La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2008 | FRANCE | N°282095

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 09 janvier 2008, 282095


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 4 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SITA FD, dont le siège est 132, rue des Trois Fontanots à Nanterre (92758 cedex) représentée par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ; la SOCIETE SITA FD, anciennement dénommée société France Déchets, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 3 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'ann

ulation du jugement du 24 janvier 2002 du tribunal administratif de Lille rejet...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 4 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SITA FD, dont le siège est 132, rue des Trois Fontanots à Nanterre (92758 cedex) représentée par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ; la SOCIETE SITA FD, anciennement dénommée société France Déchets, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 3 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 24 janvier 2002 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996, 1997 et 1998 dans les rôles de la commune de Hersin-Coupigny et, d'autre part, à la réduction des impositions litigieuses ;

2°) statuant au fond, de prononcer la réduction des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la SOCIETE SITA FD,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE SITA FD exploite sur le territoire de la commune de Hersin-Coupigny (Pas-de-Calais) une installation classée pour la protection de l'environnement de décharge contrôlée de déchets ménagers et industriels ; que, pour le calcul de la taxe professionnelle due par la SOCIETE SITA FD au titre des années 1996, 1997 et 1998, l'administration fiscale a retenu que cette installation était passible de la taxe foncière sur les propriétés bâties, et non, comme le soutenait la société, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; qu'après avoir vainement réclamé contre ces impositions, la SOCIETE SITA FD a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille qui, par jugement du 24 janvier 2002, a rejeté ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996, 1997 et 1998 dans les rôles de la commune de Hersin-Coupigny ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur son appel, confirmé ce jugement ;

Considérant qu'une interprétation formelle de la loi fiscale par l'administration est susceptible d'être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, quand bien même cette interprétation relative à un impôt serait exprimée dans un document concernant au premier chef un autre impôt ; que, par suite, en jugeant que la société requérante ne pouvait utilement se prévaloir des énonciations de la documentation administrative de base, au seul motif que cette documentation de base était relative à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, alors que l'administration estimait que la valeur locative devait être calculée selon les règles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, sans rechercher si cette documentation ne contenait pas expressément une interprétation formelle de la loi fiscale relative soit à la taxe professionnelle, soit aux dispositions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties rendues applicables à la taxe professionnelle en vertu de la loi, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que la société SITA FD est fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à en demander l'annulation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur l'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties au regard de la loi fiscale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'exploitation d'une décharge contrôlée de déchets ménagers et industriels requiert l'utilisation ou la création de cavités dénommées caissons destinées à accueillir les déchets avant d'être recouvertes de terre et de végétation ; que quatre zones distinctes peuvent être identifiées sur le terrain en litige, la première étant constituée soit de caissons creusés lors de l'exploitation antérieure des lieux comme carrières, soit de terrains où des excavations sont réalisées pour créer de nouveaux caissons, la deuxième, de caissons où l'enfouissement par tranches des déchets est opéré, la troisième comprenant les terrains où les caissons ont été remplis de déchets puis recouverts d'une couche de terre ainsi que de végétation, la quatrième ne pouvant accueillir, aux termes de l'arrêté du 26 juillet 1982 du préfet du Pas-de-Calais autorisant l'exploitation, que des terres de remblais non polluées et en aucun cas des déchets ; qu'ainsi, les surfaces respectives des trois premières zones ont vocation à évoluer au rythme du remplissage de la décharge, et ce jusqu'à ce que l'intégralité du périmètre dans lequel est autorisé le versement des déchets soit rempli de déchets et recouvert de terre et de végétation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : La taxe professionnelle a pour base : / 1° (...) / a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : La valeur locative est déterminée comme suit : / 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ; qu'aux termes de l'article 1381 du code général des impôts : Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) 5° Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux (...) ; que sont employés à un usage industriel, au sens de l'article 1381-5° du code général des impôts, les terrains non cultivés sur lesquels est réalisée une activité nécessitant d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations faites auprès de l'administration fiscale par la SOCIETE SITA FD elle-même, que les opérations d'enfouissement de déchets effectuées sur ce terrain requièrent d'importants moyens techniques, dont une station d'épuration ; que ces moyens jouent un rôle prépondérant dans l'activité ; que, dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que les terrains en cours d'enfouissement avaient un usage industriel, au sens et pour l'application des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts ;

