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10/07/2007 | FRANCE | N°295952

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 10 juillet 2007, 295952


Vu le recours enregistré le 28 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de l'arrêt du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Lyon qui a rejeté son recours qui tendait à l'annulation de l'article 1er du jugement en date du 1er février 2001 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. D

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Vu le recours enregistré le 28 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de l'arrêt du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Lyon qui a rejeté son recours qui tendait à l'annulation de l'article 1er du jugement en date du 1er février 2001 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. Didier A a été assujetti au titre des années 1991 et 1992 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler l'article 1er du dispositif du jugement du tribunal administratif de Grenoble et de rétablir M. A aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 1991 et 1992 à concurrence des sommes dont la décharge a été prononcée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A détient 14 % des parts de la SNC Outre-mer Sailing, créée en 1991, dont le siège social est situé à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et qui a pour objet l'acquisition et l'exploitation de navires de plaisance destinés à la location touristique ; que cette société a acquis, par crédit-bail consenti par la SA Unimer/Unicar le 29 octobre 1991 un bateau de type Feeling 446 dénommé Le Napolitain pour un montant de 1 792 047 F ; que par contrat de commercialisation de location, en date du 12 novembre 1991, la SNC Outre-mer Sailing a confié l'exploitation du navire à la société Yachting Caraïbes devenue ultérieurement la société Jet Sea ; que l'administration, à l'issue de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SNC Outre-mer Sailing au titre des exercices clos en 1991 et 1992, a remis en cause, au titre de l'année 1991 la déduction du montant total de l'investissement ainsi réalisé et opéré sur le fondement des dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts et, au titre des années 1991 et 1992 la déduction des charges d'exploitation dudit navire que la société avait déclaré au titre des mêmes années ; que les redressements résultant de ces rectifications ont été notifiés à M. et Mme A à hauteur des parts détenues par M. A dans le capital de la SNC Outre-mer Sailing dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui a rejeté son recours qui tendait à l'annulation de l'article 1er du jugement en date du 1er février 2001 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. A a été assujetti au titre des années 1991 et 1992 ainsi que des pénalités y afférentes ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 238 bis HA du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, et de La Réunion à l'occasion de la création ou de l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues aux articles 156-I et 209-I ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies A de l'annexe III au même code : Les investissements productifs que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables en vertu de l'article 238 bis HA-I du code général des impôts s'entendent des acquisitions ou créations d'immobilisations neuves, amortissables, affectées aux opérations professionnelles des établissements exploités dans les départements d'outre-mer et appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat ; qu'enfin, aux termes de l'article 46 quaterdecies D de son annexe III : La déduction est pratiquée par l'entreprise propriétaire. Elle est opérée sur les résultats imposables... de l'exercice au cours duquel l'immobilisation a été livrée à l'entreprise ou créée par elle... ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur du droit à déduction du montant total des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué, soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, et de La Réunion ;

Considérant qu'en décidant que la circonstance que le navire Le Napolitain n'avait été mis à la disposition effective de la société Jet Sea qu'en 1992, et n'était parvenu qu'au cours de cette année sur son lieu d'exploitation en Guadeloupe, était sans incidence sur le droit pour la SNC Outre-mer Sailing, de pratiquer au titre de l'année 1991, date de l'acquisition du navire, la déduction du montant total de l'investissement réalisé en 1991, sans rechercher si le droit à déduction ne pouvait naître qu'à la date de la livraison du navire en Guadeloupe, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit au regard des dispositions précitées du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des écritures du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE présentées devant la cour administrative d'appel que celui-ci avait expressément soutenu que les charges déduites par la SNC Outre-mer-Sailing avaient été à bon droit réintégrées dans les résultats de cette dernière dès lors que le navire ne pouvait être regardé, selon lui, comme ayant fait l'objet d'une exploitation commerciale au titre des années 1991 et 1992 ; que, dès lors, en jugeant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ne faisait valoir aucun moyen en ce qui concerne ce chef de redressement afférent à la déduction de ces charges d'exploitation, la cour administrative d'appel a dénaturé les écritures du ministre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt attaqué tant en ce qui concerne la déduction de l'investissement de l'année 1991 que les charges déduites au titre des années 1991 et 1992 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en appel par M. A :

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel dans le délai d'appel de deux mois qui commence à courir à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que ces dispositions tiennent compte des nécessités particulières du fonctionnement de l'administration fiscale qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables, et justifient le délai complémentaire de deux mois accordé au ministre, délai dont les contribuables peuvent d'ailleurs, en provoquant eux-mêmes la signification du jugement au ministre, réduire la durée ; que lesdites dispositions ne confèrent pas au ministre, contrairement à ce que soutient M. A, un privilège qui serait de nature à porter atteinte au principe d'égalité ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur la déduction de l'investissement :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que dès lors que le navire Le Napolitain n'a été mis à la disposition effective de la société Jet Sea qu'en 1992, la SNC Outre-mer Sailing n'était pas en droit de pratiquer la déduction du montant total de l'investissement réalisé en 1991 au titre de cette même année ;

Sur la déduction des charges d'exploitation :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le navire Le Napolitain n'a quitté les Sables d'Olonnes, son lieu de construction que le 22 janvier 1992 pour arriver à Pointe-à-Pitre le 25 février 1992 ; qu'il a été francisé le 14 avril 1992 ; que, dans ces conditions, faute d'avoir fait l'objet d'une exploitation commerciale en 1991, la SNC Outre-mer Sailing n'était pas fondée à déduire au titre de l'année 1991 les charges d'exploitation dudit navire ;

Considérant, en second lieu, en revanche, qu'au titre de l'année 1992, M. A produit, outre un contrat de commercialisation de location du navire en cause conclu entre la SNC Outre-mer Sailing et la société Jet Sea en 1991, la copie de deux chèques d'un montant de 22 772 F émis par la société Yachting Caraïbes au bénéfice de la SNC Outre-mer Sailing en 1992 dont il soutient, sans être contesté, qu'ils correspondent à des revenus tirés de locations consenties à des tiers par la société Yachting Caraïbes au cours de l'année 1992 ; que dans ces conditions M. A, contrairement à ce que soutient LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE était en droit de déduire, au titre de l'année 1992 les charges d'exploitation dudit navire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel M. A a été assujetti au titre de l'année 1991 et à demander que M. A soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1991 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros que M. A demande au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative de Lyon du 8 juin 2006 est annulé.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2001 est annulé en tant qu'il a accordé à M. A la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1991 ;

Article 3 : M. A est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à M. Didier A.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 295952
Date de la décision : 10/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2007, n° 295952
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP VUITTON, VUITTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:295952.20070710
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