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18/01/2008 | FRANCE | N°303816

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 18 janvier 2008, 303816


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 16 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 janvier 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête de M. Jacques A tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 12 novembre 2002 du tribunal administratif de Dijon rejetant ses demandes en décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti

au titre des années 1998, 1999 et 2001 dans les rôles de la co...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 16 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 janvier 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête de M. Jacques A tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 12 novembre 2002 du tribunal administratif de Dijon rejetant ses demandes en décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998, 1999 et 2001 dans les rôles de la commune de Chalon-sur-Saône, d'une part, annulé l'article 2 de ce jugement et, d'autre part prononcé la décharge demandée ;

2°) statuant au fond, de remettre à la charge de M. A les impositions en litige ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, salarié à plein temps de l'hôpital Louis-Pasteur de Dôle, a exercé l'activité d'arbitre au niveau fédéral pour le compte de la Fédération française de football, et a perçu à ce titre des rémunérations s'élevant à 69 150 F en 1998, 142 409 F en 1999 et 166 303 F en 2000, qu'il a déclarées à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que l'administration l'a imposé à la taxe professionnelle au titre de cette activité dans les rôles de la commune de Chalon-sur-Saône et a mis à sa charge au titre de cette taxe des cotisations s'élevant respectivement à 2 003 F, 2 959 F et 3 432 F au titre des années 1998, 1999 et 2001 ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 janvier 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a fait droit à la requête de M. A tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 12 novembre 2002 du tribunal administratif de Dijon rejetant ses demandes en décharge des cotisations auxquelles il est resté assujetti à la suite d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance et a prononcé la décharge sollicitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération reçoit délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux et procéder aux sélections correspondantes. Cette fédération définit, dans le respect des règlements internationaux, les règles techniques propres à sa discipline (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ;

Considérant que les arbitres de football sont titulaires d'une licence délivrée par la Fédération française de football, en vertu de la délégation que celle-ci a reçue du ministre chargé des sports en application de l'article 17 précité de la loi du 16 juillet 1984 ; que la Fédération les sollicite à son gré pour arbitrer certains matchs, selon des modalités qu'elle définit ; que les arbitres ont toujours la faculté de refuser de donner suite à une telle demande, sans que ce refus puisse être regardé comme un manquement à une obligation contractuelle prédéterminée ; que la Fédération française de football exerce le pouvoir disciplinaire à l'égard des arbitres au même titre qu'à l'égard de tous ses autres licenciés ; qu'enfin les arbitres disposent de l'indépendance nécessaire à l'exercice de leur mission d'arbitrage ; que, par suite, les arbitres ne sont pas liés à la Fédération française de football par un lien de subordination caractérisant l'exercice d'une activité salariée ; qu'il en résulte que la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant qu'il existait un lien de subordination de M. A à l'égard de la Fédération française de football caractérisant l'exercice d'une activité salariée ; que le ministre est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu et d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A ne se trouve pas vis-à-vis de la Fédération française de football dans une situation de subordination caractérisant une activité salariée ; que par suite, les prestations qu'il a effectuées en sa qualité d'arbitre doivent être regardées comme présentant le caractère d'une activité non salariée ;

Considérant, d'autre part, que le nombre des prestations d'arbitrage accomplies chaque année et l'importance des rémunérations perçues en contrepartie de ces prestations suffisent à caractériser l'exercice par M. A d'une activité professionnelle ; qu'eu égard à leur montant, les sommes qui lui ont été versées par la Fédération française de football ne peuvent être regardées comme des indemnités d'équipement ou d'entretien ; que si M. A soutient qu'il a rempli une mission d'utilité publique et qu'il ne disposait pas, en dehors de la Fédération, d'une clientèle pour son activité d'arbitrage, ces circonstances sont sans incidence sur le caractère professionnel de son activité ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'il était passible de la taxe professionnelle en vertu de l'article 1447 du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. A soutient que les arbitres de football sont regardés par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales comme des collaborateurs salariés de la Fédération française de football, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur le principe de leur assujettissement à la taxe professionnelle, en application des dispositions précitées du code général des impôts ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article 1460 du même code prévoit que sont exonérés de la taxe professionnelle : ... 7° Les sportifs pour la seule pratique d'un sport ; que l'exonération prévue par cette disposition est réservée aux sportifs eux-mêmes ; que l'activité d'un arbitre de football consiste à veiller au respect de la réglementation technique du football pendant le déroulement d'une compétition et ne peut être assimilée à la pratique de ce sport ; que, par suite, M. A n'entre pas dans le champ d'application de cette exonération ;

Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que d'autres arbitres de football auraient obtenu la décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles ils avaient été assujettis au titre de cette activité est sans incidence sur le bien-fondé des impositions mises à la charge de M. A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 novembre 2002, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations de taxe professionnelle dont il demeurait redevable au titre des années 1998, 1999 et 2001 ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt du 18 janvier 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : Les cotisations de taxe professionnelle auxquelles M. A reste assujetti au titre des années 1998, 1999 et 2001 dans les rôles de la commune de Chalon-sur-Saône sont remises à sa charge.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. Jacques A.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 303816
Date de la décision : 18/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE - PROFESSIONS ET PERSONNES TAXABLES - EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE AU SENS DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1447 DU CGI - ARBITRE DE FOOTBALL [RJ1].

19-03-04-01 Les arbitres de football sont titulaires d'une licence délivrée par la Fédération française de football, en vertu de la délégation que celle-ci a reçue du ministre chargé des sports en application de l'article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984. La fédération les sollicite à son gré pour arbitrer certains matchs, selon des modalités qu'elle définit. Les arbitres ont toujours la faculté de refuser de donner suite à une telle demande, sans que ce refus puisse être regardé comme un manquement à une obligation contractuelle prédéterminée. La Fédération française de football exerce le pouvoir disciplinaire à l'égard des arbitres au même titre qu'à l'égard de tous ses autres licenciés. Enfin les arbitres disposent de l'indépendance nécessaire à l'exercice de leur mission d'arbitrage. Il en résulte que ces arbitres ne sont pas liés à la fédération par un lien de subordination caractérisant l'exercice d'une activité salariée. Dès lors, les prestations qu'ils effectuent en cette qualité doivent être regardées comme présentant le caractère d'une activité non salariée. En l'espèce, le nombre des prestations d'arbitrage accomplies chaque année et l'importance des rémunérations perçues en contrepartie de ces prestations suffisent à caractériser l'exercice par l'intéressé d'une activité professionnelle. Eu égard à leur montant, les sommes qui lui ont été versées par la Fédération française de football ne peuvent être regardées comme des indemnités d'équipement ou d'entretien. Est, enfin, sans incidence sur le caractère professionnel de son activité le fait que l'arbitre ait rempli une mission d'utilité publique et qu'il ne disposait pas, en dehors de la fédération, d'une clientèle pour son activité d'arbitrage. Il est par suite passible de la taxe professionnelle en vertu de l'article 1447 du code général des impôts.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE - EXONÉRATIONS - EXONÉRATIONS PERMANENTES - SPORTIFS (ART - 1460 - 7° DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - ARBITRE DE FOOTBALL [RJ1].

19-03-04-03 L'exonération de la taxe professionnelle prévue à l'article 1460, 7° du code général des impôts est réservée aux sportifs eux-mêmes. L'activité d'un arbitre de football, qui consiste à veiller au respect de la réglementation technique du football pendant le déroulement d'une compétition, ne peut être assimilée à la pratique de ce sport.


Références :

[RJ1]

Cf. décisions du même jour, s'agissant de la nature des revenus des arbitres, Mme Lagrange, n° 303823, à mentionner aux Tables, et, s'agissant de l'assujettissement à la TVA, Mme Lagrange, n° 303824, à mentionner aux Tables.

Cf., en ce qui concerne l'appréciation de l'existence d'un lien de subordination caractérisant la relation salariée, Cass. soc. 13 novembre 1996, n° 4515 PBR, Sté générale c/ Urssaf de la Haute-Garonne, Bull. 1996 V n° 386.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jan. 2008, n° 303816
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:303816.20080118
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