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05/12/2007 | FRANCE | N°295671

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 05 décembre 2007, 295671


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juillet, 19 octobre et 9 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Bessam A, agissant au nom de leur fille mineure Sara, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 24 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 30 août 2005 du tribunal administratif de Nancy rejetant leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2004 pa

r laquelle le recteur de l'académie de Nancy-Metz a confirmé l'exclus...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juillet, 19 octobre et 9 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Bessam A, agissant au nom de leur fille mineure Sara, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 24 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 30 août 2005 du tribunal administratif de Nancy rejetant leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2004 par laquelle le recteur de l'académie de Nancy-Metz a confirmé l'exclusion définitive de leur fille Sara du collège Guillaume-Apollinaire au Tholy (Vosges) prononcée le 22 novembre 2004 par le conseil de discipline de l'établissement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 141-5-1 issu de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Barbat, Auditeur,

- les observations de Me Blanc, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004 : Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève ;

Considérant qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits, que le carré de tissu de type bandana couvrant la chevelure de Mlle A était porté par celle-ci en permanence et qu'elle-même et sa famille avaient persisté avec intransigeance dans leur refus d'y renoncer, la cour administrative d'appel de Nancy a pu, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, déduire de ces constatations que Mlle A avait manifesté ostensiblement son appartenance religieuse par le port de ce couvre-chef, qui ne saurait être qualifié de discret, et, dès lors, avait méconnu l'interdiction posée par la loi ;

Considérant, en deuxième lieu, que la sanction de l'exclusion définitive de l'établissement scolaire prononcée à l'encontre de Mlle A résulte de son refus de respecter l'interdiction édictée à l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation ; que cette interdiction ne méconnaît pas les stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à la liberté de pensée, de conscience et de religion, dès lors qu'elle ne porte pas à cette liberté une atteinte excessive au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics ; qu'ainsi, cette sanction ne saurait par elle-même méconnaître ces stipulations ; qu'il s'ensuit que la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la sanction attaquée ne méconnaissait pas les dispositions de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à la suite de son exclusion définitive du collège, Mlle A pouvait, pour bénéficier du droit à l'instruction, soit être inscrite dans un établissement public en se conformant aux dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, soit être inscrite au centre national de l'enseignement à distance (CNED), soit encore être inscrite dans un établissement privé, soit enfin être instruite dans sa famille dans les conditions prévues par l'article L. 131-2 du code de l'éducation, ainsi, d'ailleurs, que le recteur l'a indiqué à ses parents en leur notifiant la sanction prise à son encontre ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette sanction ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquelles nul ne peut être privé du droit à l'instruction ;

Considérant, en quatrième lieu, que la sanction prise à l'encontre de Mlle A, qui vise à assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics sans discrimination entre les confessions des élèves, ne méconnaît pas le principe général de non discrimination édicté par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette sanction ne méconnaissait pas ces stipulations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Bessam A et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Nancy-Metz.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 295671
Date de la décision : 05/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES DE LAÏCITÉ ET DE NEUTRALITÉ - ENSEIGNEMENT PUBLIC - PORT DE SIGNES D'APPARTENANCE RELIGIEUSE - A) CRITÈRES ISSUS DE LA LOI DU 15 MARS 2004 - B) APPLICATION AU CAS DU BANDANA [RJ1].

01-04-03 a) Il résulte des dispositions de L'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issues de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004, que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève.,,b) Après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits, que le carré de tissu de type bandana couvrant la chevelure de Mlle G. était porté par celle-ci en permanence et qu'elle-même et sa famille avaient persisté avec intransigeance dans leur refus d'y renoncer, la cour administrative d'appel a pu, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, déduire de ces constatations que Mlle G. avait manifesté ostensiblement son appartenance religieuse par le port de ce couvre-chef, qui ne saurait être qualifié de discret, et, dès lors, avait méconnu l'interdiction posée par la loi.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES INTÉRESSANT L'ACTION ADMINISTRATIVE - NEUTRALITÉ DU SERVICE PUBLIC - PRINCIPES DE LAÏCITÉ ET DE NEUTRALITÉ - ENSEIGNEMENT PUBLIC - PORT DE SIGNES D'APPARTENANCE RELIGIEUSE - A) CRITÈRES ISSUS DE LA LOI DU 15 MARS 2004 - B) APPLICATION AU CAS DU BANDANA [RJ1].

