La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2007 | FRANCE | N°309919

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 octobre 2007, 309919


Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mamadou A demeurant ... ; M. Mamadou A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'il avait formé le 6 juin 2007 à l'encontre de la décision du consul général de France à Conakry (République de Guinée) refusant

de lui délivrer le visa de long séjour qu'il avait sollicité au titre du ...

Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mamadou A demeurant ... ; M. Mamadou A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'il avait formé le 6 juin 2007 à l'encontre de la décision du consul général de France à Conakry (République de Guinée) refusant de lui délivrer le visa de long séjour qu'il avait sollicité au titre du regroupement familial ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Conakry de réexaminer sa demande, dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que l'urgence est caractérisée, dès lors que le refus de visa le prive de la possibilité de vivre auprès de sa famille, alors que le préfet du Puy de Dôme a fait droit à sa demande de regroupement familial, par une décision en date du 6 mars 2006, qu'il existe ensuite un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, la décision litigieuse, non motivée, méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la motivation des refus de visa pour les bénéficiaires d'une autorisation de regroupement familial ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur de fait en considérant que son acte de naissance était dépourvu de toute valeur probante, alors que le tribunal d'instance de Conakry a procédé par une ordonnance en date du 9 janvier 2006 à une rectification de cet acte, qui ne comportait que des incohérences relatives à la numérotation dans le registre d'état civil de la commune ; qu'enfin, le refus de visa méconnaît en outre son droit de mener une vie privée et familiale normale, tel qu'énoncé à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu la correspondance en date du 20 juin 2007 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France accuse réception de la réclamation de M. Mamadou A ;

Vu, enregistré le 17 octobre 2007, le mémoire en défense du ministre des affaires étrangères et européennes, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence ne saurait être déduite de la seule durée écoulée depuis que les intéressés ont formé leur demande de regroupement familial ; qu'une décision implicite intervenue dans des cas où une décision explicite aurait du être motivée n'est pas illégale du seul fait de cette absence de motivation ; que les autorités consulaires françaises à Conakry et la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer un visa au jeune Mamadou A, dès lors que celui-ci a produit des documents frauduleux à l'appui de sa demande, ne permettant pas d'établir sa filiation à l'égard de son père allégué ; que le requérant, qui ne parvient pas à établir sa filiation à l'égard de M. Kanfory A, ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison du caractère apocryphe de l'acte de naissance et du jugement rectificatif ; qu'enfin, M. Kanfory A, qui ne justifie pas avoir maintenu des liens familiaux avec son fils depuis son arrivée en France, ne démontre pas qu'il lui serait dans l'impossibilité de rendre visite à son fils en Guinée ;

Vu, enregistrées le 18 octobre 2007, les nouvelles pièces produites par M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que son père n'a rempli les conditions pour bénéficier du regroupement familial que sept ans après son arrivée en France ; qu'il a déposé sa demande de visa dans les délais prescrits par la loi ; que le caractère approximatif de la rédaction du tribunal de première instance de Kaloum ne suffit pas à affaiblir sa valeur probante ; qu'enfin, s'agissant de la délivrance de visa à un bénéficiaire d'une décision de regroupement familial, la loi ne prévoit pas de condition relative à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ;

Vu, enregistré le 22 octobre, le mémoire en réplique présenté par M. A qui confirme ses conclusions et moyens et relève que les retards sont imputables à l'administration ; que les imperfections des services de l'état civil guinéen n'autorisent pas à conclure à l'existence d'un faux ; que la contribution effective à l'entretien et à l'éducation d'un enfant est étrangère à la légalité de la décision dont la suspension est demandée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 instituant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A et d'autre part, le ministre des affaires étrangères et européennes ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 23 octobre 2007 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères et européennes ;

En ce qui concerne l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

Considérant qu'il y a lieu d'admettre provisoirement M. Mamadou A au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

En ce qui concerne la demande de suspension :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » ;

Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : « Une décision implicite intervenue dans le cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé formée dans le délai du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) » ; qu'en l'absence de justification d'une demande de communication des motifs présentée dans les conditions prescrites par ces dispositions le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite de la commission de recours n'est, en l'état de l'instruction, pas propre à créer un doute sérieux ;

Sur le moyen tiré de l'erreur de fait commise par la commission sur l'authenticité de l'extrait d'acte de naissance produit au soutien de la demande de visa présentée aux autorités consulaires :

Considérant que si la venue en France de M. Mamadou A avait été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, après l'autorité consulaire, usât du pouvoir qui lui appartient de refuser son entrée en France, en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; qu'en l'état de l'instruction, eu égard aux lacunes, incohérences et contradictions qui affectent tant l'extrait d'acte de naissance initialement présenté aux autorités consulaires que la pièce relative à une ordonnance de rectification d'acte d'état civil de l'intéressé le moyen, même appuyé sur les photocopies de pièces produites au cours de la présente instance le 18 octobre 2007, n'est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, ni au regard de la contestation de l'authenticité de l'extrait d'acte de naissance qui fonde le motif d'ordre public, ni par suite au regard des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'en l'absence de doute sérieux la suspension demandée ne peut être prononcée ;

Considérant qu'en l'absence de suspension les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. Mamadou A ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : M. Mamadou A est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. Mamadou A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mamadou A et au ministre des affaires étrangères et européennes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 309919
Date de la décision : 29/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 oct. 2007, n° 309919
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Serge Daël
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:309919.20071029
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award