La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2007 | FRANCE | N°288289

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 09 novembre 2007, 288289


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2005 et 19 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ISOSEC, dont le siège est 1, rue d'Authon à Souance-au-Perche (28400) ; la SOCIETE ISOSEC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 octobre 2005 de la cour administrative d'appel de Douai confirmant le jugement du 20 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la chambre de commerce et d'industr

ie du Havre d'attribuer à la société Munters le marché de fourniture...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2005 et 19 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ISOSEC, dont le siège est 1, rue d'Authon à Souance-au-Perche (28400) ; la SOCIETE ISOSEC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 octobre 2005 de la cour administrative d'appel de Douai confirmant le jugement du 20 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la chambre de commerce et d'industrie du Havre d'attribuer à la société Munters le marché de fourniture et d'installation de quatre déshumidificateurs, ensemble la décision du 10 mars 2000 rejetant son recours gracieux à l'encontre de cette décision, d'autre part, au versement d'une indemnité à raison du préjudice résultant pour la SOCIETE ISOSEC de la faute commise par la chambre de commerce et d'industrie ;

2°) statuant au fond, de faire droit à ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Douai ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la SOCIETE ISOSEC et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la chambre de commerce et d'industrie du Havre,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un appel d'offres restreint pour la fourniture de quatre déshumidificateurs dans les chambres d'ancrage de la suspension du pont de Tancarville, la chambre de commerce et d'industrie du Havre a, par une décision du 10 mars 2000, retenu l'offre présentée par la société Munters et écarté l'offre concurrente de la SOCIETE ISOSEC ; que, par un jugement du

20 novembre 2003, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la SOCIETE ISOSEC tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision, d'autre part, à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie du Havre à réparer le préjudice qu'elle a subi et à lui rembourser les frais engagés pour participer à l'appel d'offres ; que, par un arrêt du 20 octobre 2005, contre lequel la SOCIETE ISOSEC se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé ce jugement ;

Considérant que, dans un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 28 septembre 2005, la SOCIETE ISOSEC soutenait, pour établir l'illégalité de la décision attaquée, que la chambre de commerce et d'industrie du Havre ne pouvait légalement attribuer le marché de fourniture des quatre déshumidificateurs à un candidat dont l'offre ne comportait pas l'indication du montant qui serait sous-traité dès lors que cette indication était exigée par le règlement de la consultation ; que la cour administrative d'appel de Douai n'a ni visé ni répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant, et a ainsi entaché d'irrégularité son arrêt ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article 97 bis du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché en cause : « (...) Les plis contenant les offres sont ouverts par la commission prévue à l'article 83. (...)/ Seuls peuvent être ouverts les plis qui ont été reçus dans les conditions prévues ci-dessus au plus tard à la date limite qui a été fixée pour la réception des offres. La commission ouvre le pli ; elle en enregistre le contenu dans toutes les parties essentielles, y compris les pièces jointes./ Au vu de ces renseignements, la personne responsable du marché élimine les offres non conformes à l'objet du marché ; elle choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte notamment du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de la valeur technique et du délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article 300 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché en cause : « Dans le cas où plusieurs offres jugées les plus intéressantes sont tenues pour équivalentes, tous éléments considérés, la commission, pour départager les candidats, peut demander à ceux-ci de présenter de nouvelles offres. Hormis ce cas, la commission ne peut discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres » ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 300 du code des marchés publics que la commission d'appel d'offres ne peut demander de nouvelles offres que pour départager des candidatures équivalentes et qu'hormis ce cas, elle ne peut discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'article 3 du règlement de la consultation du marché prévoyait que le dossier remis par un candidat devait indiquer « (...) que des sous-traitants soient ou non désignés, (...) le montant des prestations qu'il envisage de sous-traiter et, par différence avec son offre, le montant maximal de la créance qu'il pourra présenter en nantissement ou céder » ; que ces dispositions n'imposaient aux candidats d'indiquer un montant de travaux à sous-traiter que s'ils envisageaient de le faire ; qu'ainsi, la seule circonstance que l'offre de la société Munters n'ait pas comporté une telle mention ne suffisait pas à la rendre irrégulière ; que, dans sa séance du 20 juillet 1999, la commission d'appel d'offres de la chambre de commerce et d'industrie du Havre, réunie en vue de l'ouverture des plis, a demandé aux deux entreprises soumissionnaires ayant présenté une offre, conformément aux dispositions précitées de l'article 300 du code des marchés publics, des compléments d'information sur le montant du marché qu'elles seraient susceptibles de sous-traiter ; que la société Munters a ainsi pu régulièrement préciser son offre en indiquant le montant du marché qu'elle serait susceptible, éventuellement, de sous-traiter, décomposé par postes ; que, par suite, l'apport de ces précisions par la société Munters, après la date limite de dépôt des offres, n'a pas été de nature à entacher d'irrégularité la procédure ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Munters, qui avait omis d'indiquer dans son dossier le montant du prix n°10 relatif à l'installation des relais pour chambre, a également remédié à cette omission à la demande de la commission d'appel d'offres ; que cette simple précision ne saurait être regardée comme ayant modifié la teneur de l'offre présentée la société Munters, dont le prix global est demeuré inchangé ;

