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05/09/2007 | FRANCE | N°291506

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 05 septembre 2007, 291506


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 20 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yann A, demeurant Le Creux... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2006 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 juin 2005 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes a rejeté sa demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 2 septembre 2005, en qua

lité de père de trois enfants et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoi...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 20 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yann A, demeurant Le Creux... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2006 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 juin 2005 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes a rejeté sa demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 2 septembre 2005, en qualité de père de trois enfants et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ou l'un à défaut de l'autre, au titre de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de le faire bénéficier de la jouissance immédiate de la pension civile de retraite demandée à compter du 2 septembre 2005 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du recteur de l'académie de Rennes du 7 juin 2005 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté européenne, notamment son article 141 ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, notamment l'article 136 ;

Vu le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Charlotte Avril, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ouvrier professionnel principal des établissements d'enseignement depuis plus de quinze ans et père de trois enfants, a demandé le 13 mai 2005 à être placé en position de retraite avec jouissance immédiate de sa pension ; qu'il a contesté devant le tribunal administratif de Rennes la décision en date du 7 juin 2005 du recteur de l'académie de Rennes rejetant cette demande ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 19 janvier 2006 par lequel ce même tribunal a rejeté sa demande ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'en omettant de répondre au moyen tiré de ce que les dispositions nouvelles des articles L. 24-I-3° et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne seraient pas conformes au principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes résultant des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, le tribunal administratif de Rennes a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ; qu'il y a lieu, par suite, de l'annuler ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur les moyens tirés de la méconnaissance du droit communautaire :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur./ Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier./ L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que, cependant, le même article précise en son paragraphe 4 que : Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ; qu'eu égard à l'objet du droit, ouvert par la loi, d'entrer en jouissance immédiate de sa pension avant d'avoir atteint l'âge de la retraite, le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il est garanti par l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne n'interdisait pas que la réglementation nationale fixe une durée minimale de deux mois à l'interruption d'activité ouvrant droit à cette entrée en jouissance et prévoie, parmi les positions statutaires donnant droit à son bénéfice, le congé de maternité, alors même que de ce fait et en raison du caractère facultatif des autres congés, pour la plupart non rémunérés et dont certains n'étaient pas encore ouverts aux hommes à la date à laquelle leurs enfants sont nés, le dispositif nouveau bénéficiera principalement aux fonctionnaires de sexe féminin ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

Sur les moyens tirés de la violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que l'incompatibilité de l'application rétroactive des dispositions de l'article 136 de la loi du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005 avec les stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent le droit à un procès équitable ne peut être utilement invoquée que par les fonctionnaires qui, à la date d'entrée en vigueur des dispositions litigieuses, avaient, à la suite d'une décision leur refusant le bénéfice du régime antérieurement applicable, engagé une action contentieuse en vue de contester la légalité de cette décision ; que la demande de M. A ayant été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes après l'entrée en vigueur du décret du 10 mai 2005, M. A n'est pas fondé à se prévaloir de ces stipulations ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Rennes en date du 7 juin 2005 rejetant sa demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 janvier 2006 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Yann A et au ministre de l'éducation nationale.

Une copie pour information sera transmise au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 291506
Date de la décision : 05/09/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 05 sep. 2007, n° 291506
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Pinault
Rapporteur ?: Mme Charlotte Avril
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:291506.20070905
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