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13/07/2007 | FRANCE | N°306818

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 juillet 2007, 306818


Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Kagbe A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 24 avril 2007 par laquelle l'ambassadeur de France en Guinée lui a refusé la délivrance d'un passeport français et d'une carte nationale d'identité au bénéfice de son fils M. Moussa A ;

2°) d'enjoindre à l'ambassadeur de France en Guinée de délivrer à M

. Moussa A un passeport et une carte nationale d'identité, ou tout au moins de rée...

Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Kagbe A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 24 avril 2007 par laquelle l'ambassadeur de France en Guinée lui a refusé la délivrance d'un passeport français et d'une carte nationale d'identité au bénéfice de son fils M. Moussa A ;

2°) d'enjoindre à l'ambassadeur de France en Guinée de délivrer à M. Moussa A un passeport et une carte nationale d'identité, ou tout au moins de réexaminer la demande dans un délai de huit jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est satisfaite ; que son fils doit être scolarisé l'année prochaine en France ; qu'elle est la seule à être titulaire de l'autorité parentale ; que son fils n'a plus aucune attache familiale pour être pris en charge en Guinée ; que l'ambassadeur de France à Conakry ne justifie pas d'une délégation de signature régulière pour prendre la décision du 24 avril 2007 relative à la transcription de l'acte d'état civil de M. A ; que cette décision est entachée d'un défaut de motivation ; que l'autorité consulaire ne pouvait pas refuser de délivrer le passeport et la carte nationale d'identité de M. A alors même que sa nationalité française , sa filiation et son état civil ont été établis par un jugement du tribunal de grande instance de Créteil rendu le 31 octobre 2006 et devenu définitif ; que ce refus méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il porte une atteinte grave et disproportionnée au droit à la vie privée et familiale de Mme A en pérennisant sa séparation à l'égard de son fils ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2007, présenté par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'urgence n'est pas caractérisée dès lors que Mme A aurait pu demander que l'acte de naissance de son fils M. Moussa A soit dressé ou transcrit par un officier d'état civil français; qu'aucun élément dans la requête ne justifie le fait que la présence en France de son fils avant fin juin 2007 soit « impérative sous peine de mettre en péril son avenir scolaire et professionnel » selon les termes de l'attestation du 25 mai 2007 de l'assistante sociale à Vitry-sur-Seine ; qu'elle ne produit aucune copie de contrat de travail ou de décision d'affectation justifiant la réalité du départ de Conakry à l'été 2007 de son frère, M. Issaiaka A ; qu'elle ne peut se prévaloir de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité d'une décision de l'administration dès lors que le consul adjoint, Mme Véronique B, dispose d'une délégation de signature en matière d'état civil, de visas et pour signer le courrier au titre de sa fonction de chef chancelier ; qu'elle n'a fourni aucune copie intégrale de l'acte de naissance de son fils ; que la présentation d'un jugement de tribunal de grande instance français établissant la nationalité par filiation du demandeur ne peut suffire pour justifier son état civil ; que la lettre du 24 avril, se bornant à informer l'intéressée d'une demande de levée d'acte, ne saurait constituer une décision de rejet, sachant qu'un rejet implicite n'interviendra qu'à l'expiration d'un délai de huit mois en vertu de l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 juillet 2007, présenté par Mme A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la délégation de signature ne concerne pas la délivrance de passeports ou de cartes d'identité ; qu'aucun texte ni aucune disposition légale ne prévoit l'obligation de transcrire un acte d'état civil sur les registres consulaires ; qu'elle a fourni un extrait d'acte de naissance de M. Moussa A ; que l'ambassade ne lui a jamais opposé le caractère incomplet de son dossier ; que l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 n'est pas applicable ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part Mme A et d'autre part, le ministre des affaires étrangères et européennes ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du lundi 9 juillet 2007 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Boullez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

- Mme A ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères et européennes ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2007, présenté par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui précise que Mme A a produit en 2003 un extrait d'acte de naissance de M. Moussa A, mais n'a jamais produit une copie intégrale de cet acte ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 juillet 2007, présenté par Mme A, qui précise qu'elle a produit un extrait d'acte de naissance et le jugement du 31 octobre 2006 ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2007, présenté par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui précise que la demande du 2 février 2007 n'était pas accompagnée de l'extrait d'acte de naissance légalisé par les autorités guinéennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;

Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 ;

Vu le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Sur les conclusions aux fins de suspension :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que par jugement du 31 octobre 2006, devenu définitif, le tribunal de grande instance de Créteil, au vu d'un acte de naissance de M. Moussa A légalisé par le consul de Guinée en France, a constaté que l'intéressé est français par filiation, sa mère, Mme Kagbe A, étant de nationalité française, et a ordonné les mentions prévues à l'article 28 du code civil ; que par lettre du 2 février 2007, reçue le 13 mars 2007, Mme A a sollicité de l'ambassadeur de France en Guinée la délivrance d'un passeport et d'une carte nationale d'identité pour son fils Moussa, en joignant copie de ce jugement ; que par lettre du 24 avril 2007, le consul adjoint de la section consulaire a indiqué à Mme A que la délivrance des documents demandés était subordonnée à une procédure de levée d'acte auprès des autorités guinéennes ;

Considérant qu'eu égard à la portée du jugement du 31 octobre 2006 quant à la nationalité et la filiation de M. Moussa A, et à la circonstance que l'ambassade de France en Guinée n'a pas opposé à Mme A, dans la lettre du 24 avril 2007, le caractère éventuellement incomplet des pièces jointes à sa demande, le moyen tiré de ce que cette lettre, en opposant à l'intéressée une exigence de levée d'acte malgré le jugement du tribunal de grande instance, constitue une décision de rejet contraire à la chose jugée par ce tribunal, paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;

Considérant, par ailleurs, que le refus de délivrance d'un passeport a pour conséquence de maintenir M. Moussa A, âgé de quatorze ans, éloigné de sa mère qui réside et travaille en France et d'entraver sa liberté d'aller et venir ; que le ministre n'est pas fondé à opposer à Mme A, qui a quitté la Guinée en 1999 et a demandé par erreur, et en vain, un visa pour son fils en 2003, que la situation d'urgence résulterait de son fait ; qu'ainsi la condition d'urgence est satisfaite et Mme A est fondée à demander la suspension de la décision de refus exprimée par la lettre du 24 avril 2007 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que si Mme A demande à titre principal qu'il soit enjoint à l'administration de délivrer à son fils un passeport et une carte nationale d'identité, l'exécution de cette injonction aurait des effets identiques à ceux de la mesure d'exécution que l'administration serait tenue de prendre, le cas échéant, en cas d'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus ; qu'il n'appartient pas, dès lors, au juge des référés de prononcer une telle injonction mais seulement d'ordonner à l'administration, comme il est demandé à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par Mme A, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision de refus de passeport et de carte nationale d'identité exprimée par la lettre du consul adjoint de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée en date du 24 avril 2007 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères et européennes de réexaminer la demande présentée par Mme A dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A et au ministre des affaires étrangères et européennes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 306818
Date de la décision : 13/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2007, n° 306818
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:306818.20070713
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