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10/10/2007 | FRANCE | N°309286

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 octobre 2007, 309286


Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE, dont le siège est situé Pôle associatif Paul Langevin, 2 rue Alphonse Daudet, Chalon-sur-Saône (71100) ; l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution du décret du 24 juillet 2007 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de constructio

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Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE, dont le siège est situé Pôle associatif Paul Langevin, 2 rue Alphonse Daudet, Chalon-sur-Saône (71100) ; l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution du décret du 24 juillet 2007 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de l'autoroute A 406, contournement sud de Mâcon, entre la RN 79 à Varennes-lès-Mâcon et l'autoroute A 40 à Replonges, et du barreau routier entre la RD 1079 (diffuseur de Replonges) et la RD 933 (demi-diffuseur A 406), sur le territoire des communes de Crottet, Grièges, Replonges et Saint-André-de-Bâgé dans le département de l'Ain, et Mâcon et Varennes-lès-Mâcon dans le département de Saône-et-Loire, et portant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Crottet, Grièges, Replonges et Saint-André-de-Bâgé dans le département de l'Ain, et des communes de Mâcon et Varennes-lès-Mâcon dans le département de Saône-et-Loire ;

elle soutient que l'urgence résulte de ce que la déclaration d'utilité publique rend possible la mise en oeuvre des procédures et par suite le début imminent de travaux déclarés urgents par le décret lui-même, et ayant pour conséquence la destruction irréversible d'une population protégée de Râles des genêts au bord de l'extinction et de son habitat ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ; qu'en effet, en premier lieu, la déclaration d'utilité publique n'a pas respecté les formalités obligatoires d'information et d'obtention d'avis de la commission européenne ainsi que de motivation prévues, d'une part, à l'article 6 §3 et §4 de la directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et, d'autre part, aux article L. 414-4 et suivants du code de l'environnement ; qu'en second lieu, l'étude d'impact réalisée est insuffisante s'agissant des effets des travaux sur la population de râles des genêts ; qu'en effet elle occulte un secteur décisif et comporte une contradiction ; qu'en troisième lieu, l'équipement autoroutier autorisé est dépourvu d'utilité publique, compte tenu de ses conséquences environnementales, de son coût et du fait qu'un contournement autoroutier existe déjà ; qu'en dernier lieu, la déclaration d'utilité publique constitue une violation de l'article 6 de la Charte de l'environnement, dès lors que l'exigence de conciliation entre la protection de l'environnement et le développement économique et social n'a pas été satisfaite ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu le recours en annulation pour excès de pouvoir formé contre le décret contesté ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2007, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association requérante d'une somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l'urgence à suspendre le décret contesté n'est pas caractérisée, dès lors que l'intérêt défendu par la requérante n'est menacé de manière ni grave ni immédiate ; qu'en effet, d'une part, les travaux déclarés d'utilité publique ne pourront commencer qu'après la fin du premier trimestre 2008 et n'ont donc aucun caractère imminent ; que la mise en service de l'ouvrage est prévue pour 2010 ; que le projet contourne les sites « Natura 2000 » ; que, d'autre part, ces travaux n'auront qu'un impact très faible sur l'habitat et la reproduction des râles des genêts ; que d'importantes mesures de reconstitution sont prévues ; qu'enfin, l'intérêt public en cause prévaut sur l'intérêt privé allégué qui n'est pas gravement menacé ; que la requérante n'invoque aucun moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité du décret contesté ; qu'en effet, l'article L. 414-4 du code de l'environnement et l'article 6 de la directive du 21 mai 1992 ne prévoient l'information et la consultation de la commission européenne qu'en cas de travaux portant atteinte de manière significative à l'état de conservation du site concerné ; que l'étude d'incidences directes et indirectes réalisée conclut que le projet autorisé n'entraîne pas une telle atteinte ; qu'il en résulte qu'aucune de ces dispositions n'a été violée ; que le moyen tiré du défaut de motivation du décret contesté n'est pas d'avantage fondé ; que l'enquête publique et l'étude d'impact réalisées antérieurement à la déclaration d'utilité publique ne souffrent d'aucune lacune substantielle et ne comportent ni approximations, ni contradictions ; qu'il n'existe pas de doute sur l'utilité publique du projet d'aménagement autoroutier, dès lors que les inconvénients mineurs pour l'environnement et l'espèce protégée de râles des genêts ne sont pas excessifs au regard des avantages majeurs et nombreux que présente l'opération ; que le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la Charte de l'environnement est inopérant, dès lors que la méconnaissance des dispositions de ce texte n'est pas directement invocable à l'encontre d'un acte administratif ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 octobre 2007, présenté par l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE ; elle maintient ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ; elle soutient en outre, s'agissant de la condition d'urgence, qu'il y aurait une contradiction flagrante à déclarer la réalisation de travaux urgente et, dans le même temps, à ne pas considérer urgente l'intervention du juge des référés ; que la suspension du décret contesté est nécessaire pour prévenir tout risque de voir la saison de reproduction 2008 des râles des genêts compromise et d'assister à l'enclenchement d'un processus irréversible ; que les conséquences du projet sur la population bourguignonne de cette espèce sont graves et les garanties compensatoires insuffisantes ; que le périmètre des sites Natura 2000 a été fixé en fonction du tracé du projet de contournement autoroutier ; que les termes de l'article 6 de la directive du 21 mai 1992 ne laissent aucun doute sur le caractère obligatoire des mesures d'information et de consultation de la commission européenne ; que les articles L. 414-1 et suivants du code de l'environnement en font une mauvaise transposition et qu'il y a donc lieu de les écarter pour faire application des dispositions de la directive ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 5 octobre 2007, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la circonstance que les travaux soient urgents n'est nullement de nature à établir qu'il y aurait urgence à suspendre le décret contesté ; que l'urgence doit être appréciée par rapport aux intérêts dont se prévaut le requérant ainsi qu'à l'intérêt général ; qu'en l'espèce il y a urgence à désengorger le trafic existant entre Mâcon et l'est de son agglomération ; que le cycle de reproduction du râle des genêts n'est nullement menacé par le projet ; qu'aucun grief pris d'une atteinte à la population de cette espèce ne peut être sérieusement opposé au décret contesté ; que le moyen pris de la contrariété de l'article L. 414-4 du code de l'environnement avec la directive du 21 mai 1992 ne saurait eu égard à l'office du juge des référés être retenu par le juge des référés comme étant propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret, faute de décision juridictionnelle ayant statué en ce sens ; que ce moyen est en tout état de cause dénué de fondement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Charte de l'environnement de 2004 jointe à la Constitution ;

