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12/02/2008 | FRANCE | N°312794

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 12 février 2008, 312794


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE, dont le siège social est situé 15 Allées Léon Gambetta - BP 2129 - à Marseille (13205) ; l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, toutes mesures nécessaires pour que soit assurée la continuité de la diffusion dans la zone de Marseille de Radio Gazelle et que lui soit délivrée une auto

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Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE, dont le siège social est situé 15 Allées Léon Gambetta - BP 2129 - à Marseille (13205) ; l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, toutes mesures nécessaires pour que soit assurée la continuité de la diffusion dans la zone de Marseille de Radio Gazelle et que lui soit délivrée une autorisation de diffusion après la signature de la convention prévue à l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ;

2°) de condamner l'Etat et le Conseil supérieur de l'audiovisuel à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


elle soutient que Radio Gazelle exploite depuis 1981 un service de radiodiffusion dans la région de Marseille sur le canal 98 et a demandé le renouvellement de son autorisation venue à expiration ; que son éviction de la liste des candidats présélectionnés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'annonce que sa fréquence serait attribuée à « France Maghreb 2 » constitue une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de communication et au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ; que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas répondu aux demandes que lui a adressées l'association afin de connaître les motifs de la décision ; que l'association s'est toujours conformée à ses engagements résultant de la convention signée avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel ; que les modalités de fonctionnement de Radio Gazelle qui emploie 6 salariés et la nature de ses programmes apparaissent en parfaite adéquation avec les conditions et les objectifs assignés au Conseil supérieur de l'audiovisuel par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication ; que la décision est entachée de détournement de pouvoir en ce qu'elle révèle une manoeuvre en vue d'assurer un contrôle de la bande FM à l'approche des élections municipales ;



Vu, enregistré le 7 février 2008, le mémoire en défense, présenté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui conclut, à titre principal, à ce qu'il n'y ait lieu de statuer sur la requête, le référé ayant perdu son objet et son caractère urgent ; qu'en effet, la requérante a cessé d'émettre sur la fréquence 98 MHz et a été remplacée par « France Maghreb 2 » ; que l'urgence résultant de l'imminence de l'échéance de l'autorisation d'émettre n'existe plus ; que le juge des référés ne peut proroger l'autorisation d'émettre dont disposait Radio Gazelle sans méconnaître les droits acquis par le service « France Maghreb 2 » qui a effectivement commencé l'exploitation de la fréquence ; qu'aucune autre fréquence n'est disponible ; que les conclusions tendant à ce que soit conclue une convention sur le fondement de l'article 28 de la loi et à ce que soit délivrée une autorisation sur le fondement de l'article 32 reviennent dans les faits à demander l'annulation des décisions d'autorisation et de rejet résultant de l'appel aux candidatures ce qui n'entre pas dans la compétence du juge des référés ; que le juge des référés, dans le prononcé des mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale, ne saurait porter atteinte à l'exercice par un tiers d'une telle liberté ; qu'aucun des moyens invoqués n'est propre à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de communication dès lors que la procédure d'autorisation prévue par la loi du 30 septembre 1986 pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne inclut nécessairement le rejet de candidatures et que la circonstance que la requérante a été titulaire d'une autorisation d'exploiter un service de radio ne lui confère aucun droit de priorité ; que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté la candidature de la requérante au regard de l'intérêt du public et du pluralisme des courants d'expression socioculturels au profit de services s'adressant plus spécifiquement à certaines communautés présentes à Marseille, dont celle à qui s'adressait le service de la requérante ; que la circonstance que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas notifié à la requérante les motifs de rejet de sa candidature ne saurait démontrer une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de communication dès lors qu'est expressément prévue par l'article 32 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée une notification un mois après la publication au Journal officiel des autorisations ; qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale au pluralisme des courants de pensée et d'opinion n'a été commise ; qu'en effet, ce pluralisme résultant de la combinaison des différents services autorisés dans une zone, la requérante ne peut se fonder sur les seules caractéristiques de son service pour démontrer qu'il contribuerait à lui seul au pluralisme et que le paysage radiophonique de Marseille est effectivement pluraliste à l'issue de la procédure d'appel aux candidatures ; qu'aucun élément ne vient conforter le grief de détournement de pouvoir ;