Considérant que l'article 3 du règlement de la consultation prévoyait aussi que les offres des candidats devaient être rédigées entièrement en langue française ; que la circonstance que quelques annexes présentant le détail des calculs techniques aient été partiellement rédigées en anglais, alors que l'ensemble des résultats de ces calculs était exposé en langue française dans l'étude technique produite par la société Munters dans son dossier de candidature, ne permet pas, à elle seule, de considérer que le dossier n'était pas rédigé entièrement en langue française ; qu'ainsi, les dispositions susmentionnées de l'article 3 du règlement de consultation n'ont pas été méconnues ;

Considérant que le règlement de la consultation prévoyait que les offres seraient évaluées compte tenu du prix des prestations, de leur valeur technique et du délai d'exécution ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'analyse des offres de la commission d'appel d'offres réunie le 31 août 1999 que la personne responsable du marché a comparé les offres des candidats au regard de ces critères ; qu'en effet, la SOCIETE ISOSEC et la société Munters proposant un délai d'exécution identique, la commission d'appel d'offres, après avoir estimé que les offres présentées par ces deux sociétés étaient de valeur technique égale, s'est fondée sur le critère du prix pour les départager ; qu'elle a ainsi fait une exacte application des dispositions de l'article 97 bis du code des marchés publics précité ;

Considérant que la SOCIETE ISOSEC soutient que les prestations proposées dans son offre répondaient aux exigences du maître de l'ouvrage et étaient techniquement supérieures à celles de la société Munters ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du rapport d'analyse des offres que l'appréciation portée par la commission d'appel d'offres sur l'ensemble des prestations proposées par la SOCIETE ISOSEC n'était pas manifestement erronée ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation de la société requérante doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'indemnisation des préjudices nés de son éviction du marché et des frais engagés pour présenter son offre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les expertises et mesures d'instruction sollicitées, que la SOCIETE ISOSEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 20 novembre 2003, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mars 2000 et à ce que la chambre de commerce et d'industrie du Havre soit condamnée à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge la de la chambre de commerce et d'industrie du Havre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SOCIETE ISOSEC demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE ISOSEC la somme de 3 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la chambre de commerce et d'industrie du Havre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 20 octobre 2005 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ISOSEC ainsi que ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.

Article 3 : La SOCIETE ISOSEC versera, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à la chambre de commerce et d'industrie du Havre.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ISOSEC et à la chambre de commerce et d'industrie du Havre.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 nov. 2007, n° 288289
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON ; SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 09/11/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 288289
Numéro NOR : CETATEXT000018007621 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-11-09;288289 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award