Vu la directive n° 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu l'arrêté du 16 novembre 2001 relatif à la liste des espèces d'oiseaux qui peuvent justifier la désignation de zones de protection spéciale au titre du réseau écologique européen Natura 2000 selon l'article L. 414-1-II (1er alinéa) du code de l'environnement ;

Vu l'arrêté du 6 avril 2006, portant désignation du site Natura 2000 prairies alluviales et milieux associés de Saône-et-Loire (zone de protection spéciale) ;

Vu l'arrêté du 6 avril 2006 portant désignation du site Natura 2000 vallée de la Saône (zone de protection spéciale) ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE et, d'autre part, le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 8 octobre 2007 à 14 heures 30, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Didier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ainsi que les représentants de ce ministre ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l' instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; qu'il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

Considérant que l'autoroute A 406, que le décret du 24 juillet 2007 susvisé a pour objet de déclarer d'utilité publique, est l'une des composantes de la liaison « Centre-Europe-Atlantique » destinée à assurer une liaison tranversale Est-Ouest entre les réseaux autoroutiers de la façade atlantique et ceux du centre de l'Europe ; qu'en outre sa réalisation doit permettre de désengorger tant le trafic local, notamment à Mâcon, que le trafic de grand transit actuellement concentré sur la RD 1079 qui reçoit une moyenne de 23 000 véhicules par jour ; qu'au regard de l'intérêt de cette infrastructure pour le développement des liaisons locales et régionales comme des communications transversales au sein de l'Europe, l'atteinte aux intérêts que l'association s'est donnée pour mission de défendre paraît des plus limitée en l'état de l'instruction dans lequel l'affaire se présente devant le juge du référé ; qu'en effet il ressort des pièces du dossier d'enquête publique préalable, qui n'est entaché ni de contradiction ni d'insuffisance, d'une part, que le projet contourne les zones « Natura 2000 » et, d'autre part, que ses incidences directes et indirectes sur l'état de conservation des habitats et des espèces sont faibles ; qu'en particulier en ce qui concerne le râle des genêts, dont seulement deux couples en 2001 et aucun en 2003 occupaient le secteur traversé, la grande étendue des milieux favorables aux regard des effectifs actuels dans le Val de Saône, la variabilité de sa distribution spatiale, la faiblesse du risque de mortalité par collision avec les véhicules, les précautions de date prises pour la réalisation du chantier hors période de reproduction ainsi que l'engagement du maître de l'ouvrage de compenser l'emprise de ce dernier par la reconstitution d'une superficie de prairies inondables environ cinq fois supérieure, permettent de considérer que les conséquences du projet sur la survie de cette espèce menacée sont dépourvues de caractère significatif ; que dès lors appréciée objectivement et globalement la situation alléguée par l'association requérante ne revêt pas le caractère d'urgence auquel les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonnent la possibilité pour le juge du référé d'ordonner la suspension d'une décision administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander la suspension du décret susvisé du 24 juillet 2007 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'affaire il y a lieu de mettre à la charge de l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE ET LOIRE une somme de 1 000 euros au titre des frais d'avocat exposés par l'Etat et non-compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE est rejetée.

Article 2 : L'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE versera à l'Etat (ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables) une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE et au ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 309286
Date de la décision : 10/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2007, n° 309286
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Serge Daël
Avocat(s) : SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:309286.20071010
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