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13/07/2007 | FRANCE | N°287364

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 13 juillet 2007, 287364


Vu, enregistrés le 22 novembre 2005 et le 22 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. et Mme Albert A demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 septembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a rejeté leur requête tendant à la réformation du jugement du 20 novembre 2002 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il ne les avait pas entièrement déchargé du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujetti

s au titre de 1989 et, d'autre part, sur l'appel incident du ministre de ...

Vu, enregistrés le 22 novembre 2005 et le 22 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. et Mme Albert A demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 septembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a rejeté leur requête tendant à la réformation du jugement du 20 novembre 2002 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il ne les avait pas entièrement déchargé du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de 1989 et, d'autre part, sur l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les a rétablis au rôle de cet impôt au titre de 1989 à raison des droits dont le tribunal administratif les avait déchargés ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Courtial, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont acquis le 13 mai 1987, à l'aide d'un prêt consenti par la banque La Hénin et remboursable en un versement unique à l'expiration d'un délai de douze mois, la totalité des actions de la société anonyme Résidence Damrémont, dans le cadre de laquelle ils ont exploité une maison de retraite ; que cette société a été transformée le 1er janvier 1989 en société à responsabilité limitée et a opté, à compter de cette date, pour le régime fiscal des sociétés de personnes ; que M. et Mme A, qui n'avaient pas encore remboursé le prêt susmentionné, ont contracté successivement, le 13 avril 1989, un deuxième emprunt auprès de la Caisse foncière de crédit pour rembourser le premier puis, le 5 septembre 1989, un troisième emprunt auprès de la banque UCINA pour rembourser le précédent ; que, pour le calcul de leurs revenus imposables de l'année 1989, M. et Mme A ont déduit de leur quote-part des bénéfices commerciaux réalisés par la SARL Résidence Damrémont en 1989, le montant des intérêts afférents aux trois emprunts qu'ils avaient supportés au cours de cette même année ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 151 nonies du code général des impôts : Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38, 72 et 93 comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession ;

Considérant en premier lieu que, à compter du 1er janvier 1989, date à laquelle M. et Mme A ont exercé leur activité professionnelle d'exploitant de maison de retraite, les actions de la société anonyme qu'ils avaient acquises en 1987 étaient devenues des parts d'une société de personnes dans le cadre de laquelle ils exerçaient leur activité professionnelle, dont les résultats étaient soumis en leur nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, et par suite constituaient des éléments de l'actif affectés à l'exercice de la profession ; que les intérêts de l'emprunt contracté antérieurement pour financer l'acquisition de ces titres devaient, par suite, en application des dispositions précitées, être regardés, en tant qu'ils avaient couru après le 1er janvier 1989, comme des frais supportés en vue de l'acquisition d'éléments de l'actif professionnel ; que la cour a donc commis une erreur de droit en jugeant, contrairement au tribunal administratif dont elle a censuré le jugement sur ce point, que M. et Mme A ne pouvaient déduire ces intérêts ;

Considérant, en second lieu, que la cour administrative d'appel a jugé que les deux emprunts contractés par M. et Mme A en 1989 ne pouvaient être regardés comme ayant été souscrits pour l'acquisition directe des titres de la société Damrémont ; que, toutefois, il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour avait auparavant constaté que ces emprunts avaient pour seul objet de rembourser la dette contractée en 1987 ; que la cour a commis une erreur de droit en ne déduisant pas de ce constat, qui impliquait que les deuxième et troisième emprunts avaient successivement été substitués au premier en vue de faire face aux obligations que les contribuables avaient contractées pour financer un achat unique de titres, que les intérêts courus en 1989 au titre de ces deux emprunts avaient, comme ceux afférents au premier, été exposés en vue de cet achat, et que leur déductibilité étaient autorisée par les dispositions précitées de l'article 151 nonies du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner leurs autres moyens, M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur l'appel incident du ministre :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier d'une lettre adressée aux requérants par la banque La Hénin et produite au dossier, que le délai de remboursement du prêt que cette banque leur avait consenti en 1987 pour l'acquisition des titres de capital de la société anonyme Résidence Damrémont et dont les intérêts devaient échoir à la date de remboursement, a été prorogé jusqu'au 10 avril 1989 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui se borne à alléguer que le remboursement du capital et le paiement des intérêts aurait dû intervenir en 1988, n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a jugé que les intérêts afférents à ce prêt, courus à compter du 1er janvier 1989, étaient déductibles des bénéfices commerciaux déclarés par M et Mme BERTHIER à raison de leurs droits dans la sarl Résidence Damrémont ; que, par suite, le recours incident du ministre doit être rejeté ;

