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21/11/2007 | FRANCE | N°275401

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 21 novembre 2007, 275401


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 2004 et 15 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Monique PATOUILLET DE DESSERVILLERS épouse A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 septembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant en premier lieu à réformer le jugement du 12 décembre 2001 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a, d'une part, limité jusqu'au 31 mars 1966 la condamnation de l'Etat à lui

verser l'indemnité correspondant à la privation de ses droits à pension...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 2004 et 15 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Monique PATOUILLET DE DESSERVILLERS épouse A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 septembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant en premier lieu à réformer le jugement du 12 décembre 2001 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a, d'une part, limité jusqu'au 31 mars 1966 la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité correspondant à la privation de ses droits à pension et d'autre part rejeté ses demandes tendant en premier lieu à l'annulation de la décision du 24 décembre 1998 du ministre de la défense opposant la prescription quadriennale à ses créances se rapportant à la période allant de 1965 à 1993 et à la condamnation de l'Etat à lui verser les rémunérations qu'elle aurait dû percevoir si elle avait continué à exercer ses fonctions de convoyeuse de l'air, ainsi qu'en second lieu à la condamnation de l'Etat à lui verser des indemnités au titre des préjudices subis ;

2°) statuant au fond, de faire droit à l'ensemble de ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Cossa, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par arrêt en date du 30 septembre 2004, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de Mme A tendant en premier lieu à réformer le jugement du 12 décembre 2001 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a, d'une part, limité jusqu'au 31 mars 1966 la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité correspondant à la privation de ses droits à pension à la période courant jusqu'au 31 mars 1996 et d'autre part rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 24 décembre 1998 du ministre de la défense opposant la prescription quadriennale à ses créances se rapportant à la période allant de 1965 à 1993 ainsi qu'en second lieu à la condamnation de l'Etat à lui verser des indemnités au titre des préjudices subis ; que la requérante se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge de fond que la cour a omis de répondre au moyen tiré de ce que le signataire de la décision du 24 décembre 1998 n'était pas compétent pour opposer la prescription quadriennale ; que la requérante est par suite fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que le contrat de Mme A, convoyeuse de l'armée de l'air, a été résilié le 16 décembre 1965 du fait de son mariage ; que par lettre du 6 mars 1998, Mme A a demandé une indemnité du fait de cette éviction, d'une part, sous forme du versement rétroactif de ses rémunérations pour la période allant de la résiliation du contrat à l'année 1982 au cours de laquelle elle aurait pu faire valoir ses droits à retraite, d'autre part, par l'établissement de ses droits à pension sur la base du grade dont elle aurait pu bénéficier ; que le ministre de la défense a, par décision du 18 juin 1998, rejeté la demande de Mme A et a, par décision du 24 décembre 1998, opposé la prescription quadriennale à la créance de l'intéressée se rapportant à la période antérieure à l'année 1994 ; que par jugement du 12 décembre 2001, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à lui verser une indemnité correspondant à la privation des droits à pension auxquels elle aurait pu prétendre si elle avait assuré ses fonctions jusqu'au 31 mars 1966 mais rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que Mme A a fait appel de ce jugement en ce qu'il ne fait pas droit intégralement à sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, que le jugement attaqué du 12 décembre 2001 est suffisamment motivé ;

Considérant, d'une part, que si Mme A soutient que le jugement a été rendu au terme d'une procédure ayant méconnu le principe du contradictoire, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que le jugement n'est pas régulier ;

Sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de la l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 « Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis » ;

Considérant que la décision du 24 décembre 1998 par laquelle le ministre a opposé cette prescription contient les motifs de fait et de droit venant à l'appui de sa position ; qu'elle vise en effet précisément les textes applicables et constate l'absence de cause interruptive de la prescription pour en déduire les délais au cours desquels la prescription a couru ; qu'elle doit être dès lors regardée comme suffisamment motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elle a été prise par une autorité bénéficiaire d'une délégation de signature établie par l'arrêté du ministre de la défense du 9 juin 1997 modifié par l'arrêté du 4 juin 1998, régulièrement publiés au Journal Officiel et faisant clairement apparaître le nom du commissaire général Louis Stum, signataire de la décision ;

Considérant que, dans les litiges opposant un agent public à son administration, dans l'hypothèse où la créance de l'agent porte sur la réparation d'une mesure illégalement prise à son encontre et dont a résulté la cessation de ses fonctions, le fait générateur de la créance doit être rattaché, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision prononçant la résiliation du contrat de Mme A lui a été notifiée au plus tard en décembre 1965 ; qu'ainsi le délai de prescription quadriennale a commencer à courir au 1er janvier 1966 ; que dès lors, c'est à bon droit que le ministre de la défense a opposé la prescription quadriennale aux créances dont l'intéressée se prévaut pour la période allant de 1965 à 1993 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 décembre 1998 par laquelle le ministre de la défense lui a opposé la prescription quadriennale ;

Sur les conclusions à fin d'indemnités :

En ce qui concerne le rappel des traitements de Mme A et le rappel de ses droits à pension pour la période allant de 1965 à 1993 :

Considérant que compte tenu du rejet des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 décembre 1998 par laquelle le ministre de la défense a opposé la prescription quadriennale aux créances de Mme A, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité correspondant au traitement qu'elle aurait dû percevoir pour la période postérieure au 16 décembre 1965, date de la résiliation de son contrat, ainsi que ses conclusions tendant au rappel de ses droits à pension de retraite antérieurs à 1993 ne peuvent qu'être rejetés ;

En ce qui concerne le rappel des droits à pension de Mme A, le versement d'arrérages de sa pension pour la période courant à compter de 1994 et l'indemnité correspondant à la privation de ses droits à pension :

Considérant que Mme A ne saurait se prévaloir de ce que, d'une part, le tribunal administratif de Rennes lui a donné satisfaction en condamnant l'Etat a réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de la privation de la pension de retraite dont elle aurait bénéficié si elle avait été normalement maintenue dans ses fonctions pour la période allant du 16 décembre 1965, date de la résiliation de son contrat, au 31 mars 1966, date normale d'expiration de celui-ci, et, d'autre part, sa manière de servir faisait l'objet d'appréciations favorables et lui avait valu l'attribution d'une décoration, pour en déduire un droit au renouvellement de son contrat ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce refus soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, les conclusions de Mme A tendant, d'une part, à ce que la période allant du 16 décembre 1965 au 31 mars 1982, date à laquelle, si son contrat avait été régulièrement renouvelé, elle aurait fait valoir ses droits à pension, soit validée au regard desdits droits, et d'autre part, ses conclusions tendant au versement d'arrérages de sa pension, pour la période courant à compter de 1994 ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 12 décembre 2001 du tribunal administratif de Rennes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 30 septembre 2004 est annulé.

Article 2 : La requête de Mme A devant la cour administrative d'appel de Nantes tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 décembre 2001, à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 24 décembre 1998, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité correspondant aux rémunérations qu'elle aurait perçu si son contrat avait été renouvelé, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 1998, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité pour privation de ses droits à pension est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Monique A et au ministre de la défense.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 nov. 2007, n° 275401
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Schwartz
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 21/11/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 275401
Numéro NOR : CETATEXT000018007568 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-11-21;275401 ?
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