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30/01/2008 | FRANCE | N°278770

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 30 janvier 2008, 278770


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 21 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE CLERMONT-FERRAND, dont le siège est 14, rue Buffon B.P. 112 à Clermont-Ferrand (63000) ; l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE CLERMONT-FERRAND (OPAC) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon d'une part, a annulé, sur requête de l'entreprise Marie, l

e jugement du 14 mai 1998 du tribunal administratif de Clermont-Fer...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 21 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE CLERMONT-FERRAND, dont le siège est 14, rue Buffon B.P. 112 à Clermont-Ferrand (63000) ; l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE CLERMONT-FERRAND (OPAC) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon d'une part, a annulé, sur requête de l'entreprise Marie, le jugement du 14 mai 1998 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant la demande de cette dernière tendant à la condamnation de l'office à lui verser une somme 1 187 830,96 francs représentant le solde du marché conclu pour le lot gros oeuvre de l'opération de réhabilitation de la cité de la Pradelle, d'autre part a condamné l'office à verser à l'entreprise Marie une somme de 81 112,91 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de l'entreprise Marie ;

3°) de mettre à la charge de l'entreprise Marie la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE CLERMONT-FERRAND et de la SCP Vincent, Ohl, avocat de Me Sudre mandataire liquidateur de l'entreprise Marie,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'office public d'aménagement et de construction de la ville de Clermont-Ferrand a confié à l'entreprise Marie le lot « gros oeuvre » d'un chantier de réhabilitation de la Cité de la Pradelle à Clermont-Ferrand, par deux actes d'engagement signés le 29 octobre 1992 pour la première tranche et le 26 janvier 1994 pour la seconde ; qu'en vue de l'achèvement du chantier, l'office a, le 5 octobre 1994, mis en demeure l'entreprise de mener à bien les travaux dont elle avait la charge, et procédé à la mise en régie sept jours plus tard ; qu'en l'absence de projet de décompte final rédigé par l'entreprise, l'OPAC de Clermont-Ferrand a, d'office, notifié au mandataire liquidateur un décompte général, le 17 mai 1995, puis, après l'expiration d'un délai de quarante-cinq jours, a opposé aux demandes adressées par le mandataire, le caractère définitif acquis par ce décompte général ; que le 12 août 1996, Maître Sudre, mandataire liquidateur représentant l'entreprise Marie , a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une demande tendant à condamner l'OPAC à lui régler la somme de 180 100 euros au titre du solde du marché ; que par jugement du 14 mai 1998, le tribunal a rejeté cette demande ; que par un arrêt du 30 décembre 2004 contre lequel l'OPAC de Clermont-Ferrand se pourvoit régulièrement en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et condamné l'office à payer à l'entreprise Marie représentée par son liquidateur, la somme de 81 112,91 euros ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que la cour a annulé le jugement du tribunal administratif pour irrégularité, au motif que le tribunal aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que la forclusion ne pouvait être opposée à l'entreprise Marie, dès lors que l'OPAC ne l'avait pas préalablement mise en demeure de présenter un projet de décompte final, ainsi que le prévoit l'article 13-42 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en cause ; que cependant, si l'entreprise Marie avait fait valoir devant le tribunal administratif que cette forclusion ne pouvait lui être opposée, c'était au titre d'autres motifs auxquels le tribunal a répondu ; que ce n'est qu'en appel que le moyen susmentionné, qui n'est pas d'ordre public, a été soulevé ; que par suite l'office public d'aménagement et de construction de la ville de Clermont-Ferrand est fondé à soutenir que l'arrêt attaqué est entaché de dénaturation des écritures de première instance et d'erreur de droit, et à en demander pour ce motif l'annulation ;

