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26/07/2007 | FRANCE | N°293627

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26 juillet 2007, 293627


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai 2006 et 6 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GLOBAL GESTION, dont le siège est 15 bis rue de Marignan à Paris (75008) ; la SOCIETE GLOBAL GESTION demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler la décision en date du 6 avril 2006 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 150 000 euros, avec publication de la décision au Bulletin des annonces légales ob

ligatoires ainsi que sur le site « internet » et dans la revue mensuelle...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai 2006 et 6 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GLOBAL GESTION, dont le siège est 15 bis rue de Marignan à Paris (75008) ; la SOCIETE GLOBAL GESTION demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler la décision en date du 6 avril 2006 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 150 000 euros, avec publication de la décision au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site « internet » et dans la revue mensuelle de l'Autorité des marchés financiers ;

2° de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2007, présentée pour l'Autorité des marchés financiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret n° 2003-1109 du 21 novembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lesourd, avocat de la SOCIÉTÉ GLOBAL GESTION et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'Autorité des marchés financiers,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par la décision attaquée, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a infligé à la SOCIETE GLOBAL GESTION un blâme et une sanction pécuniaire de 150 000 euros ; qu'elle a également décidé que sa décision serait publiée au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site « internet » et dans la revue mensuelle de l'Autorité des marchés financiers ;

Considérant que, quand elle est saisie d'agissements pouvant donner lieu aux sanctions antérieurement prévues par les articles L. 622-16 et L. 622-17 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers doit être regardée comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du fait que sa décision peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat, la circonstance que la procédure suivie devant elle ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l'article 6, § 1, de la convention européenne n'est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ; que, cependant, le moyen tiré de ce qu'elle aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d'impartialité rappelé à l'article 6, § 1, de la convention européenne peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'Etat à l'encontre de sa décision ;

Considérant que l'attribution par la loi à une autorité administrative du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d'en assurer elle-même le respect, par l'exercice d'un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences rappelées par l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'impartialité de la décision ;

Considérant, en tout état de cause, que le pouvoir réglementaire est exercé, au sein de l'Autorité des marchés financiers, par un collège, tandis que le pouvoir de sanction est exercé par une commission des sanctions ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, les fonctions de membre de la commission des sanctions sont incompatibles avec celles de membre du collège ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la commission des sanctions ne pouvait, sans méconnaître le principe d'impartialité, prononcer une sanction à l'encontre de la SOCIETE GLOBAL GESTION, qui, s'il était fondé, ferait obstacle à ce qu'après l'annulation de sa décision, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers reprenne les poursuites, ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qui est soutenu, la notification des griefs ne tient pas pour établis les faits reprochés à la SOCIETE GLOBAL GESTION ; que la signature de cette notification par le président de la commission spécialisée de l'Autorité des marchés financiers, organe au demeurant distinct de la commission des sanctions, n'est pas incompatible avec les exigences de l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la notification de griefs qui, s'ils étaient fondés, feraient obstacle à ce qu'après l'annulation de sa décision, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers reprenne les poursuites à l'encontre de la SOCIETE GLOBAL GESTION, sans avoir, au préalable, sous réserve des règles de prescription, engagé une nouvelle procédure, ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, toutefois, qu'il est soutenu que le principe d'impartialité aurait été méconnu en raison des fonctions exercées, au sein de la société de bourse Exane, concurrente de la société Global Equities auprès de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, par le rapporteur désigné pour instruire cette affaire devant la commission des sanctions, et que la procédure serait viciée de ce chef ;

Considérant qu'en vertu des articles 19 et 20 du décret du 21 novembre 2003 relatif à l'Autorité des marchés financiers, désormais codifiés aux articles R. 621-39 et R. 621-40 du code monétaire et financier, le rapporteur procède à toutes diligences utiles, entend la personne mise en cause, ainsi que toute personne dont l'audition lui paraît utile, peut proposer au collège de compléter les griefs et consigne par écrit le résultat de ces opérations dans un rapport ; qu'il lui revient de présenter l'affaire lors de la séance au cours de laquelle la personne mise en cause est convoquée devant la commission des sanctions ; qu'ainsi, alors même que le rapporteur n'a pas voix délibérative, le moyen tiré de ce que le principe d'impartialité s'opposait à ce qu'il exerçât de telles fonctions est de nature, s'il se révèle fondé, à entraîner l'annulation de la décision prononcée par la commission des sanctions ;

Considérant que la SOCIETE GLOBAL GESTION, qui gérait un fonds commun de placement dont la Caisse de retraite du personnel navigant était le seul souscripteur, avait recours à titre quasi-exclusif, pour la passation de ses ordres de bourse, à la société Global Equities ; qu'elle a été sanctionnée, d'une part, pour ne pas avoir pris de dispositions de mise en concurrence en vue de retenir le meilleur intermédiaire et, d'autre part, pour ne pas avoir mis en place des mécanismes de contrôle interne lui permettant de contrôler les cours auxquels la société Global Equities exécutait ses ordres ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le membre de la commission des sanctions qui a été désigné comme rapporteur de l'affaire a exercé les fonctions d'administrateur de la société Exane jusqu'au 7 juin 2000 ; qu'il a ensuite été nommé, à compter d'avril 2001, conseiller du président d'Exane et parallèlement, à partir d'avril 2003, administrateur de la société Exane Finance, société filiale à 100 % de la société Exane ; qu'à l'époque des faits reprochés à la société Global Equities, soit durant la période 1999-2001, la société Exane était l'un des principaux concurrents de la société Global Equities pour la passation des ordres de bourse de la Caisse de retraite du personnel navigant et que cette situation ressort clairement de plusieurs documents versés au dossier soumis à la commission des sanctions ; qu'alors même que les transactions conclues pour le compte de la Caisse de retraite du personnel navigant ne représentaient qu'une part très minime du chiffre d'affaires de la société Exane et que la concurrence entre cette société et la société Global Equities sur les activités de la Caisse avait cessé en 2004, à la date de désignation du rapporteur de la commission des sanctions, une telle situation faisait obstacle à ce que l'intéressé exerçât de telles fonctions ; qu'aucune disposition ne permettait à la SOCIETE GLOBAL GESTION de récuser le rapporteur de la commission des sanctions, qui n'est pas une juridiction ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité doit être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE GLOBAL GESTION est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement à la SOCIETE GLOBAL GESTION d'une somme de 3000 euros ; que ces dispositions font obstacle ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'Autorité des marchés financiers ;

D E C I D E :

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Article 1er : La sanction prononcée à l'encontre de la SOCIETE GLOBAL GESTION le 6 avril 2006 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est annulée.

Article 2 : L'Autorité des marchés financiers versera à la SOCIETE GLOBAL GESTION une somme de 3 000 euros.

Article 3 : Les conclusions de l'Autorité des marchés financiers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GLOBAL GESTION, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 293627
Date de la décision : 26/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2007, n° 293627
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP LESOURD ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:293627.20070726
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