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23/01/2008 | FRANCE | N°308995

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 23 janvier 2008, 308995


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 14 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE ROMAINVILLE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE ROMAINVILLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 août 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de la société Aventis Pharma S.A. et de la société Biocitech S.A.S., suspendu l'exécution de l'arrêté de son maire du 22 juin 2007 décidant d'exercer son droit de

préemption urbain sur un ensemble immobilier sis 8, 20, 24, 26, 53, 54, 55 e...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 14 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE ROMAINVILLE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE ROMAINVILLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 août 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de la société Aventis Pharma S.A. et de la société Biocitech S.A.S., suspendu l'exécution de l'arrêté de son maire du 22 juin 2007 décidant d'exercer son droit de préemption urbain sur un ensemble immobilier sis 8, 20, 24, 26, 53, 54, 55 et 56, route de Noisy à Romainville, compris dans une opération d'apports partiels d'actifs par la société Aventis Pharma S.A.S. au profit de la société Biocitech S.A.S. et ayant fait l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner remise le 23 avril 2007 ;

2°) statuant en référé, de rejeter cette demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Aventis Pharma S.A. et Biocitech S.A.S le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de la COMMUNE DE ROMAINVILLE et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Aventis Pharma S.A. et de la société Biocitech S.A.S.,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision (...) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de la société Aventis Pharma S.A. et de la société Biocitech S.A.S., suspendu l'exécution de l'arrêté du maire de la COMMUNE DE ROMAINVILLE du 22 juin 2007 décidant d'exercer son droit de préemption urbain sur un ensemble immobilier que la première de ces sociétés avait l'intention d'aliéner au profit de la seconde ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que l'ordonnance attaquée comporte le visa du code de l'urbanisme ; que doit dès lors être écarté le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 742-2 du code de justice administrative, faute de comporter le visa des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ;

Sur la condition d'urgence :

Considérant que la société Biocitech S.A.S bénéficie, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'une présomption d'urgence ; qu'en l'absence de toute argumentation en ce sens de la commune, il n'appartenait pas au juge des référés de rechercher si des circonstances particulières tenant à la nécessité de réaliser rapidement le projet dont elle se prévalait étaient de nature à combattre cette présomption ; que le juge des référés n'a pas non plus commis d'erreur de droit en ne recherchant pas si l'autre société requérante justifiait elle-même d'une situation d'urgence ;

Sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : « Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre des finances prévu à l'article 3 du décret du 5 juin 1940 modifié (...) L'avis du service des domaines doit être formulé dans un délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces soumises au juge des référés que l'avis émis par le service des domaines visait une demande de la commune reçue par ce service le 22 mai 2007 ; que le délai prévu par l'article R. 213-21 n'étant pas un délai franc, le service des domaines avait dans ces conditions jusqu'au 22 juin 2007 pour transmettre son avis à la commune ;

Considérant, en second lieu, que si les dispositions de l'article R. 213-21 exigent que pendant le délai d'un mois, la décision de préemption soit prise au vu de l'avis du service des domaines, la circonstance que cette décision soit prise le jour même de la réception de l'avis des domaines n'est pas à elle seule de nature à l'entacher d'illégalité ; qu'en l'espèce, toutefois, eu égard aux éléments produits devant lui quant à l'heure à laquelle cet avis a été reçu par la commune le 22 juin et quant à l'heure à laquelle la décision de préemption a été prise ce même jour par le maire, le juge des référés n'a ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit en estimant que le maire n'avait pas pu avoir connaissance de cet avis avant de prendre sa décision et en en déduisant que le moyen tiré de l'absence d'avis régulier du service des domaines, préalable à la décision d'exercice du droit de préemption, était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux ;

Considérant, il est vrai, que la COMMUNE DE ROMAINVILLE produit devant le Conseil d'Etat une pièce tendant à établir que la demande d'avis sur la valeur du bien en cause avait en réalité été reçue par le service des domaines le 21 mai 2007 de sorte que, l'avis étant réputé rendu le 21 juin en application des dispositions citées plus haut de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme, le maire pouvait régulièrement prendre la décision litigieuse le 22 juin ;

Mais considérant que les moyens et les pièces présentés au juge de cassation ne sont pas recevables s'ils ne ressortent pas du dossier soumis à la juridiction dont la décision est attaquée ; que la pièce dont se prévaut la COMMUNE DE ROMAINVILLE pour établir que la demande avait été reçue par le service des domaines le 21 mai 2007 a été produite pour la première fois devant le Conseil d'Etat ; que la commune ne peut donc s'en prévaloir pour contester l'ordonnance attaquée ; qu'il lui appartient seulement, si elle s'y croit recevable et fondée, de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE ROMAINVILLE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE ROMAINVILLE le versement aux sociétés Aventis Pharma S.A. et Biocitech S.A.S de la somme de 1 500 euros chacune ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la COMMUNE DE ROMAINVILLE est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE ROMAINVILLE versera aux sociétés Aventis Pharma S.A. et Biocitech S.A. une somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE ROMAINVILLE, à la société Aventis Pharma S.A. et à la société Biocitech S.A.S.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 308995
Date de la décision : 23/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jan. 2008, n° 308995
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Laure Bédier
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:308995.20080123
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