Sur l'appel principal :

Considérant que M. et Mme A ont contracté auprès de la Caisse foncière de crédit un emprunt pour faire face à l'échéance de remboursement de celui qu'ils avaient contracté auprès de la banque La Hénin et dans l'attente de trouver une autre solution de financement qu'a représenté, ultérieurement, le troisième emprunt contracté auprès de banque UCINA ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que, dès lors que les deuxième et troisième emprunts avaient été souscrits pour financer l'achat des titres de la société Résidence Damrémont, les intérêts afférents à ces emprunts pouvaient être admis en déduction du profit litigieux ; qu'il en résulte que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté sur ce point leur conclusions tendant à la décharge de l'imposition contestée ;

Sur les conclusions de M. et Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. et Mme A d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 19 septembre 2005 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le recours incident que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a présenté à la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 3 : M. et Mme A sont déchargés du surplus, restant à leur charge, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1989.

Article 4 : Le jugement du 20 novembre 2002 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 287364
Date de la décision : 13/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - CHARGES DÉDUCTIBLES - CHARGES FINANCIÈRES - TRANSFORMATION D'UNE SA EN SARL OPTANT POUR LE RÉGIME DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES - DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS DES EMPRUNTS CONTRACTÉS POUR L'ACQUISITION DES PARTS DE LA SOCIÉTÉ - EXISTENCE.

19-04-01-02-03-04 Les actions d'une société anonyme acquise par le biais d'un emprunt étant devenues, à la suite de la transformation de la société anonyme en société à responsabilité limitée, des parts d'une société de personnes dans laquelle la personne ayant souscrit l'emprunt exerce son activité professionnelle et dont les résultats sont soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux constituent, en vertu des disposition du I de l'art. 151 nonies du code général des impôts, des éléments de l'actif affectés à l'exercice de la profession. Les intérêts de l'emprunt contracté pour financer l'acquisition de ces titres doivent par suite être regardés, en tant qu'ils ont couru à partir de cet événement, comme des frais supportés en vue de l'acquisition d'éléments de l'actif professionnel et peuvent, à ce titre, être déduits des bénéfices industriels et commerciaux de l'intéressé. Il en va de même des intérêts des emprunts contractés ultérieurement pour rembourser le précédent.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - CHARGES FINANCIÈRES - TRANSFORMATION D'UNE SA EN SARL OPTANT POUR LE RÉGIME DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES - DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS DES EMPRUNTS CONTRACTÉS POUR L'ACQUISITION DES PARTS DE LA SOCIÉTÉ - EXISTENCE.

19-04-02-01-04-081 Les actions d'une société anonyme acquise par le biais d'un emprunt étant devenues, à la suite de la transformation de la société anonyme en société à responsabilité limitée, des parts d'une société de personnes dans laquelle la personne ayant souscrit l'emprunt exerce son activité professionnelle et dont les résultats sont soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux constituent, en vertu des disposition du I de l'art. 151 nonies du code général des impôts, des éléments de l'actif affectés à l'exercice de la profession. Les intérêts de l'emprunt contracté pour financer l'acquisition de ces titres doivent par suite être regardés, en tant qu'ils ont couru à partir de cet événement, comme des frais supportés en vue de l'acquisition d'éléments de l'actif professionnel et peuvent, à ce titre, être déduits des bénéfices industriels et commerciaux de l'intéressé. Il en va de même des intérêts des emprunts contractés ultérieurement pour rembourser le précédent.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2007, n° 287364
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Jean Courtial
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:287364.20070713
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