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06/02/2008 | FRANCE | N°312117

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 06 février 2008, 312117


Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Grace B épouse A demeurant ... ; Mme Grace B épouse A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'Ambassade de France à Accra (Ghana) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'Ã

©pouse d'un étranger ayant bénéficié du regroupement familial ;

2°) d'enjo...

Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Grace B épouse A demeurant ... ; Mme Grace B épouse A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'Ambassade de France à Accra (Ghana) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'épouse d'un étranger ayant bénéficié du regroupement familial ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de réexaminer sa demande de visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'il bénéficie de l'aide juridictionnelle et qui renonce dans cette hypothèse à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat dans les conditions fixées aux articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie du fait de la durée du délai de séparation des époux et de ce que la décision litigieuse fait obstacle à ce qu'une décision préfectorale devenue définitive puisse être exécutée ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'aucun élément ne permet d'établir le caractère frauduleux de l'acte de naissance fournie aux autorités consulaires ; que les mandats postaux envoyés par M. C, ainsi que les nombreux contacts téléphoniques et lettres échangées, démontrent la réalité de la communauté de vie entre les époux ; qu'aucun élément ne permet de soutenir le caractère complaisant du mariage ; qu'en refusant de délivrer le visa sollicité alors que Mme A a été autorisée par décision préfectorale à séjourner en France au titre du regroupement familial, les autorités consulaires font obstacles à son droit de séjour ; que la décision litigieuse porte à une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale, méconnaissant ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision et le recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu, enregistré le 31 janvier 2008, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que M. C a attendu près de deux ans pour former une demande de regroupement familial en faveur de son épouse , que durant cette même période, ils n'ont engagé aucune démarche afin de vivre ensemble en France, qu'aucun élément ne permet d'établir le maintien de liens entre eux et que M. C n'a pas rendu visite à son épouse depuis plus de 4 ans ; qu'il n'y a pas de doute quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit n'est pas fondé dès lors que des incertitudes demeurent concernant les circonstances dans lesquelles ont été établis les documents d'état civil produit ; que Mme A n'a qu'une connaissance vague de la situation de son époux ; que l'absence de vie commune est donc établie ; que les documents fournis ne permettent d'établir l'existence d'une relation entre les époux ; que le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit à une vie privée et familiale normale n'est pas fondée dès lors que les autorités consulaires ont estimé que l'absence de toute relation entre les époux démontrait le caractère frauduleux du mariage ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 février 2008, présenté par Mme A ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête par les même moyens et en outre par les moyens que M. C n'a pas attendu deux ans pour demander le regroupement familial, mais de disposer d'un logement susceptible d'accueillir son épouse ; que l'urgence résulte de l'obstacle fait à la vie familiale par le refus de visa ; que M. C n'avait aucune raison de se rendre au Ghana dès lors que la venue de son épouse avait fait l'objet d'un avis favorable du préfet ; que l'absence de voyages ne suffit pas à établir l'absence de vie commune ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 5 février 2008 à 15 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Farge, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 février 2008, présentée par Mme A, produisant les cartes téléphoniques en possession de M. C le jour de l'audience, moyen usuel de télécommunication avec le Ghana attestant de 100 minutes de communication ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant qu'après avoir épousé Mme A le 6 juin 2003, M. C est revenu en France poursuivre son activité professionnelle tout en étant hébergé par un ami ; qu'il n'a pu occuper un logement susceptible d'accueillir son épouse qu'après avoir signé un bail en septembre 2004, avant de demander en février 2005 à faire bénéficier son épouse du regroupement familial ; qu'il n'a été statué sur la demande de visa introduite par son épouse en février 2006 après avis favorable du préfet en date du 30 janvier 2006 que le 10 juillet 2007 ; qu'en raison du délai écoulé depuis la conclusion du mariage et du début des démarches, alors que le refus de visa fait obstacle au déroulement normal de la vie familiale, la condition d'urgence doit être regardée en l'espèce comme remplie ;

Considérant que le refus de visa contesté est fondé d'une part sur le doute émis par le consulat sur l'identité de l'épouse de M. C, doute qui n'est nourri que de la circonstance que son extrait de naissance a été enregistré le jour où il a été établi, et sur la méconnaissance alléguée de détails concernant la vie de son mari résultant d'un compte rendu d'entretien dans une langue dont il n'est pas contesté qu'elle ne la maîtrise qu'imparfaitement ; d'autre part sur l'absence d'intention matrimoniale dans la conclusion du mariage alors que M. C apporte plusieurs éléments matériels attestant des relations entretenues malgré l'éloignement ; que dans ces circonstances, faute que paraissent établis les doutes relatifs à l'identité de Mme A et au but de son mariage, les moyens tirés de ce que la décision dont suspension est demandée méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article L. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile paraissent sérieux ; qu'il y a lieu en conséquence d'en ordonner la suspension et d'enjoindre aux autorités consulaires françaises au Ghana de procéder à un nouvel examen de la demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant que Mme A a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle, qu'il y a lieu de l'y admettre provisoirement ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que maître Arsène Miaboula, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à maître Arsène Miaboula une somme de 1 500 euros ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant à Mme Grace B épouse A un visa est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint aux autorités consulaires françaises au Ghana de réexaminer la demande de visa de Mme Grace B épouse A, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à maître Arsène Miaboula, avocat de Mme Grace B épouse A, une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme Grace B épouse A est rejeté ;

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Grace B épouse A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 312117
Date de la décision : 06/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 2008, n° 312117
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Tuot
Rapporteur ?: M. Thierry Tuot
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:312117.20080206
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