocats Vedesi, 28 rue d'Enghien à Lyon (69002) ; le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'avis du 25 avril 2007 par lequel la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a proposé de substituer une exclusion temporaire des

fonctions de trois mois à la sanction initiale de révocation prononcé...

Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON, ayant élu domicile chez la société d'avocats Vedesi, 28 rue d'Enghien à Lyon (69002) ; le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'avis du 25 avril 2007 par lequel la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a proposé de substituer une exclusion temporaire des fonctions de trois mois à la sanction initiale de révocation prononcée à l'encontre de Mme A, aide soignante ;

2°) de condamner Mme A à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

le CENTRE HOSPITALIER DE GEORGES CLAUDINON soutient qu'il existe en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'avis contesté ; qu'en effet, le recours formé devant la commission des recours de la fonction publique hospitalière par Mme A n'était pas motivé, donc était irrecevable ; que les droits de la défense ont été méconnus, ainsi que le caractère contradictoire de la procédure ; qu'en effet Madame le directeur n'a pas été mise à même de présenter ses observations ; que les observations écrites de Mme A n'ont pas été transmises au centre hospitalier ; que la commission aurait dû procéder au report de son audience ; que l'avis émis ne précise pas les conditions de vote et n'est pas signé ; que l'avis est entaché d'erreur de fait et de droit, et de contradiction de motifs ; que la commission des recours s'est en effet cantonnée à l'examen de trois catégories de griefs, ne retenant que le manquement à l'obligation de courtoisie, alors que Mme A avait commis une multiplicité de faits graves, qui avaient été retenus par le directeur de l'établissement pour justifier la sanction de révocation, et qui étaient de nature à justifier une sanction ; que la gravité de la faute aurait dû s'apprécier au regard de la multiplicité des faits reprochés ; qu'il en résulte qu'en ne retenant qu'une faute, la commission des recours a entaché son avis d'une erreur manifeste d'appréciation ; que Mme A a nuit au bon fonctionnement de l'établissement hospitalier ; que l'urgence résulte des conséquences qu'aurait la réintégration de l'intéressée sur le fonctionnement du service ;

Vu l'avis attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2007, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité, qui tend au rejet de la requête ; il soutient que celle-ci est irrecevable, la procédure du référé suspension ne pouvant jouer contre un avis ; que la condition d'urgence est loin d'être remplie ; que la commission avait constaté la recevabilité du recours de Mme A ; que la procédure a été régulière, le centre hospitalier ayant pu en temps utile, consulter le dossier et faire valoir ses observations ; que la commission était en droit de ne retenir qu'une partie des griefs reprochés à Mme A;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2007, présenté pour Mme A, tendant au rejet de la requête ; elle soutient que l'urgence n'est pas démontrée ; qu'aucun texte n'imposait que le recours de Mme A devant la commission fût motivé ; que la procédure a été régulière, et que l'avis est régulier en la forme ; que sous couvert d'erreur de fait, la requête conteste en réalité la gravité de la sanction retenue ; que la contradiction prétendue n'existe pas ; que la commission a examiné tous les griefs ; que ni l'erreur de fait, ni l'erreur manifeste d'appréciation, ne sont établies ; qu'il y a lieu de condamner l'établissement requérant à verser une somme de 3 000 euros à Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistrés le 29 juin 2007, les mémoires en réplique présentés par le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il produit en outre un rapport d'autodiagnostic institutionnel qui atteste les perturbations causées dans l'établissement par le comportement de Mme A ; que seul le courrier de saisine de Mme A avait été transmis au centre hospitalier, et que ses observations écrites n'ont pas été communiquées ;

Vu, enregistrés le 4 juillet 2007, le nouveau mémoire présenté par le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON ; il tend aux mêmes fins que la requête ; il soutient en outre que la réintégration de Mme A est totalement impossible en raison de troubles que cela produirait pour la sécurité des patients, et justifie du pouvoir donné à la société d'avocats Vedesi ;

