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20/07/2007 | FRANCE | N°269783

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 20 juillet 2007, 269783


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 12 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 mai 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 24 février 2000 accordant au requérant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le

revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1992, 1993 et...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 12 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 mai 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 24 février 2000 accordant au requérant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1992, 1993 et 1994 et a rétabli les impositions litigieuses ;

2°) statuant au fond, de rejeter l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Guy A,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. AA est associé de la société civile d'exploitation (SCE) Château Laroze qui exploite le domaine du même nom en vertu d'un bail à ferme consenti par le GFA Laroze ; que la SCE a fait l'objet en 1995 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 1991 au 31 août 1994 ; que l'administration fiscale a estimé que le montant des fermages devait être incorporé à la valeur des stocks ; qu'elle a en conséquence rehaussé la valeur des stocks en incorporant, d'une part, au prix de revient de la récolte précédente 2/12e du fermage correspondant à l'exploitation des terres et, d'autre part, au prix de revient de la récolte à venir 10/12e du même fermage ;

Considérant que le requérant a soutenu devant les juges du fond que l'administration avait méconnu l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts en réintégrant des fermages qui ne pouvaient être relatifs à la récolte en cours mais étaient relatifs à des récoltes antérieures ; que la cour administrative d'appel n'a pas répondu à ce moyen ; que le requérant est dès lors fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il l'a rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1992, 1993 et 1994 ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article 72 du code général des impôts : « I. (...) le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales, conformément à toutes les dispositions législatives et à leurs textes d'application, sans restriction ni réserve notamment de vocabulaire, applicables aux industriels ou commerçants ayant opté pour le régime réel mais avec des règles et modalités adaptées aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole, et de leur incidence sur la gestion (...) » ; qu'aux termes du 3 de l'article 38 du même code : (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. / Les travaux en cours sont évalués au prix de revient » ; qu'aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : « Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient. / Le coût de revient est constitué : / (...) Pour les produits intermédiaires, les produits finis, les emballages commerciaux fabriqués et les productions en cours, par le coût d'achat des matières et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers. / Ces coûts sont fournis par la comptabilité analytique ou, à défaut, déterminés par des calculs ou évaluations statistiques » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, applicables en matière de bénéfices agricoles, que la part de fermage due à raison de l'exploitation des terres, qui ne revêt pas le caractère de frais financiers au sens de l'article 38 nonies précité, doit être regardée comme une charge indirecte de production engagée pour les besoins de l'exploitation ; que dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les fermages n'étaient pas au nombre des charges directes ou indirectes de production au sens des dispositions précitées ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. AA ;

Considérant que la notification de redressements adressée au contribuable était suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts que les charges à prendre en compte dans le coût de revient doivent se rattacher directement ou indirectement à la production ; que si le requérant soutient que l'administration ne connaissait pas le fermage se rapportant à la récolte à venir, cette circonstance ne fait pas obstacle à la prise en compte d'une estimation sur la base du fermage de l'exercice précédent ; que pour le montant de cette estimation, il résulte de l'instruction que l'administration s'est bornée à reprendre le montant des charges que la SCE avait inscrites à ce titre en comptabilité ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l'administration aurait à tort appliqué la règle de l'intangibilité du bilan du premier exercice non prescrit n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que si le requérant soutient, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que l'instruction du 5 février 1985 et la documentation administrative 5E-3222 excluent les fermages des frais constitutifs des avances aux cultures, ces documents ne donnent pas, s'agissant de l'application en matière agricole de l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts, des charges directes et indirectes de production une interprétation différente de la loi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander la décharge des impositions qui restent en litige ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. AA au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 10 mai 2004 de la cour administrative d'appel de Bordeaux sont annulés.

Article 2 : M. A est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu à concurrence de 4 273 euros en droits et 961 euros en intérêts de retard au titre de l'année 1992 et à raison de l'intégralité des droits et pénalités dont le tribunal administratif a accordé la décharge au titre des années 1993 et 1994.

Article 3 : Le jugement du 24 février 2000 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire aux dispositions de l'article 2.

Article 4 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Guy A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 269783
Date de la décision : 20/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2007, n° 269783
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Yves Salesse
Rapporteur public ?: Mme Landais
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:269783.20070720
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