Vu, l'ordonnance du 6 décembre 2005, enregistrée le 7 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code du justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Bruno A ;
Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 11 mai 2005, la demande présentée par M. Bruno A et le mémoire complémentaire, enregistré le 23 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) de condamner l'université d'Aix-Marseille I à lui verser la somme de 28 727,18 euros, au titre d'heures d'enseignement dispensées par lui et non rémunérées ;
2°) de mettre à la charge de l'université d'Aix-Marseille I la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Barbat, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A et de Me Copper-Royer, avocat de l'université d'Aix-Marseille I,
- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) / 3° Des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3e alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat. ;
Considérant que la requête de M. A, professeur des universités, tend à la perception d'une indemnité à raison de l'absence de paiement d'heures d'enseignement effectuées par lui, pendant les années universitaires 2000-2001 et 2001-2002, à l'université d'Aix-Marseille I ; qu'elle se rattache ainsi à la situation individuelle de M. A au sens des dispositions précitées de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ; qu'il appartient, par suite, au Conseil d'Etat d'en connaître en premier et dernier ressort ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 du décret du 6 juin 1984 portant dispositions statutaires communes aux enseignants-chercheurs et statut particulier du corps des professeurs d'université : Les enseignants chercheurs titulaires peuvent être placés à des fins d'intérêt général en délégation. Ils continuent à percevoir une rémunération et à bénéficier de l'ensemble des droits attachés à la position d'activité ; qu'aux termes de l'article 14 du même décret : La délégation est subordonnée à la conclusion entre l'établissement d'origine et l'institution, l'établissement, l'entreprise ou l'organisme d'accueil, d'une convention qui en fixe et détermine les modalités. Ces modalités peuvent être les suivantes : a) l'enseignant chercheur délégué continue à assurer dans son établissement d'origine le service d'enseignement exigé par son statut ; b) l'enseignant chercheur délégué est remplacé par un ou plusieurs enseignants ou chercheurs qui assurent l'ensemble des services d'enseignement et de recherches du bénéficiaire ; c) une contribution permettant d'assurer le service d'enseignement de l'intéressé est versée au profit de l'établissement d'origine ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a été placé, par arrêtés du 29 janvier 2001 et du 19 mars 2002, en délégation au centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour y exercer les fonctions de chercheur selon les modalités prévues par le c) de l'article 14 du décret du 6 juin 1984 ; que ces arrêtés prévoyaient que, pendant toute la durée de cette délégation, le CNRS verserait à l'université d'Aix-Marseille I une contribution permettant de faire assurer le service d'enseignement et de recherche de l'intéressé ; qu'une convention a été passée entre l'université d'Aix-Marseille I et le CNRS précisant les modalités de la délégation et fixant la contribution mentionnée au c) de l'article 14 du décret à 70 000 F ; qu'à la demande de l'université, M. A a continué d'assurer un enseignement de 87,5 heures pour 2000-2001 et de 40 heures pour 2001-2002, qui représentait une partie du service d'enseignement assuré par lui avant son placement en délégation ; que ces heures d'enseignement n'ont fait l'objet d'aucune rémunération ;
Considérant qu'il ressort des dispositions tant du c) de l'article 14 du décret précité, que des clauses rappelées ci-dessus de la convention, que la contribution versée par le CNRS était destinée à permettre à l'université de faire assurer les heures d'enseignement que dispensait M. A lorsqu'il y exerçait ses fonctions d'enseignant chercheur à temps plein ; qu'en l'espèce, une partie de cet enseignement de remplacement a été assurée par M. A lui-même ; qu'ainsi, une partie de la contribution financière devait servir à la rémunération de l'enseignement partiel dispensé, dans ce cadre, par M. A ; que le président de l'université, qui ne pouvait ignorer que M. A assurait cet enseignement, a, en refusant le paiement desdites heures, commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'université ;
Considérant que M. A a droit au paiement des heures d'enseignement qu'il a dispensées ; que l'université d'Aix-Marseille I doit être dès lors condamnée à lui verser une indemnité de 28 727,18 euros ; que cette somme doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2005, date de la réception de la demande indemnitaire adressée par M. A à cette université ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'université d'Aix-Marseille I la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à l'université d'Aix-Marseille I la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'université d'Aix Marseille-I est condamnée à payer à M. A une indemnité de 28 727,18 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2005.
Article 2 : L'université d'Aix Marseille-I versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'université d'Aix Marseille-I tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bruno A, à l'université d'Aix Marseille-I et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.