La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2007 | FRANCE | N°280953

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 21 novembre 2007, 280953


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 24 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC CARNEGI, dont le siège est 5, avenue Kléber à Paris (75016) ; la SNC CARNEGI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a annulé le jugement du 8 décembre 2000 du tribunal administratif de Toulouse et rejeté la demande présentée par l'exposante tend

ant à la condamnation de l'Etat à lui restituer la somme de 23 380 F corr...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 24 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC CARNEGI, dont le siège est 5, avenue Kléber à Paris (75016) ; la SNC CARNEGI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a annulé le jugement du 8 décembre 2000 du tribunal administratif de Toulouse et rejeté la demande présentée par l'exposante tendant à la condamnation de l'Etat à lui restituer la somme de 23 380 F correspondant à la taxe foncière établie au nom de la SCI Albert 1er au titre des années 1994 et 1995 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'ordonner la restitution de ladite somme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Le Griel, avocat de la SNC CARNEGI,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de deux avis à tiers détenteur adressés à son locataire, la SNC CARNEGI a versé à l'administration fiscale les sommes correspondant aux taxes foncières relatives aux années 1993 à 1995 établies au nom de la SCI Albert 1er et assises sur un immeuble sis à Castres dont elle n'est elle-même devenue propriétaire qu'à compter du 10 mars 1995 ; qu'à la suite de la demande qu'elle a adressée à l'administration fiscale, visant à obtenir la restitution de ces sommes afférentes à des périodes au cours desquelles elle n'était pas redevable des cotisations foncières sur l'immeuble, elle n'a obtenu le remboursement que de la seule taxe relative à l'année 1993 ; que saisi du litige portant sur le reliquat des cotisations versées, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 8 décembre 2000, fait droit à la requête de la SNC CARNEGI ; que saisie par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par un arrêt du 29 mars 2005, annulé le jugement attaqué et rejeté la demande de la requérante ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la réclamation de la SNC CARNEGI devant l'administration fiscale ainsi que sa requête devant le tribunal administratif tendaient à ce que l'administration fiscale lui rembourse les sommes qu'elle lui avait versées au titre de la taxe foncière établie au nom de la SCI Albert 1er et relative à des périodes pendant lesquelles elle n'était pas la propriétaire de l'immeuble ; que ce litige constitue un recours de plein contentieux en restitution de la somme prélevée et ressortit à ce titre à la compétence de la juridiction administrative ; qu'en annulant le jugement du tribunal administratif au motif que l'action de la SNC CARNEGI se fondait sur la contestation de la mise en oeuvre par l'administration à l'encontre de la requérante du droit qu'elle tenait des dispositions de l'article 1920-2-2° du code général des impôts et en rejetant par suite la demande de la SNC CARNEGI comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, la cour administrative d'appel, qui s'est d'ailleurs méprise sur la portée des conclusions de la requérante, a commis une erreur de droit ; que par suite la SNC CARNEGI est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant que comme il a été dit ci-dessus, le juge administratif est compétent pour connaître de la requête de la SNC CARNEGI ;

Considérant que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que la requête présentée par la SNC CARNEGI devant le tribunal administratif était tardive faute d'avoir été présentée dans le délai fixé par l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales aux termes duquel la contestation relative au recouvrement doit sous peine de nullité être présentée au trésorier payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte (…) ; que toutefois il ressort du dossier que l'action formée par la requérante ne porte pas sur le bien fondé des avis à tiers détenteur notifiés les 17 novembre 1995 et 4 avril 1997, mais constitue une demande de plein contentieux en restitution ; qu'à ce titre, seules lui sont applicables les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative selon lesquelles la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; qu'en saisissant, dans le délai de deux mois, le tribunal administratif de la décision du 16 décembre 1998 par laquelle le ministre avait rejeté sa demande de restitution des sommes non remboursées, la SNC CARNEGI s'est conformée aux dispositions précitées ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1415 du code général des impôts, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition ; qu'aux termes de l'article 1920 du même code : 1. Le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent (…). / 2. Le privilège établi au 1 s'exerce en outre (…) / 2° Pour la taxe foncière sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution (…); qu'aux termes de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales : Les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts, de pénalités et de frais accessoires (…) sont tenus, sur la demande qui leur en est faite sous forme d'avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser, au lieu et place des redevables, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent, à concurrence des impositions dues par ces redevables (…) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sommes dont la SNC CARNEGI demande la restitution sont constituées des cotisations de taxe foncière établies à bon droit par le service de l'assiette, au titre des années en cause, au nom de la SCI Albert 1er ; que la SNC CARNEGI qui avait acquis l'immeuble postérieurement au 1er janvier 1995 n'en était pas le débiteur ; que le ministre n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1920 du code général des impôts, dont l'application échappe à la compétence du juge administratif, pour établir son droit à émettre un avis à tiers détenteur envers les locataires du débiteur du Trésor dès lors que les sommes dont la restitution est demandée ont été versées par la SNC CARNEGI qui n'en n'était pas le débiteur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la requête de la SNC CARNEGI ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le jugement du tribunal administratif ordonnant la restitution des sommes indûment versées, les conclusions présentées par la société et tendant à ce que cette restitution soit ordonnée par le Conseil d'Etat sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les sommes que la SNC CARNEGI réclame en appel et en cassation au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 29 mars 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à la SNC CARNEGI la somme de 3 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la SNC CARNEGI devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SNC CARNEGI et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 280953
Date de la décision : 21/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2007, n° 280953
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Olléon
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:280953.20071121
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award