Vu, enregistrés les 4 et 5 juillet 2007, les nouveaux mémoires présentés pour Mme A, tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que l'intéressée, ayant été radiée de la fonction publique hospitalière, doit vivre actuellement dans le secteur privé à titre précaire ; que le requérant persiste dans des citations partielles ; qu'elle est prête à reprendre loyalement ses fonctions ;

Vu, enregistré le 5 juillet 2007 le mémoire présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité produisant des pièces justificatives en réponse à une demande du Conseil d'Etat ;

Vu, enregistré le 5 juillet 2007 le nouveau mémoire présenté par le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

Vu le décret n°88-981 du 13 octobre 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON et, d'autre part, le ministre de la santé, de la jeunesse et des sports et Mme Pascale A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 juillet 2007 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Boullez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON ;

- la représentante du CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON ;

- Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

- Mme A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON demande la suspension de l'avis émis le 25 avril 2007 par lequel la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, saisie par Mme A, aide soignante titulaire, a proposé de substituer à la sanction de révocation prise par le directeur de l'établissement à l'encontre de l'intéressée, une sanction d'exclusion temporaire pour une durée de trois mois ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article 84 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : « Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière lorsque l'autorité investie du pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline. / L'autorité investie du pouvoir de nomination ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en raison de ses effets juridiques, l'avis de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière constitue une décision susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir ; que par suite cet avis constitue une décision administrative au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, dont la suspension peut être demandée au juge des référés ;

Sur la demande à fin de suspension :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a été titularisée le 1er janvier 2004 au service spécialisé dans la prise en charge des personnes âgées atteintes de la pathologie d'Alzheimer au sein du CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON ; qu'à la suite de divers incidents s'étant produits à partir du mois de mars 2004, le directeur de l'établissement a, par décision du 26 décembre 2006, procédé à la révocation de l'intéressée ;

Considérant que la décision du directeur du CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON prononçant la révocation de Mme A avait retenu, comme manquements aux obligations professionnelles (1) les problèmes relationnels rencontrés avec ses collègues par l'intéressée, sans amélioration au fil des ans, portant préjudice à la qualité du travail d'équipe et à la prise en charge des patients, (2) la réalisation d'une nutrition invasive non prescrite par un médecin, faisant courir un risque vital à une patiente, (3) une attitude provocante et déplacée envers une collègue sur le lieu de travail (4), une attitude rendant impossible la concertation d'équipe nécessaire à une bonne prise en charge du patient (5), la prise à partie des familles de patient, dénigrant l'équipe de service et les choix thérapeutiques (6), l'absence de volonté de Mme A de se remettre en cause pour améliorer son comportement ;

Considérant qu'il résulte des termes de l'avis attaqué que, pour estimer que le comportement fautif de Mme A ne pouvait être qualifié de grave, la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière n'a qualifié de fautif que le manque de correction de l'intéressée vis-à-vis de ses collègues, ayant entraîné un manquement à l'obligation de courtoisie incombant aux fonctionnaires, à l'exclusion des autres faits reprochés par l'employeur ; que parmi ces autres faits reprochés à Mme A, figuraient, d'une part, le fait d'avoir en connaissance de cause continué à administrer à une patiente une méthode de nutrition non prescrite par un médecin, d'autre part, d'avoir gêné par son comportement la prise en charge des patients, enfin d'avoir eu une attitude incorrecte vis-à-vis de familles de patients ; que le moyen tiré de ce que ces faits étaient également de nature à être qualifiés de fautifs, donc que l'avis attaqué est à ce titre entaché d'une erreur de qualification juridique, est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l'avis attaqué ;

Considérant que l'exécution de l'avis attaqué aurait pour conséquence la réintégration de Mme A ; que les troubles qui en résulteraient dans l'établissement hospitalier, notamment à l'égard des patients, créent en l'espèce une situation d'urgence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON est fondé à demander la suspension de l'avis rendu le 25 avril 2007 par la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête du CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON, l'avis émis le 25 avril 2007 par la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière est suspendu.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON et par Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER GEORGES CLAUDINON, au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports et à Mme Pascale A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 jui. 2007, n° 305923
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 09/07/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 305923
Numéro NOR : CETATEXT000018007000 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-07-09;305923 ?
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