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26/10/2007 | FRANCE | N°309759

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 26 octobre 2007, 309759


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ... et pour Mme Fatima Zohra B, épouse A demeurant ...; M. A et Mme B demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 9 février 2007 par laquelle le consul de France à Alger (Algérie) a refusé de délivrer à M. A un visa long séjour sollicité en sa qualité de conjoint d'une Française ;

2°) d'enjoindre au m

inistre des affaires étrangères et européennes de délivrer le visa sollicité sous ...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ... et pour Mme Fatima Zohra B, épouse A demeurant ...; M. A et Mme B demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 9 février 2007 par laquelle le consul de France à Alger (Algérie) a refusé de délivrer à M. A un visa long séjour sollicité en sa qualité de conjoint d'une Française ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de délivrer le visa sollicité sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que l'urgence à suspendre la décision attaquée est caractérisée, compte-tenu du délai écoulé depuis la date de leur mariage et le dépôt de la demande de visa ; que la situation de séparation qui en résulte porte atteinte à leur droit à une vie familiale normale ; que la procédure est irrégulière, dès lors que le compte-rendu d'enquête remis au consul général de France à Alger (Algérie) ne leur a pas été communiqué malgré leur demande ; que l'autorité consulaire ne pouvait légalement fonder sa décision sur l'absence de communauté de vie entre les époux ; qu'en effet d'une part, une telle communauté de vie n'est pas envisageable dans la culture musulmane avant le mariage et, d'autre part, elle n'a pas eu le temps d'exister puisque M. A, depuis sa reconduite à la frontière, n'a pas obtenu de titre de séjour lui permettant de vivre en France avec son épouse ; que Mme B, qui a toutes ses attaches en France, n'a pas la possibilité de venir résider en Algérie ; qu'elle s'y est toutefois rendue à plusieurs reprises en 2006 et 2007 ; qu'en outre, elle réside toujours à la même adresse ; qu'ainsi l'absence de communauté de vie ne saurait démontrer le caractère frauduleux de leur union ;

Vu la décision dont la suspension est demandée et la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la requête en annulation présentée à l'encontre de la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2007, présenté par le ministre des affaires étrangères et européennes et tendant au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions de la requête sont irrecevables ; qu'en effet, seule la décision implicite de la commission nationale de recours contre les décisions de refus de visas est attaquable ; qu'en outre, il ne relève pas de la mission du juge des référés de prescrire la délivrance du visa sollicité, cette prescription ayant des effets en tous points identiques à l'annulation de la décision attaquée ; qu'il est produit l'avis motivé du préfet en date du 16 janvier 2007 ; que la décision attaquée n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'un faisceau d'indices précis et concordants fait apparaître que le mariage des requérants a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un visa puis un titre de séjour pour M. A ; qu'en effet, les requérants n'apportent aucun élément probant établissant une relation épistolaire ou téléphonique et qu'il existe des contradictions dans leurs déclarations ; que la justification culturelle à l'absence de vie commune ne saurait être retenue, dès lors que la famille de Mme B ne semble pas ancrée dans la culture musulmane ; que faute d'établir la réalité de leur union matrimoniale, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée a méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la situation de séparation des époux ne saurait satisfaire la condition d'urgence, dès lors que ces derniers ont la possibilité de se rencontrer en Algérie et qu'en tout état de cause, leur union n'est pas sincère ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 octobre 2007, présenté pour M. A et Mme B ; ils persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens ; ils indiquent, en outre, que leur mariage n'ayant fait l'objet d'aucune difficulté devant le tribunal de grande instance de Nantes lors de sa retranscription, leur consentement ne peut être contesté ; qu'il n'est produit aucun document relatif au compte-rendu d'enquête invoqué par la décision attaquée ; que la force probante des courriers électroniques versés aux débats ne peut être remise en cause ; que leur volonté de respecter la loi musulmane est sans rapport avec les pratiques de leurs familles ; que l'existence d'une communauté de vie ne s'apprécie pas au moment de la délivrance du visa mais de la carte de séjour et de la carte de résident ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et Mme B et, d'autre part, le ministre des affaires étrangères et européennes ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du 22 octobre 2007 à 12 heures 30, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères et européennes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » ;

Considérant que la requête de M. et Mme A doit être regardée comme tendant non seulement à la suspension de la décision du consul de France à Alger du 9 février 2007 refusant de délivrer un visa à M. A en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française mais aussi à la suspension de la décision par laquelle la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours préalable porté devant elle par Mme A le 12 février 2007 ; qu'ainsi le ministre des affaires étrangères et européennes n'est pas fondé à soutenir que la requête serait irrecevable comme tendant exclusivement à la suspension de la décision du consul à laquelle s'est substituée la décision implicite de rejet de la commission ; qu'en revanche M. et Mme A ne sont pas recevables à demander la suspension de la décision du consul ;

Sur l'urgence :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A se sont mariés à Nedroma (Algérie) le 27 avril 2006 ; que ce mariage a été transcrit au registre de l'état civil du consulat de France à Oran le 16 juin 2006 ; que la demande de visa de M. A, qui se prévaut de sa qualité de conjoint d'une ressortissante de nationalité française a été présentée le 25 septembre 2006 ; qu'eu égard aux délais écoulés et à l'impossibilité dans laquelle se trouve M. A d'obtenir un titre de séjour pour rejoindre en France son épouse, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite ;

Sur le doute sérieux :

Considérant qu'est propre, en l'état de l'instruction à créer un doute sérieux sur la légalité la décision de la commission des recours contre les décisions de refus de visa - nonobstant les circonstances alléguées par le ministre qui , outre le contexte général, conteste l'authenticité des courriels produits par les requérants et invoque l'absence de communauté de vie avant le mariage comme après ce mariage, qui est intervenu après suspension de la célébration initialement prévue en France puis reconduite à la frontière de M. A - le moyen tiré par les requérants de ce que l'administration n'établit pas de manière certaine que leur mariage a été contracté dans le seul but de permettre à M. A d'entrer et de séjourner en France ; que, par suite, M. et Mme A sont fondés à demander au juge du référé de prononcer la suspension de la décision de la commission de recours rejetant le recours de Mme A ;

Sur l'injonction et l'astreinte :

Considérant que le juge des référés ne saurait ordonner que soient délivré le visa sollicité ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de réexaminer, au regard des motifs de la présente décision, et dans le délai d'un mois à compter de sa notification , la demande de visa ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu en application des dispositions susvisées, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision susvisée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est suspendue.

Article 2: Il est enjoint au ministre des affaires étrangères et européennes de réexaminer dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, au regard de ses motifs, la demande de visa de M. A.

Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A, Mme B épouse A et au ministre des affaires étrangères et européennes.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 oct. 2007, n° 309759
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Serge Daël

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 26/10/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 309759
Numéro NOR : CETATEXT000018007522 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-10-26;309759 ?
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