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11/01/2008 | FRANCE | N°311613

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 11 janvier 2008, 311613


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Brahim A, élisant domicile au cabinet de Maître ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de la décision du 26 septembre 2007 par laquelle le consul général de France à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée en France en qualité de conjoint de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires é

trangères et européennes de réexaminer la demande sans délai, sous astreinte de tro...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Brahim A, élisant domicile au cabinet de Maître ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de la décision du 26 septembre 2007 par laquelle le consul général de France à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée en France en qualité de conjoint de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de réexaminer la demande sans délai, sous astreinte de trois cents euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la décision contestée est dépourvue de toute mention des voies et délais de recours ; qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'elle a été prise incompétemment ; que le consul général n'a réservé aucune suite à sa demande de communication des motifs de la décision ; que cet agent consulaire s'est estimé lié par son inscription au système d'information Schengen (SIS) alors qu'à la date du refus de visa le tribunal de grande instance de Paris l'avait relevé de son interdiction définitive du territoire, par jugement du 14 juin 2007 communiqué à l'autorité consulaire ; que le refus a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa vie personnelle et familiale ; que la décision prise est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît ainsi les stipulations des articles 6 à 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que la condition d'urgence est satisfaite, du fait de l'impossibilité pour le requérant de mener une vie familiale normale ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie du recours présenté à l'encontre de cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu, enregistré le 3 janvier 2008, le mémoire en défense présenté par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le moyen tiré de l'absence de mention dans la décision des voies et délais de recours est inopérant ; que le signataire de la décision avait reçu délégation pour prendre des décisions relatives aux refus de visas ; que la décision est suffisamment motivée ; que le relèvement de l'interdiction du territoire prononcée à l'encontre du requérant ne lui donne pas droit à ce que lui soit délivré un visa ; qu'un refus a pu, sans erreur manifeste d'appréciation ni erreur de droit, être opposé à M. A, compte tenu de son lourd passé judiciaire et de ce que l'intéressé a communiqué à l'appui de sa demande de visa un document juridictionnel falsifié ; que l'atteinte portée au respect du droit à une vie familiale du requérant n'est pas disproportionnée ; que les deux enfants du requérant vivent chacun avec leur mère et qu'ainsi les stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant ne sont pas violées ; que l'urgence n'est pas établie, compte tenu notamment des mesures que les mères des enfants de M. A sont en mesure de prendre pour les intérêts de leur enfant ;

Vu, enregistré le 9 janvier 2008, le mémoire en réplique présenté par M. A qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens qu'aucune tromperie ne peut être retenu à son encontre dans la présentation de sa demande de visa à l'autorité consulaire ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A, et d'autre part le ministre des affaires étrangères et européennes ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 11 janvier 2008 à 11 heures 30, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères et européennes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que M. A, de nationalité algérienne, qui a fait l'objet d'une condamnation à la peine complémentaire de l'interdiction définitive du territoire prononcée le 6 mai 1993 et a été éloigné à destination de l'Algérie le 8 février 2007, a été relevé de sa condamnation par un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 14 juin 2007 ; que, pour lui refuser la délivrance du visa qu'il a sollicité, postérieurement à ce relèvement, en sa qualité de conjoint de Français, le consul général de France à Oran s'est exclusivement fondé sur la circonstance que M. A était signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ; qu'alors qu'il n'est pas contesté que le signalement n'a pas été motivé par d'autres circonstances que la peine d'interdiction du territoire à laquelle le requérant a été condamné, le moyen tiré de ce que, en l'absence de fondement légal à ce signalement à la date à laquelle l'autorité consulaire a pris sa décision, le 26 septembre 2007, le refus de délivrance est entaché d'erreur de droit, doit être regardé, en l'état de l'instruction, comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus de visa ; qu'en outre, l'impossibilité où se trouve placé le requérant de mener une vie familiale normale, est constitutive d'une situation d'urgence ; que les conditions mentionnées à l'article L. 521-1 du code de justice administrative étant réunies, il y a lieu, dès lors, d'ordonner la suspension de la décision de refus du 26 septembre 2007 et d'enjoindre à la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France d'examiner le recours de M. A à la lumière des motifs de la présente ordonnance, dans les quinze jours suivant sa notification ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de mille euros, au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Le refus du consul général de France à Oran en date du 26 septembre 2007 est suspendu.

Article 2 : Il est enjoint à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France d'examiner le recours de M. A à la lumière des motifs de la présente ordonnance, dans les quinze jours de sa notification.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Brahim A et au ministre des affaires étrangères et européennes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 311613
Date de la décision : 11/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jan. 2008, n° 311613
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Jean-Marie Delarue

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:311613.20080111
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