Considérant que par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que l'office public d'aménagement et de construction de Clermont Ferrand a confié à l'entreprise Marie la réalisation du lot « gros oeuvre » d'un chantier de réhabilitation ; qu'en raison des difficultés rencontrées par l'entreprise, qui ont motivé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, puis sa liquidation, par un jugement du tribunal de commerce de Riom le 27 septembre 1994, l'office a recouru, en vue de l'achèvement des travaux, à la mise en régie de ceux-ci aux frais et risques de l'entrepreneur ; qu'il a à cette fin adressé une mise en demeure à l'entreprise le 5 octobre 1994, puis, l'entrepreneur ayant fait savoir le 6 octobre 1994 qu'il ne pouvait, en raison du jugement de liquidation, procéder à l'achèvement des travaux, procédé à la mise en régie le 13 octobre 1994 ; qu'après l'achèvement du chantier, l'entreprise Marie n'ayant pas produit de projet de décompte final, l'office a notifié au liquidateur le décompte général le 17 mai 1995 ; qu'il a enfin opposé aux demandes de justifications présentées par le mandataire judiciaire, le caractère définitif du décompte, acquis le 30 juin 1995 au plus tard, après expiration du délai imparti à l'entreprise pour le contester en application des dispositions du cahier des clauses administratives générales applicable aux travaux ;

Considérant que l'entreprise n'a adressé au maître d'ouvrage aucun projet de décompte final et que ne peut en tenir lieu, compte tenu de la manière dont elle était rédigée, la lettre du 13 avril 1995 par laquelle le mandataire liquidateur demandait à l'OPAC en termes généraux le règlement du solde du marché ; que toutefois le maître d'ouvrage a notifié le décompte général au mandataire liquidateur sans lui adresser préalablement de mise en demeure, en violation de l'article 13.32 du cahier des clauses administratives générales ; que par suite, la notification du décompte général étant entachée d'irrégularité, ce décompte n'a pu devenir définitif; qu'ainsi aucune forclusion ne peut être opposée à l'entreprise ; que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le caractère irrévocable de ce décompte pour rejeter les demandes en paiement de l'entreprise Marie ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement et de statuer, par effet dévolutif de l'appel, sur la demande présentée par l'entreprise Marie devant le tribunal administratif ;

Considérant que l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales prévoit que le délai séparant la mise en demeure d'exécuter le marché et la mise en régie « n'est pas inférieur à quinze jours » ; qu'il n'est pas contesté que l'entreprise a valablement été mise en demeure d'exécuter le marché le 5 octobre 1994 ; que l'OPAC, se fondant sur une lettre que M. Marie lui a adressée le lendemain et par laquelle il lui indiquait que la mise en liquidation de son entreprise le mettait dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution du marché, a procédé à la mise en régie dès le 13 octobre 1994, soit avant l'expiration du délai minimal susmentionné; que la lettre de M. Marie ne pouvant être regardée comme un acquiescement à la réduction du délai prévu au cahier des clauses administratives générales, dès lors qu'à la date où elle a été adressée à l'OPAC seul le mandataire liquidateur pouvait valablement représenter l'entreprise, la mise en régie est intervenue dans des conditions irrégulières ; que par suite l'OPAC ne pouvait faire supporter à l'entreprise Marie les excédents de dépenses résultant de cette mise en régie ; que cette entreprise est dès lors fondée à demander la condamnation de l'OPAC à lui verser la somme de 81 112,91 euros, en remboursement des sommes mises à sa charge au titre de la mise en régie ;

Considérant enfin que si l'entreprise Marie demande également le règlement par l'OPAC de sommes qu'elle estime lui être dues au titre du solde du marché, elle n'apporte aucun justificatif au soutien de cette demande ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'entreprise Marie , représentée par son liquidateur, la somme que l'office public de construction et d'aménagement de la ville de Clermont-Ferrand demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de cet office la somme de 3 000 euros demandée par l'entreprise Marie au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 30 décembre 2004 de la cour administrative d'appel de Lyon et le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 mai 1998 sont annulés.

Article 2 : L'office public de construction et d'aménagement de la ville de Clermont-Ferrand est condamné à verser une somme de 81 112,91 euros à l'entreprise Marie.

Article 3 : L'office public de construction et d'aménagement de la ville de Clermont-Ferrand versera la somme de 3 000 euros à l'entreprise Marie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande présentée par l'entreprise Marie devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et les conclusions présentées par l'office public de construction et d'aménagement de la ville de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE CLERMONT-FERRAND, à Me Sudre, mandataire liquidateur représentant l'entreprise Marie et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 278770
Date de la décision : 30/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2008, n° 278770
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : RICARD ; SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:278770.20080130
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