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09/01/2008 | FRANCE | N°271472

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 09 janvier 2008, 271472


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 24 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gaston A, demeurant ...) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé contre le jugement du 2 décembre 1999 du tribunal administratif de Strasbourg qui l'a condamné à démolir trois bâtiments édifiés sur une zone non aedificandi de la servitude défensive du fort de Mutzig et à retirer le branchement pr

ovenant de sa propriété sur le regard de la canalisation de l'Etat ;

2°) ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 24 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gaston A, demeurant ...) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé contre le jugement du 2 décembre 1999 du tribunal administratif de Strasbourg qui l'a condamné à démolir trois bâtiments édifiés sur une zone non aedificandi de la servitude défensive du fort de Mutzig et à retirer le branchement provenant de sa propriété sur le regard de la canalisation de l'Etat ;

2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 2 décembre 1999 et de rejeter la demande du ministre de la défense tendant à obtenir la démolition des constructions et l'enlèvement du branchement litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 10 juillet 1791 sur la conservation et le classement des places de guerre et des postes militaires ;

Vu la loi du 29 Floréal an X relative aux contraventions en matière de grande voirie ;

Vu la loi du 16 février 1932 portant : 1° déclassement d'ouvrages de fortifications ; 2° additions et modifications au tableau de classement des places de guerre et postes défensifs de la France, modifiée par le décret du 27 juin 2001 portant modification de la première zone de servitude défensive du fort de Mutzig situé sur le territoire des communes de Mutzig, Molsheim, Avolsheim, Soultz-les-Bains et Dangolsheim (Bas-Rhin) ;

Vu le décret du 10 Août 1853 relatif au classement des places de guerre et des postes militaires et aux servitudes imposées autour des fortifications ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a été déféré par le préfet du Bas-Rhin devant le tribunal administratif de Strasbourg pour une contravention de grande voirie dressée à son encontre par un procès-verbal en date du 30 janvier 1998, en application des dispositions du décret du 10 août 1853 susvisé, alors applicable ; que, par un jugement du 2 décembre 1999, ce tribunal l'a condamné à démolir les trois bâtiments construits illégalement sur une zone non aedificandi de la servitude défensive du fort de Mutzig et à retirer le branchement provenant de sa propriété sur le regard de la canalisation de l'Etat ; que, par un arrêt du 21 juin 2004, contre lequel M. A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête comme irrecevable ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, applicable à la date d'enregistrement de l'appel formé par M. A contre le jugement précité du tribunal administratif de Strasbourg : La requête (...) doit contenir l'exposé des faits et moyens (...) L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a présenté, dans le délai de recours, devant la cour administrative d'appel de Nancy, un mémoire d'appel qui ne constituait pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance mais énonçait à nouveau, de manière précise, les critiques adressées à la décision dont il avait demandé l'annulation au tribunal administratif ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, par suite, en rejetant cette requête d'appel comme non recevable, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que son arrêt en date du 21 juin 2004 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 10 août 1853 susvisé : Les servitudes défensives autour des places et des postes s'exercent sur les propriétés qui sont comprises dans trois zones commençant aux fortifications et s'étendant respectivement aux distances de 250 mètres, 487 mètres et 974 mètres pour les places (...) ; qu'aux termes de l'article 19 de ce décret : Le chef du génie et l'ingénieur des ponts et chaussées en présence du maire ou de son adjoint, font procéder sur le terrain, aux frais du gouvernement, contradictoirement avec les propriétaires intéressés (...) au bornage des zones de servitudes ( ...), conformément au plan arrêté par le ministre de la guerre. ; qu'en vertu de l'article 20 du même décret, un procès-verbal de bornage est dressé sur lequel le maire ou son adjoint peuvent faire des observations et les parties peuvent former des réclamations ; qu'aux termes de l'article 21 du même décret : Dès qu'il a été définitivement statué sur les réclamations des parties intéressées, le plan de délimitation, ses annexes et le procès-verbal de bornage sont adressés par le directeur des fortifications au ministre de la guerre, qui les fait homologuer et rendre exécutoires par un décret (...) ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une zone de servitudes défensives ne peut être régulièrement établie autour d'une place de guerre que si elle a fait l'objet d'un bornage dont le procès-verbal a été homologué et rendu exécutoire par décret ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le groupe fortifié de Mutzig a été classé en première série du tableau de classement des places de guerre et ouvrages défensifs de la France par la loi du 16 février 1932 susvisée, qui prévoit, pour ce groupe fortifié, l'établissement de servitudes limitées à la première zone mentionnée à l'article 5 du décret du 10 août 1853 précité ; que si l'administration soutient que le bornage de cette zone de servitudes a été réalisé selon la procédure contradictoire prévue par les dispositions du décret du 10 août 1853 précité, elle n'est pas en mesure de produire le décret homologuant et rendant exécutoire le procès-verbal de bornage, prévu à l'article 21 de ce décret ; que, par suite, la zone de servitudes autour du fort de Mutzig n'était pas régulièrement établie, nonobstant la circonstance que la mention et le tracé des servitudes figurent au plan d'occupation des sols de la commune de Mutzig approuvé le 9 avril 1979 ; que le décret du 27 juin 2001 portant modification de la première zone de servitudes du fort de Mutzig ne saurait, en tout état de cause, fonder les poursuites engagées avant sa publication ; que, dès lors, M. A ne peut être poursuivi au motif de l'atteinte au domaine de l'Etat qui aurait été portée par les bâtiments construits et le branchement établi sur cette zone de servitudes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, il a été condamné à démolir trois bâtiments et à retirer un branchement provenant de sa propriété ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que M. A demande au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 21 juin 2004 de la cour administrative d'appel de Nancy et le jugement du 2 décembre 1999 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.

Article 2 : Le recours du préfet du Bas-Rhin présenté devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Gaston A, au préfet du Bas-Rhin et au ministre de la défense.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 jan. 2008, n° 271472
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: M. Marc El Nouchi
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 09/01/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 271472
Numéro NOR : CETATEXT000018259610 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-01-09;271472 ?
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