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03/12/2007 | FRANCE | N°305974

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 03 décembre 2007, 305974


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 11 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'ACHERES, représentée par son maire ; la COMMUNE D'ACHERES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 mai 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a, à la demande de M. et Mme Yohann B, suspendu l'exécution de la décision du 13 mars 2007 du maire d'Achères décidant d'exercer le droit de préemption urbain sur un bien situé ..., cadastré section BD n

° 35 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présen...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 11 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'ACHERES, représentée par son maire ; la COMMUNE D'ACHERES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 mai 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a, à la demande de M. et Mme Yohann B, suspendu l'exécution de la décision du 13 mars 2007 du maire d'Achères décidant d'exercer le droit de préemption urbain sur un bien situé ..., cadastré section BD n° 35 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée devant le tribunal administratif de Versailles par M. et Mme B ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'urbanisme, modifié notamment par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,

- les observations de la SCP Richard, avocat de la COMMUNE D'ACHERES et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. et Mme B,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dispose : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...). / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine » ; qu'aux termes de l'article L. 210-2 : « En cas de vente d'un immeuble à usage d'habitation, la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le maintien dans les lieux des locataires » ; que selon l'article L. 300-1 du même code, les actions ou opérations d'aménagement des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale ont notamment pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain ou une politique locale de l'habitat et de permettre le renouvellement urbain ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le droit de préemption urbain ne peut être exercé, outre le cas prévu à l'article L. 210-2 du code de l'urbanisme, qu'en vue de la poursuite d'un des objets énumérés à l'article L. 300-1 de ce code ; que si une commune peut, en application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme reproduites ci-dessus, issues de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, motiver la décision de préemption qu'elle prend par référence à une délibération par laquelle elle a délimité des périmètres dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine, sans avoir à justifier, à la date de cette décision, du caractère suffisamment précis et certain du projet qu'elle entend mener grâce au bien préempté, la légalité d'une telle décision demeure, en vertu du premier alinéa du même article, subordonnée à la poursuite par la commune d'un objet conforme aux finalités énoncées à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

Considérant, d'autre part, que si les dispositions précitées permettent à une commune d'exercer le droit de préemption urbain sur un immeuble aux fins de reloger des personnes évincées de leur habitation en raison d'une opération d'aménagement, que le bien préempté soit situé dans la zone dans laquelle cette opération est menée ou en dehors de celle-ci, c'est à la condition que l'acquisition de ce bien et ce relogement s'inscrivent dans le cadre d'une politique locale de l'habitat qui implique le développement organisé d'une offre de logements adaptée aux besoins propres de différentes catégories de population ;

Considérant que, saisi par M. et Mme B, acquéreurs évincés, d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision en date du 13 mars 2007 par laquelle le maire d'Achères a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur un bien mis en vente par Mme C, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté l'urgence qui s'attachait pour les requérants à une telle suspension, a fait droit à cette demande au motif que le moyen tiré de ce que la décision de préemption litigieuse n'était pas liée à une action ou une opération prévue à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme était propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que pour statuer ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles s'est expressément fondé, d'une part, sur ce que la seule circonstance que le bien préempté se situerait à l'intérieur du périmètre d'études créé par une délibération en date du 4 décembre 2003, à laquelle la décision attaquée fait référence, ne dispensait pas la commune de justifier de la conformité de l'objet de la préemption litigieuse avec les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, et, d'autre part, sur ce que, en l'espèce, la décision de préemption litigieuse ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une politique locale de l'habitat impliquant le développement organisé d'une offre de logements adaptée aux besoins propres de chaque catégorie de population ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en statuant ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'aucun des autres moyens invoqués par la COMMUNE D'ACHERES n'est de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la COMMUNE D'ACHERES doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, au profit de M. et Mme B, la somme de 1 500 euros à ce même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la COMMUNE D'ACHERES est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE D'ACHERES versera à M. et Mme B une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'ACHERES, à M. et Mme Yohann B et à Mme Liliane C.

Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 305974
Date de la décision : 03/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2007, n° 305974
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Alexandre Lallet
Rapporteur public ?: M. Derepas
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:305974.20071203
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