Considérant par ailleurs qu'en mentionnant, pour les assimiler à des propriétés bâties au regard de la taxe foncière, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, l'article 1381-5° du code général des impôts doit être entendu comme visant les terrains qui ont été affectés à de tels usages, du moment qu'ils n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des prescriptions de l'arrêté susmentionné du préfet du Pas-de-Calais autorisant l'exploitation de la décharge, que les terrains destinés à l'accueil des déchets ne sauraient se voir attribuer un autre usage ; que, dès lors, la circonstance que la partie du terrain où les déchets ont été déposés a été recouverte d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation, ne saurait à elle seule lui faire perdre son usage industriel ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les terrains compris dans l'enceinte de l'installation et sur lesquels l'enfouissement des déchets est interdit aient été affectés à un usage autre que l'exploitation de la décharge ; qu'enfin, si l'exploitation d'une décharge contrôlée de déchets industriels et ménagers peut nécessiter d'extraire des volumes significatifs de matériaux du sol, notamment dans le but de créer les caissons au format prescrit par la réglementation, cette activité d'extraction de matériaux n'est que l'accessoire de l'exploitation de cette décharge, dont la finalité demeure l'enfouissement des déchets en vue de limiter leur nocivité à l'égard des personnes et de l'environnement ; que, dès lors, la partie du terrain ayant donné ou donnant lieu à l'extraction des matériaux du sol afin de permettre de constituer les caissons conserve son usage industriel et ne saurait être regardée comme une carrière au sens de l'article 1393 du code général des impôts, aux termes duquel : La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. / Elle est notamment due pour les terrains occupés par (...) les carrières (...) ; qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des terrains litigieux ont un usage industriel au sens et pour l'application de l'article 1381-5° du code général des impôts ; que, dès lors, la SOCIETE SITA FD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré, pour l'établissement de la taxe professionnelle, l'ensemble des parcelles en litige comme étant passibles, sur le fondement de la loi fiscale, de la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant que la SOCIETE SITA FD invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations de la documentation administrative de base référencée 6 B-113, selon lesquelles les carrières sont imposées à la taxe foncière sur les propriétés non bâties à raison de la superficie du terrain occupée pour leur exploitation ; que la société invoque également les énonciations de la documentation de base 6 B-211, qui renvoient à celles de l'annexe 2 de l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 mentionnée à l'article 1509 du code général des impôts, selon laquelle les dépôts de décombres, scories, etc... doivent être rattachés à la catégorie des landes, pâtis, bruyères, marais, terre vaine et vague, eux-mêmes assujettis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; qu'enfin, la société invoque les énonciations de l'annexe 23 de la documentation de base 11 CAD, selon lesquelles : même à défaut de matérialisation effective sur le terrain de bornes, piquets, clôtures, etc..., ne doivent pas être réunies dans une même parcelle non seulement les fractions d'une même propriété destinées à être louées séparément, mais encore les fractions non louées faisant l'objet d'exploitations distinctes ; que, toutefois, ces énonciations ne contiennent expressément aucune interprétation formelle de la loi fiscale relative soit à la taxe professionnelle, soit aux dispositions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties rendues applicables à la taxe professionnelle en vertu de la loi ; que, dès lors, la SOCIETE SITA FD n'est pas fondée à s'en prévaloir ;

Considérant qu'en ce qui concerne les terrains remplis de déchets et recouverts d'une couche de terre ainsi que de végétation, la société requérante invoque les énonciations de la documentation de base 6 C-114 relative à la taxe foncière sur les propriétés bâties, selon lesquelles les terrains en culture, alors même que cette culture serait purement accessoire, eu égard à l'usage industriel auquel ils sont affectés, ne peuvent être imposés comme chantiers (ex. prés utilisés par les blanchisseurs pour le séchage du linge). Il est nécessaire, en outre, qu'il y ait permanence, c'est-à-dire durée suffisamment prolongée de l'affectation, pour conférer effectivement au terrain en cause la qualité nouvelle de chantier, lieu de dépôt ou autre emplacement à caractère industriel ou commercial ; que, cependant, la circonstance que la couche de terre recouvrant les caissons remplis de déchets soit plantée d'arbres ne suffit pas à qualifier les surfaces ainsi boisées de terrains en culture ; que, par suite, la SOCIETE SITA FD ne rentre pas dans les prévisions de la documentation de base 6 C-114 et n'est pas fondée à s'en prévaloir ;

Sur l'évaluation de la valeur locative du terrain :

Considérant qu'aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments (...) des taux d'intérêts fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ; que, selon les dispositions de l'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts : Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies de la présente annexe (...) ; qu'aux termes de ce dernier article : Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat majoré des frais accessoires nécessaires à la mise en état d'utilisation du bien ;

Considérant que revêtent un caractère industriel, au sens de l'article 1499 précité du code général des impôts, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que tel est le cas en l'espèce ; que, dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que l'installation exploitée par la société requérante présentait un caractère industriel au sens et pour l'application de l'article 1499 précité du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 38 quinquies et 324 AE de l'annexe III au code général des impôts que c'est à bon droit que l'administration fiscale s'est fondée, pour évaluer la valeur locative du terrain en litige, sur le prix mentionné dans l'acte notarié, publié à la conservation des hypothèques le 11 mars 1993, par lequel la société propriétaire du terrain a acquis ce dernier, sans qu'il y ait lieu de distinguer au sein du coût d'acquisition ce qui relevait, le cas échéant, d'un surcroît de valeur lié à l'exploitation du terrain en vue de l'enfouissement des déchets ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE SITA FD n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par jugement en date du 24 janvier 2002, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SOCIETE SITA FD demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 3 mai 2005 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la SOCIETE SITA FD devant la cour administrative d'appel de Douai est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la SOCIETE SITA FD devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SITA FD et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 jan. 2008, n° 282095
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: M. Marc El Nouchi
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 09/01/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 282095
Numéro NOR : CETATEXT000018259625 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-01-09;282095 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award