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09/11/2007 | FRANCE | N°266013

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 09 novembre 2007, 266013


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 13 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nathalie B veuve A, demeurant ... ; Mme A, venue aux droits de son époux décédé, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 23 janvier 2004 de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence en tant qu'il a annulé le jugement du 19 avril 1991 du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône et opposé l'incompétence de la juridiction des pensions pour connaître de ses conclusions dirigées cont

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 13 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nathalie B veuve A, demeurant ... ; Mme A, venue aux droits de son époux décédé, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 23 janvier 2004 de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence en tant qu'il a annulé le jugement du 19 avril 1991 du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône et opposé l'incompétence de la juridiction des pensions pour connaître de ses conclusions dirigées contre le refus opposé par le trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône le 28 avril 1988 à la réclamation et à la demande de remise gracieuse présentée par son époux au titre d'un trop-perçu d'un montant de 69 199 F (10 549,35 euros) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat en applications des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 68-445 du 13 mai 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Le Griel, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : « Toutes les contestations auxquelles donne lieu l'application du livre Ier (à l'exception des chapitres Ier et IV du titre VII) et du livre II du présent code sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions du domicile de l'intéressé (...) » ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions, alors en vigueur, de l'article D. 37 du même code, les militaires ou les marins proposés par une commission de réforme pour une pension d'invalidité et renvoyés dans leurs foyers recevaient une allocation provisoire dont le point de départ était fixé, le cas échéant, à la date du jugement de la juridiction de pensions reconnaissant ce droit ;

Considérant que si, en application des dispositions précitées de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la juridiction des pensions est compétente pour connaître de la contestation du bien-fondé de l'obligation de remboursement portant sur des allocations provisoires d'attente accordées sur le fondement des dispositions de l'article D. 37 du même code, lesquelles figurent au titre VI du livre Ier de ce code, il n'en va pas de même pour les litiges concernant des demandes de remise gracieuse présentées au titre de cette obligation de remboursement, dès lors que la possibilité de bénéficier d'une telle remise ne trouve pas son fondement dans les dispositions de ce code, mais dans celles du décret du 13 mai 1968 relatif à la procédure de remise gracieuse des débêts constatés envers le Trésor au titre des pensions ; que de tels litiges relèvent du contentieux de l'excès de pouvoir et ressortissent par conséquent à la compétence de la juridiction administrative de droit commun ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a bénéficié d'allocations provisoires d'attente à compter du 5 octobre 1984, date à laquelle un droit à majoration de sa pension et à l'allocation de grand mutilé lui a été reconnu par un jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône ; que toutefois la demande de M. A a finalement été rejetée par un arrêt de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence ; que, par décision du 28 avril 1988, le trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône a confirmé la mise à la charge de M. A de l'obligation de rembourser le montant des allocations provisoires d'attente qu'il avait entre-temps perçues ; que, par l'arrêt attaqué, la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a opposé l'incompétence de la juridiction des pensions pour connaître des conclusions dirigées contre cette décision ;

Considérant que si le jugement de la contestation par M. A de la décision du 28 avril 1988 du trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône avait été attribué par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat au tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône, dès lors qu'elle portait sur le bien-fondé de l'obligation de remboursement mise à la charge de l'intéressé du fait d'allocations provisoires d'attente qu'il avait perçues, les pièces produites en cours d'instance devant les juges du fond ont fait apparaître que le requérant avait en outre présenté une demande de remise gracieuse, que la décision en litige avait également pour objet de rejeter ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'en tant que le litige concernait cette décision de refus de remise gracieuse, la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence n'a pas commis d'erreur de droit en opposant l'incompétence de la juridiction des pensions ; qu'en revanche, elle ne pouvait, sans erreur de droit, annuler pour le même motif le jugement attaqué du tribunal départemental des pensions en tant qu'il statuait sur la contestation du bien-fondé de l'obligation de remboursement ; que, par suite, Mme A, venue aux droits de son époux décédé, est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a annulé le jugement du 19 avril 1991 du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône et opposé l'incompétence de la juridiction des pensions pour connaître de ses conclusions dirigées contre la décision du trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône en date du 28 avril 1988 en ce qu'elle avait rejeté la réclamation de son époux contestant le bien-fondé de l'obligation de remboursement mise à sa charge ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article D. 38 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : « Les allocations provisoires d'attente sont payables à raison de trente jours par mois à titre d'avance sur pension./ En cas de rejet de la demande de pension, les sommes perçues sont définitivement acquises aux militaires./ Dans le cas contraire, ces sommes sont déduites des arrérages dus de la pension accordée (...) » ;

Considérant que si le ministre soutient que ces dispositions ne visent pas les allocations provisoires d'attente versées en exécution d'un jugement de première instance annulé par la suite en appel, il résulte des termes mêmes de cet article que les allocations provisoires d'attente sont définitivement acquises au militaire ou au marin dans tous les cas où sa demande de pension n'a pas été satisfaite ;

Considérant que les allocations provisoires d'attente perçues par M. A à la suite du jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône qui lui avait reconnu un droit à majoration de sa pension et à l'allocation de grand mutilé demeuraient définitivement acquises à l'intéressé, alors même que ce jugement avait été infirmé en appel ; qu'ainsi, M. A n'était pas tenu au remboursement des sommes perçues au titre des allocations provisoires d'attente ; qu'il suit de là, d'une part, que l'appel principal du ministre de la défense ne peut qu'être rejeté et, d'autre part, que Mme A, venue aux droits de son époux décédé, est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône n'a que partiellement fait droit à la demande de M. A tendant à la décharge des sommes réclamées au titre de ces allocations provisoires d'attente ;

Considérant, enfin qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à la SCP Le Griel, avocat de Mme A désigné au titre de l'aide juridictionnelle, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 23 janvier 2004 de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence est annulé en tant qu'il a annulé le jugement du 19 avril 1991 du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône et opposé l'incompétence de la juridiction des pensions pour connaître des conclusions de Mme A, venue aux droits de son époux décédé, dirigées contre la décision du trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône en date du 28 avril 1988 en ce qu'elle avait rejeté la réclamation de son époux contestant le bien-fondé de l'obligation de remboursement mise à sa charge.

Article 2 : Le recours présenté par le ministre de la défense devant la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence est rejeté.

Article 3 : Mme A est déchargée des sommes réclamées à son époux par la décision du trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône en date du 28 avril 1988, au titre d'allocations provisoires d'attente qu'il avait perçues.

Article 4 : Le jugement du 19 avril 1991 du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SCP Le Griel, avocat de Mme A, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Nathalie B veuve A, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 266013
Date de la décision : 09/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2007, n° 266013
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Alain Boulanger
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:266013.20071109
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