01-04-03-07-02 a) Il résulte des dispositions de L'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issues de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004, que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève.,,b) Après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits, que le carré de tissu de type bandana couvrant la chevelure de Mlle G. était porté par celle-ci en permanence et qu'elle-même et sa famille avaient persisté avec intransigeance dans leur refus d'y renoncer, la cour administrative d'appel a pu, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, déduire de ces constatations que Mlle G. avait manifesté ostensiblement son appartenance religieuse par le port de ce couvre-chef, qui ne saurait être qualifié de discret, et, dès lors, avait méconnu l'interdiction posée par la loi.

21 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES INTÉRESSANT L'ACTION ADMINISTRATIVE - NEUTRALITÉ DU SERVICE PUBLIC - PRINCIPES DE LAÏCITÉ ET DE NEUTRALITÉ - ENSEIGNEMENT PUBLIC - PORT DE SIGNES D'APPARTENANCE RELIGIEUSE - A) CRITÈRES ISSUS DE LA LOI DU 15 MARS 2004 - B) APPLICATION AU CAS DU BANDANA [RJ1].

21 a) Il résulte des dispositions de L'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issues de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004, que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève.,,b) Après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits, que le carré de tissu de type bandana couvrant la chevelure de Mlle G. était porté par celle-ci en permanence et qu'elle-même et sa famille avaient persisté avec intransigeance dans leur refus d'y renoncer, la cour administrative d'appel a pu, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, déduire de ces constatations que Mlle G. avait manifesté ostensiblement son appartenance religieuse par le port de ce couvre-chef, qui ne saurait être qualifié de discret, et, dès lors, avait méconnu l'interdiction posée par la loi.

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS GÉNÉRALES - PRINCIPES DE LAÏCITÉ ET DE NEUTRALITÉ - ENSEIGNEMENT PUBLIC - PORT DE SIGNES D'APPARTENANCE RELIGIEUSE - A) CRITÈRES ISSUS DE LA LOI DU 15 MARS 2004 - B) APPLICATION AU CAS DU BANDANA [RJ1].

30-01 a) Il résulte des dispositions de L'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issues de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004, que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève.,,b) Après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits, que le carré de tissu de type bandana couvrant la chevelure de Mlle G. était porté par celle-ci en permanence et qu'elle-même et sa famille avaient persisté avec intransigeance dans leur refus d'y renoncer, la cour administrative d'appel a pu, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, déduire de ces constatations que Mlle G. avait manifesté ostensiblement son appartenance religieuse par le port de ce couvre-chef, qui ne saurait être qualifié de discret, et, dès lors, avait méconnu l'interdiction posée par la loi.

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS GÉNÉRALES - QUESTIONS GÉNÉRALES CONCERNANT LES ÉLÈVES - PRINCIPES DE LAÏCITÉ ET DE NEUTRALITÉ - ENSEIGNEMENT PUBLIC - PORT DE SIGNES D'APPARTENANCE RELIGIEUSE - A) CRITÈRES ISSUS DE LA LOI DU 15 MARS 2004 - B) APPLICATION AU CAS DU BANDANA [RJ1].

30-01-03 a) Il résulte des dispositions de L'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issues de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004, que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève.,,b) Après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits, que le carré de tissu de type bandana couvrant la chevelure de Mlle G. était porté par celle-ci en permanence et qu'elle-même et sa famille avaient persisté avec intransigeance dans leur refus d'y renoncer, la cour administrative d'appel a pu, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, déduire de ces constatations que Mlle G. avait manifesté ostensiblement son appartenance religieuse par le port de ce couvre-chef, qui ne saurait être qualifié de discret, et, dès lors, avait méconnu l'interdiction posée par la loi.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - RÉGULARITÉ INTERNE - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - CARACTÈRE OSTENSIBLE DE LA MANIFESTATION PAR UN ÉLÈVE DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DE SON APPARTENANCE RELIGIEUSE (ART - L - 141-5-1 DU CODE DE L'ÉDUCATION) [RJ1].

54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits sur l'appréciation portée par les juges du fond sur le caractère ostensible de la manifestation, par un élève, de son appartenance religieuse.


Références :

[RJ1]

Cf. le cas du sous-turban sikh, décision du même jour, Singh, n° 285394, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 déc. 2007, n° 295671
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Philippe Barbat
Rapporteur public ?: M. Keller
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:295671.20071205
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