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03/12/2007 | FRANCE | N°272056

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 03 décembre 2007, 272056


Vu le recours, enregistré le 10 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 24 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours dirigé contre le jugement du 8 juin 1999 du tribunal administratif de Melun ayant annulé, à la demande de M. et Mme C et autres, l'arrêté du 25 janvier 1996 du préfet de Seine-et-Marne ordonnant le dépôt en mairie du plan définitif de remembrement de la c

ommune de Boissy-aux-Cailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, en a...

Vu le recours, enregistré le 10 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 24 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours dirigé contre le jugement du 8 juin 1999 du tribunal administratif de Melun ayant annulé, à la demande de M. et Mme C et autres, l'arrêté du 25 janvier 1996 du préfet de Seine-et-Marne ordonnant le dépôt en mairie du plan définitif de remembrement de la commune de Boissy-aux-Cailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, présentée pour M. C et autres, enregistrée le 7 novembre 2007 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son 1er protocole additionnel ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Herbert Maisl, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Brouchot, avocat de M. Roger C et autres,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-10 du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 11 décembre 1992, applicable au litige : « La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l'exclusion de tout recours administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par les intéressés ou par le préfet devant la juridiction administrative » ; qu'aux termes de l'article L. 123-12 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 11 décembre 1992, applicable au litige : « Du jour du transfert de propriété résultant de la clôture des opérations de remembrement, les immeubles qui en sont l'objet ne sont plus soumis qu'à l'exercice des droits et actions nés du chef du nouveau propriétaire. / La date de clôture des opérations est celle du dépôt en mairie du plan définitif du remembrement, ce dépôt étant constaté par un certificat délivré par le maire (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 121-29 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 1992 : « Au vu du plan du ou des aménagements fonciers approuvé par la commission communale ou intercommunale et si aucune réclamation n'a été introduite devant la commission départementale dans le délai prévu à l'article R. 121-6 ou, dans le cas contraire, au vu du plan approuvé par la commission départementale, le préfet ordonne le dépôt en mairie du plan et constate la clôture des opérations à la date de ce dépôt » ;

