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14/12/2007 | FRANCE | N°262695

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 14 décembre 2007, 262695


Vu 1°) sous le n° 262695, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 15 décembre 2003, 15 avril 2004 et 19 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant partiellement droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à l'encontre du jugement du 8 septembre 1998 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il lui acco

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Vu 1°) sous le n° 262695, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 15 décembre 2003, 15 avril 2004 et 19 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant partiellement droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à l'encontre du jugement du 8 septembre 1998 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il lui accordait la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1990, a annulé l'article 1er de ce jugement et remis ces impositions à la charge de l'exposant ;

2°) réglant l'affaire au fond, de le décharger des impositions et pénalités litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°) sous le n° 277835, la requête, enregistrée le 21 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Philippe A, demeurant 4, rue des Terres Rouges à Saint-Julien-Les-Metz (57070) ; M. A demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à l'exécution de l'arrêt du 9 octobre 2003 de la cour administrative d'appel de Nancy faisant l'objet du pourvoi n° 262695 ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Brice Bohuon, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. Philippe A,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes de M. A présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 1990, M. A, exerçant la profession de marchand de biens, a cédé l'ensemble des actions de la société anonyme d'investissements et de participations commerciales, industrielles et artisanales (SIPCIA) qu'il possédait ; que la plus-value résultant de cette cession n'a pas donné lieu à déclaration fiscale de la part de M. A ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société anonyme SIPCIA, l'administration a estimé que cette plus-value devait être imposée selon les règles prévues par l'article 150 A bis du code général des impôts pour les cessions par des particuliers de titres de sociétés à prépondérance immobilière ; que, M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy qui, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg le déchargeant de l'ensemble des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1990, a remis à sa charge ces mêmes impositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 150 A bis du code général des impôts : « Les gains nets retirés de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux de sociétés non cotées dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens relèvent exclusivement du régime d'imposition prévu pour les biens immeubles. Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale (...) » ; qu'aux termes de l'article 74 A bis de l'annexe II audit code : « Pour l'application de l'article 150 A bis du code général des impôts, sont considérées comme sociétés à prépondérance immobilière les sociétés non cotées en bourse, autres que les sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie, dont l'actif est constitué pour plus de 50 % de sa valeur par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 35 du code général des impôts : « I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. » ; qu'il résulte de ces dispositions que les bénéfices réalisés à l'occasion de la cession d'immeubles sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux lorsque ces cessions sont faites par un contribuable qui se livre habituellement à l'activité de marchand de biens, sauf à établir soit que les immeubles qu'il a vendus avaient été acquis pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux et que, de ce fait, leur vente relevait de la simple gestion de son patrimoine personnel, soit que les immeubles en cause constituaient sa résidence principale ;

Considérant qu'après avoir jugé, eu égard à la composition de l'actif de la société anonyme SIPCIA, qu'elle devait être regardée comme une société à prépondérance immobilière, la cour administrative d'appel de Nancy, pour juger que les titres de cette société appartenaient au patrimoine privé de M. A, qui exerce à titre individuel la profession de marchand de biens, s'est bornée à relever que l'intéressé avait pris la décision de ne pas porter les actions en cause à l'actif de son entreprise professionnelle, sans rechercher si cette opération relevait de la gestion de son patrimoine personnel ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que par suite, M. A est fondé à demander l'annulation l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant, d'une part, que la société anonyme SIPCIA avait pour objet « en tous pays, les investissements de toute nature et notamment la prise de participation dans toutes sociétés, l'acquisition, le lotissement, l'aménagement, la construction, l'administration et la vente de tous immeubles bâtis ou non bâtis, à caractère industriel, commercial ou professionnel, et le négoce de tous biens mobiliers, et toutes activités similaires, connexes et annexes, ainsi que toutes opérations techniques, financières, mobilières et immobilières, se rattachant directement ou indirectement aux activités ci-dessus ou susceptibles d'en faciliter la réalisation et le développement » ; que, lors de la cession d'actions réalisée par M. A, l'actif de cette société n'était constitué, hormis un crédit de TVA, que d'un terrain acquis en 1988, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait été affecté à l'exercice, par la société anonyme SIPCIA, d'une activité industrielle, nonobstant la circonstance que ce terrain, situé sur une ancienne gravière, aurait pu faire l'objet d'une exploitation comme décharge ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que la société anonyme SIPCIA, en raison même de son objet social et de la circonstance que ses dirigeants exerçaient l'activité de marchands de biens, se livrait elle-même à une telle activité et que le terrain inscrit à son actif aurait été affecté à son exploitation ; qu'ainsi la société anonyme SIPCIA, constituait, compte tenu de la composition de son actif, une société à prépondérance immobilière ;

Considérant, d'autre part, qu'il est constant que M. A exerce à titre individuel la profession de marchand de biens depuis 1982 ; qu'eu égard aux conditions dans lesquelles les actions de la société anonyme SIPCIA ont été cédées ainsi qu'aux caractéristiques du terrain inscrit à son actif, situé dans une zone industrielle, la cession en cause doit être regardée, en l'absence de tout autre élément relatif au rattachement de cette opération à la gestion de son patrimoine personnel, non pas comme ayant été réalisée afin de satisfaire des besoins personnels ou familiaux de M. A mais comme relevant de son activité professionnelle, malgré l'absence d'inscription de ces actions à l'actif du bilan de son entreprise de marchand de biens ; qu'ainsi, la plus-value résultant de cette cession constitue pour le requérant un bénéfice industriel et commercial ; que par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 8 septembre 1998, le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur ce que la plus-value litigieuse avait constitué un revenu imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour accorder à M. A la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1990 ;

Considérant, toutefois, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à titre subsidiaire que la plus-value litigieuse soit imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts ; que si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de demander une substitution de base légale, c'est à la condition que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties qui auraient pu lui être offertes par l'application de la nouvelle base légale ; que l'imposition initiale sous le régime des plus-values des particuliers ne comportait pas la faculté pour le contribuable de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire alors que cette garantie est offerte en cas de redressement des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'ainsi la substitution demandée par le ministre qui prive le contribuable de la faculté qu'il aurait eu de saisir cette commission ne saurait être accueillie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Nancy doivent être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre des frais exposés par M. A, devant la cour administrative d'appel de Nancy et devant le Conseil d'Etat, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 9 octobre 2003 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'économie des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Nancy sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 9 octobre 2003.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 262695
Date de la décision : 14/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2007, n° 262695
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Brice Bohuon
Rapporteur public ?: Mme Landais Claire
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:262695.20071214
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