Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 27 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bertrand A demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a d'une part, annulé le jugement du 11 juin 2002 du tribunal administratif de Fort-de-France ayant annulé la décision du 8 janvier 1999 par laquelle le directeur général des douanes et des droits indirects a rejeté sa demande tendant au versement de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer et condamné l'Etat à lui verser cette indemnité avec les intérêts au taux légal, d'autre part, rejeté sa demande devant le tribunal administratif ;
2°) statuant au fond, de rejeter l'appel du ministre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Carbonnier, avocat de M. Bertrand A,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du pourvoi de M. A :
Considérant qu'il n'est pas contesté que le présent pourvoi de M. A dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 novembre 2005 a été introduit dans le délai de recours ; que la circonstance que dans une autre instance, dirigée contre le même arrêt, le Conseil d'Etat ait donné acte à M. A de son désistement d'office, faute pour l'intéressé d'avoir produit dans le délai le mémoire ampliatif qu'il avait annoncé, est sans incidence sur la recevabilité du présent pourvoi ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que la cour a fait droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 11 juin 2002 ayant annulé la décision du directeur général des douanes et des droits indirects du 8 janvier 1999 refusant à M. A le bénéfice de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer prévue par le décret du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer, sans se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par M. A dans son mémoire en réplique enregistré le 10 octobre 2005 ; que par suite, son arrêt est irrégulier ; que M. A est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la recevabilité de l'appel du ministre :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 14 août 2002 ; que le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 11 juin 2002 ayant été notifié au ministre le 14 juin 2002, l'appel n'est pas tardif ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans un département d'outre-mer : Les fonctionnaires de l'Etat qui recevront une affectation dans l'un des départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique ou de la Réunion, à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation et dont le précédent domicile était distant de plus de 3 000 km du lieu d'exercice de leurs nouvelles fonctions percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de services de quatre années consécutives, une indemnité dénommée indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer (...) ; que le domicile du fonctionnaire, au sens des dispositions précitées, doit s'entendre du lieu où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'agent ;
Considérant que M. A est né en Martinique, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans ; qu'il est arrivé en métropole en 1973 et a été recruté par l'administration des douanes le 1er septembre 1974 ; qu'il a résidé en métropole, où il a fondé une famille, de 1973 jusqu'au 31 décembre 1995 ; que toutefois, il a obtenu durant cette période, successivement, six congés bonifiés pour se rendre en Martinique, où résident ses parents, avant d'obtenir, à sa demande, sa mutation en Martinique ; que ces circonstances révèlent que M. A avait, avant sa mutation, conservé le centre de ses intérêts dans ce département d'outre-mer ; qu' il ne remplissait pas, par suite, les conditions fixées par l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 précité pour l'obtention de l'indemnité d'éloignement ; qu'ainsi, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé la décision du 8 janvier 1999 par laquelle le directeur général des douanes et des droits indirects avait refusé à M. A le bénéfice de l'indemnité d'éloignement, et a condamné l'Etat à verser la somme correspondante, augmentée des intérêts de droit, à M. A ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 novembre 2005 et le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 11 juin 2002 sont annulés.
Article 2 : La demande de M. A devant le tribunal administratif de Fort-de-France est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bertrand A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.