Considérant que le propriétaire de parcelles incluses dans le périmètre d'une opération d'aménagement foncier peut contester les effets de cette opération sur ses biens en formant devant la juridiction administrative un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier statuant sur sa réclamation, et, le cas échéant, obtenir, même après la clôture de cette opération, la modification de ses attributions si celles-ci n'ont pas été déterminées conformément aux règles applicables à l'aménagement foncier ; que ledit propriétaire peut également demander l'annulation de l'acte ordonnant la réalisation de l'opération d'aménagement foncier, laquelle, si elle est prononcée par le juge, est, en principe, de nature à entraîner par voie de conséquence celle de tout acte pris sur le fondement de cet arrêté qui a été déféré au juge de l'excès de pouvoir dans le délai de recours contentieux ; que toutefois, eu égard à l'atteinte excessive à l'intérêt général et au respect du droit de propriété des autres intéressés qui résulterait d'une remise en cause générale des opérations d'aménagement foncier à une date postérieure à celle du transfert de propriété, le juge de l'excès de pouvoir ne peut annuler l'acte ordonnant les opérations ou suspendre son exécution que jusqu'à la date du transfert de propriété ; que, statuant après cette date sur un recours dirigé contre un acte pris dans le cadre des opérations d'aménagement foncier, il ne peut faire droit à une exception tirée de l'illégalité de l'acte ordonnant ces opérations que si celui-ci a fait l'objet d'une annulation ou d'une suspension avant le transfert de propriété ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté du préfet de la Seine-et-Marne du 28 octobre 1992 ordonnant un remembrement des propriétés foncières sur la commune de Boissy-aux-Cailles et fixant le périmètre de ces opérations a été annulé par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux, postérieurement à la date du dépôt en mairie du nouveau plan parcellaire ordonné par arrêté du 25 janvier 1996 ; que, par suite, en se fondant sur cette annulation pour prononcer celle de l'arrêté préfectoral du 25 janvier 1996, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit justifiant l'annulation de son arrêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 121-29 du code rural, dans leur rédaction issue du décret du 27 janvier 1995, applicable au litige, le préfet, au vu du plan de remembrement définitivement établi par les commissions d'aménagement foncier, ordonne le dépôt en mairie du plan et constate la clôture des opérations de remembrement à la date de ce dépôt ; qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 11 décembre 1992, applicable au litige : « Au cas d'annulation par le juge administratif d'une décision de la commission départementale ou nationale d'aménagement foncier, les bénéficiaires du transfert de propriété intervenu à la suite de l'affichage en mairie de la décision préfectorale ordonnant la clôture des opérations d'aménagement foncier demeurent en possession jusqu'à l'affichage en mairie consécutif à la nouvelle décision prise par la commission départementale ou nationale en exécution de ladite annulation. Ils sont dans l'obligation, pendant cette période, de conserver l'assolement en vigueur au moment où la décision d'annulation leur a été notifiée » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les éventuelles irrégularités dont seraient entachées les décisions des commissions communales et départementales d'aménagement foncier sont sans incidence sur la légalité des arrêtés ordonnant le dépôt en mairie du plan de remembrement, lequel, lorsque, comme en l'espèce, ainsi qu'il a été dit plus haut, les conditions d'une annulation par voie de conséquence ne sont pas remplies, ne peut être contesté qu'à raison de ses vices propres ou d'un défaut de conformité au plan établi par les commissions d'aménagement foncier ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur les irrégularités dont serait entachée la décision de la commission communale d'aménagement foncier de la commune de Boissy-aux-Cailles pour annuler l'arrêté préfectoral du 25 janvier 1996 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en appel ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté préfectoral ordonnant le dépôt en mairie du plan définitif de remembrement ne peut, ainsi qu'il a été dit plus haut, être contesté qu'à raison de ses vices propres ou d'un défaut de conformité au plan établi par les commissions d'aménagement foncier ; que par suite les moyens tirés de ce que l'arrêté serait entaché d'irrégularité en raison du non-renouvellement de la commission communale d'aménagement foncier à la suite des élections municipales de 1995, de vices de procédure qui auraient affecté l'enquête publique portant sur le projet d'extension du périmètre de remembrement à Nanteau-sur-Essonne, et de ce que les opérations de remembrement auraient porté sur des parcelles non comprises dans le périmètre défini par l'arrêté préfectoral ordonnant le remembrement, sont, par suite, inopérants à l'encontre de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 25 janvier 1996 ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré d'une violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ne peut par suite qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que si les requérants soutiennent que le plan définitif affiché en mairie le 11 mars 1996 n'aurait pas été visé par le géomètre agréé pour la réalisation des opérations de remembrement mais par un confrère étranger à ces opérations, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le soutient en défense le préfet sans être sérieusement contredit que ce visa résulte d'une erreur matérielle s'étant produite lors de l'édition des plans ; que celle-ci est sans incidence sur la régularité des conditions dans lesquelles ce plan a été établi ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que l'arrêté ordonnant le remembrement dans une commune et en fixant le périmètre, qui n'a le caractère ni d'une décision individuelle ni d'un acte réglementaire, ne constitue pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, avec les décisions qui le suivent et le précèdent, une opération complexe ; que, néanmoins, l'annulation de cet arrêté est en principe de nature à entraîner l'annulation par voie de conséquence de ceux des actes postérieurs qui soit en font application soit sont pris sur son fondement ; mais que, ainsi qu'il a été dit plus haut, statuant après la date du transfert de propriété sur un recours dirigé contre un acte pris dans le cadre des opérations d'aménagement foncier, il ne peut faire droit à une exception tirée de l'illégalité de l'acte ordonnant ces opérations que si celui-ci a fait l'objet d'une annulation ou d'une suspension avant le transfert de propriété ; que l'arrêté ordonnant le remembrement de la commune de Boissy-aux-Cailles ayant été annulé postérieurement à la date du dépôt en mairie du nouveau plan, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué doit être annulé par voie de conséquence ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions de M. et Mme Roger C, M. Etienne C, M. Roland A et M. Pascal A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme Roger C, M. Etienne C, M. Roland A et M. Pascal A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 24 juin 2004 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 8 juin 1999 du tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : La requête introduite par M. CLOUZEAU et autres devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme Roger C, M. Etienne C, M. Roland A et M. Pascal A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, à M. et Mme Roger C, à M. Etienne C, à M. Roland A, à M. Pascal A et à la commune de Boissy-aux-Cailles.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 272056
Date de la décision : 03/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2007, n° 272056
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : BROUCHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:272056.20071203
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