Vu, enregistré le 7 février 2008, le mémoire en réplique présenté pour l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que son action en référé ne saurait se heurter à un non-lieu ; que la décision autorisant « France Maghreb 2 » n'est pas devenue définitive ; que Radio Gazelle ne demande l'annulation d'aucune décision ; que les droits de la défense ont été méconnus ; que les critères retenus par le CSA sont discutables ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE et, d'autre part, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 7 février 2008 à 17h00 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Monod, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE ;
- les représentants de l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE ;
- les représentants du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale… » ;

Considérant que, par une décision du 27 mars 2007, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel aux candidatures pour l'exploitation de services de radiodiffusion par voie hertzienne terrestre dans le ressort du centre technique radiophonique de Marseille ; que l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE qui, en vertu d'autorisations plusieurs fois renouvelées ou prorogées, exploite depuis 1981 un service de radiodiffusion sur la fréquence 98 MHz a présenté sa candidature, laquelle a été déclarée recevable par une décision du 19 septembre 2007 ; que, toutefois, l'association ne figure pas sur la liste des « candidats présélectionnés par zone » arrêtée par le CSA le 27 novembre 2007 alors que, pour la fréquence qu'elle était autorisée à exploiter jusqu'au 6 février 2008, est « présélectionnée » la candidature de la SARL Presse Groupe Nord Sud Communication pour un service dénommé « France Maghreb 2 » ; qu'invoquant une atteinte à la liberté de communication et d'expression et au caractère pluraliste des courants de pensée et d'opinion, l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE demande au juge des référés d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 précité du code de justice administrative, toute mesure permettant que soit assurée la continuité de la diffusion de « Radio Gazelle » ;

Considérant que la circonstance que Radio Gazelle a effectivement cessé d'émettre le 6 février 2008 à 24h00 cependant que, sur la fréquence 98 MHz, « France Maghreb 2 », à ce dûment autorisée, a pour sa part commencé d'émettre le 7 février 2008, ne rend pas sans objet les conclusions susanalysées ni ne fait disparaître l'urgence qui s'attacherait à faire cesser, si elle était établie, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression et de communication ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier ainsi que des éléments recueillis à l'audience que, dans la zone considérée, où le nombre total de fréquences attribuées à l'issue de l'appel à candidatures lancé en septembre 2007 a augmenté de 4 unités, le nombre de radios à caractère associatif autorisées a été ramené de 8 à 6 et, à l'inverse, celui des services thématiques à vocation nationale porté de 4 à 8 ; que l'association requérante fait valoir que ses programmes, élaborés localement, s'adressent principalement à la communauté d'origine maghrébine résidant à Marseille mais également à d'autres communautés présentes dans sa zone de diffusion et qu'elle emploie 6 salariés alors que « France Maghreb 2 », gérée par une société commerciale, diffuse, à l'intention exclusive de la communauté maghrébine, un programme national dont une partie provient d'émissions élaborées dans les pays du Maghreb ; que le CSA fait valoir qu'il a privilégié « les services de format thématique, s'adressant à un public ciblé, notamment à des communautés spécifiques présentes à Marseille » ;

Considérant que si l'association requérante soutient que les conditions dans lesquelles ont été attribuées les fréquences dans la zone de Marseille, en particulier la fréquence 98 MHz, révèlent une méconnaissance de la part du CSA des objectifs qui lui sont fixés par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, il n'apparait pas, en l'état de l'instruction, que les décisions ainsi prises par le CSA soient constitutives d'une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de communication et au caractère pluraliste des courants de pensée et d'opinion ; que, dès lors, les conclusions de l'association tendant à ce que soient ordonnées des mesures sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;




O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'ASSOCIATION RENCONTRE AMITIE RADIO GAZELLE et au Conseil supérieure de l'audiovisuel.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 fév. 2008, n° 312794
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Marie-Eve Aubin
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 12/02/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 312794
Numéro NOR : CETATEXT000018314391 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-02-12;312794 ?
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