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21/12/2007 | FRANCE | N°288099

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21 décembre 2007, 288099


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2005 et 10 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE -AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS », dont le siège est Site de Bourran, avenue Saint-Pierre - BP 31 à Rodez cedex 9 (12033), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » demande au Conseil d'Etat :
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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2005 et 10 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE -AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS », dont le siège est Site de Bourran, avenue Saint-Pierre - BP 31 à Rodez cedex 9 (12033), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 13 octobre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 mars 2001 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987 et 1988, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) statuant au fond, d'annuler l'article 3 du jugement du 20 mars 2001 du tribunal administratif de Toulouse et de la décharger des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de la SOCIETE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS »,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration a réintégré dans le bénéfice de la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS », au titre des exercices clos en 1987 et 1988, d'une part, les avances sans intérêt d'un montant de 1 062 040 francs consenties à une société filiale espagnole, d'autre part, une provision pour perte correspondant au risque de mévente des stocks de semences agricoles détenus par la société, enfin des salaires déduits au titre du crédit d'impôt recherche ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 octobre 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ayant confirmé le bien-fondé de ces redressements ;

En ce qui concerne les avances sans intérêt :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS », sa filiale espagnole avait été créée en 1980 et n'était, par suite, pas en phase de constitution ; que la gravité des difficultés financières de cette filiale, invoquées par la société requérante, n'est en tout état de cause pas établie ; qu'après avoir relevé que la requérante ne trouvait aucune contrepartie directe à permettre à sa filiale d'utiliser sans coût les ressources de sa trésorerie et qu'elle n'établissait pas que cette aide aurait contribué à diversifier les débouchés pour ses propres produits en Espagne, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu légalement qualifier d'acte anormal de gestion, sans dénaturer les faits de l'espèce, l'avance sans intérêt consentie par la société requérante à sa filiale ;

En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche :

Considérant que la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt d'aucune contradiction de motifs en jugeant que la circonstance que les travailleurs saisonniers et les stagiaires employés par la société requérante étaient placés sous l'autorité de responsables de recherche ne suffisait pas à faire regarder ces salariés comme des techniciens de recherche, pour l'application des dispositions du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; que la cour n'était pas tenue de donner la définition du technicien de recherche, qui figure à l'article 49 septies G de l'annexe III au même code pris pour l'application de l'article 244 quater B et que son arrêt est ainsi suffisamment motivé sur ce point ;

En ce qui concerne les provisions pour risque de mévente des semences :

Considérant que, pour rejeter les conclusions de la requérante dirigées contre la réintégration de provisions pour risque de mévente de semences, la cour administrative d'appel s'est fondée sur le seul motif que la perte invoquée ne pouvait être regardée que comme un manque à gagner, « en l'absence notamment de toute précision sur le prix de revient » des stocks en cause ; qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier soumis aux juges d'appel que si l'administration, qui soutenait à titre principal que la condition tenant au caractère probable de la perte alléguée n'était pas remplie en l'espèce, s'était interrogée sur la pertinence de certains des éléments de calcul utilisés par la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » pour établir l'existence d'une perte, elle n'avait nullement contesté le prix de revient retenu par la société ; qu'en se fondant ainsi sur un tel moyen, qui n'était pas soulevé devant elle et n'est pas d'ordre public, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'irrégularité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 octobre 2005 en tant seulement qu'il est relatif à la provision pour risque de mévente ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et de statuer sur l'appel de la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par la société requérante ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte des éléments nouveaux produits devant la cour administrative d'appel que la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » justifie le caractère probable de la perte alléguée par l'obsolescence rapide des stocks de semences agricoles non vendues dans l'année de leur production, du fait notamment de l'apparition de variétés nouvelles plus performantes ; qu'elle produit en particulier des statistiques issues des données comptables de l'entreprise et fondées sur les courbes des ventes des variétés de semences en cause durant une période de quinze ans, faisant apparaître un taux de décroissance annuel moyen compris entre 20 % et 30 % dans les cinq années suivant la production ; qu'ainsi, la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » est dans les circonstances de l'espèce fondée à soutenir qu'elle était en droit de déduire une provision pour perte, dont l'administration ne conteste pas sérieusement ni la nature, ni les modalités de calcul ; qu'il y a lieu, dès lors, de réformer sur ce point le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 20 mars 2001 et d'accorder la décharge des impositions et pénalités correspondantes ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société requérante d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle à tous les stades de la procédure contentieuse et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 octobre 2005 est annulé en tant qu'il est relatif aux provisions pour risque de mévente.

Article 2 : La SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de provisions pour risque de mévente dans son bénéfice imposable au titre des exercices 1987 et 1988, ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 20 mars 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT DU PLATEAU CENTRAL « ROUERGUE-AUVERGNE-GEVAUDAN-TARNAIS » et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 288099
Date de la décision : 21/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2007, n° 288099
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: Mlle Verot Célia
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:288099.20071221
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